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Désormais pour rester compétitives les entreprises sont contraintes d’initier une transformation numérique

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Vendredi, 1 juin 2018

Désormais pour rester compétitives les entreprises sont contraintes d’initier une transformation numérique

APRNEWS - L’entreprise n’a pas le choix. Pour rester compétitive et innovante, elle doit réussir sa transformation numérique.

Enjeu majeur du futur du travail, l’acculturation des collaborateurs aux transformations numériques est une première étape essentielle pour mener à bien l’intégration des systèmes d’intelligence artificielle, nouvel axe de productivité pour l’entreprise. Lors d’une conférence organisée pour Wemanity par l’agence Rumeur Publique en avril 2018, il nous a été demandé de faire état de nos recherches sur les facteurs de succès de la transformation des entreprises. Voici les constats présentés ici résultent de plusieurs recherches-action et learning expédition, notamment en Asie ou au Consumer Electronic Show de Las Vegas.

Aucune entreprise n’échappe à la transformation numérique​

Quels que soient leur taille, leur secteur d’activité ou leur modèle économique (privé ou public), les entreprises sont contraintes d’initier une transformation numérique pour innover et rester concurrentielles. Toutefois, cette transformation numérique ne se conçoit pas de la même façon pour des activités qui entrent soudainement en concurrence frontale avec une plate-forme données (par exemple, dans le domaine de la vente de billets de train, on peut mentionner la compétition entre Trainline et Oui-SNCF) ou, à l’inverse, pour des activités qui émergent avec le numérique et s’appuient sur une logique de partenariat (comme l’accélérateur digital ACT 574 créé par la SNCF afin d’aider l’e-tourisme et de promouvoir la France).

Ces différentes approches peuvent également coexister au sein d’une même entreprise. Il faut donc garder à l’esprit que la transformation numérique est protéiforme. Les talents ou les ressources qu’elle requiert, tout comme ses objectifs, sont divers et peuvent s’avérer antagonistes à court terme. Leur point commun est toutefois de transformer l’organisation du travail et d’accélérer l’introduction de nouveaux usages à moyen terme.

Il existe plusieurs manières de mener une transformation numérique

Nous avons établi une cartographie qui illustre six façons de mener une transformation numérique, ainsi qu’une septième, qui se distingue par la supériorité de son efficacité :

par silo : il s’agit de transformer simultanément chacune des fonctions de l’organisation (la vente, le paiement, la comptabilité, la production, le service après-vente, etc.) et de les « numériser » avec de nouveaux outils ou des processus revisités (site Internet de vente, paiement en ligne, numérisation des données comptables, robotisation de l’outil de production, etc.) ;
par introduction d’outils numériques : par exemple, en mettant en place un réseau social collaboratif qui a pour objectif de fluidifier la communication et de créer les conditions optimales pour favoriser le travail collaboratif ;
par la nomination d’un chef d’orchestre du numérique, le chief digital officer : en officialisant ce type poste, l’entreprise installe un symbole et délivre un signal fort qui vise une transformation centralisée et organisée ;
par les collaborateurs accompagnés ou les corporate hackers : à l’inverse, certaines entreprises peuvent convenir que la transformation numérique n’existera de façon opérationnelle que si elle est portée par « ceux qui font ». Ce modèle est alors assis sur l’inversion pyramidale. La transformation numérique peut également être déclenchée par des salariés qui souhaitent s’emparer de la transformation sans appui de l’organisation : ce sont des corporate hackers.

Par le rachat de start-up et la mise en place d’incubateurs : nombreuses sont les entreprises qui rachètent des start-up pour évincer un concurrent ou visent à introduire une contagion de l’esprit start-up auprès de leurs collaborateurs.

Par la mise en place d’espaces collaboratifs et la reconfiguration des bureaux : la transformation numérique est souvent associée à la collaboration à la fois dans les processus, les méthodes de travail et l’innovation. Or pour la faciliter, on assiste depuis une dizaine d’années au déploiement de nouveaux espaces de travail (open space, flex bureau, etc.) qui ont pour vocation d’encourager et de faciliter le travail en équipe et l’autonomie.

Ces six méthodologies ont toutes leurs points forts et leurs points faibles. Elles font l’objet de débats quant à leurs coûts, à leur pérennité, au niveau d’adhésion des collaborateurs qu’elles entraînent, à la superficialité des transformations induites, etc. Nous avons pu identifier qu’une septième stratégie se distingue par son efficacité, car elle fait la synthèse entre les six autres précitées. Nous l’avons nommée la bubble transformation car elle se concentre sur des « bulles de dysfonctionnement » ou  pain points (que l’on pourrait traduire par « points bloquants »). Ceux-ci seront résolus en ayant recours à l’une des six méthodes décrites ci-dessus, ou même à plusieurs d’entre elles suivant les cas : introduction d’outils numériques, de compétences et méthodes liées au numérique, à l’agilité et au design thinking, de processus allégés, de nouveaux espaces de travail, de co-réalisation avec des start-up, etc.

L’adage de cette bubble transformation est « Un petit spectre de transformation, mais en profondeur, pour viser le succès et la viralité ».

La transformation numérique n’est pas une finalité, mais un point de départ

La transformation numérique n’est qu’une étape dans l’histoire des organisations. Elle est transitoire, et vise à préparer l’étape suivante, qui se nomme intelligence artificielle (IA). En effet, l’IA va remplacer, assister et augmenter les collaborateurs et surtout les managers. Métamorphose des managers à l’ère du numérique et de l’IA) dans la réalisation de nombreuses tâches à faible valeur ajoutée pour l’Homme (dans les premiers temps).

Or pour pouvoir intégrer les systèmes d’IA, il faut à la fois des processus agiles et numérisés et une sensibilisation des collaborateurs à la data. Ainsi, si les managers sont formés aux compétences numériques, d’agilité et de design thinking, ils seront tout à fait armés pour travailler avec des systèmes d’IA, leur fournir des data de qualité, les éduquer, les contrôler, les développer et les mettre en relation avec des tâches humaines pour créer de nouvelles sources de valeur ajoutée. L’acculturation des collaborateurs au numérique représente un atout pour l’étape suivante : l’inclusion des systèmes d’IA dans les tâches réalisées par les hommes. Une transformation numérique facilitera l’intégration de solutions apportées par l’IA.

Former les collaborateurs à l’IA : une nécessité pour les entreprises

Pour conclure, l’entreprise n’a pas le choix. Pour rester compétitive et innovante, elle doit réussir sa transformation numérique. Mais cela ne suffit pas : elle a également le devoir de former ses salariés et surtout ses managers aux applications de l’IA qu’elle met en place. Il s’agit de les amener à repenser le contenu de leur travail en intégrant l’IA comme un nouvel axe de productivité.

Il faut pour cela créer des groupes de réflexion métiers multidisciplinaires associant les collaborateurs, les managers et des partenaires extérieurs (start-uppers, fournisseurs, clients, enseignants-chercheurs etc.). Ensemble, ils pourront mener une réflexion sur les tâches à faire à l’IA (remplacer), sur celles qu’il faut faire avec elle (assister) et sur les nouvelles tâches à faire faire grâce à elle (augmenter). C’est à cette condition que les collaborateurs et les managers accepteront ces nouvelles transformations de leur travail, de leurs responsabilités, de leur contrat social. Plus leur implication et leur adhésion seront sollicitées pour repenser leurs métiers, plus la relation homme-machine au travail pourra être envisagée sereinement et de façon constructive.

L’IA va disrupter le contenu du travail. C’est une opportunité pour imaginer de nouveaux contenus et de nouveaux champs de valeur ajoutée, centrés sur les compétences émotionnelles, la relation humaine, la pensée systémique et sur de nouveaux usages frugaux et collectifs : l’entreprise apprenante. Face à une rupture aussi violente que celle qui va, c’est fortement plausible, survenir avec le développement de l’IA, il nous semble important de respecter le passé, d’être réaliste sur le présent, et de demeurer optimiste sur le futur.

Cécile Dejoux, Professeur des Universités en gestion au Cnam et ESCP Europe, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

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