Vous êtes ici

Back to top

Désobéissance civile : Wakili Alafé, donne son point de vue

Aprnews - Wakili Alafé donne son point de vue - Actualité - Entretien - Cote d'Ivoire
Mercredi, 23 septembre 2020

Désobéissance civile : Wakili Alafé, donne son point de vue

Le dimanche 20 septembre 2020, Henri Konan Bédié, président du Parti Démocratique de Côte Ivoire-Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA), a lancé un appel à la désobéissance civile lors d’une réunion réunissant plusieurs partis de l’opposition, syndicats et groupements de la société civile. Deux jours après, le journaliste Wakili Alafé, Directeur général de L’Intelligent d’Abidjan, se prononce sur cette stratégie de l’opposition ivoirienne censée faire barrage au 3e mandat du Président de la République Alassane Ouattara, à travers des réponses à 5 questions.

  • Entretien

Pierre_Ephèse : M. Wakili Alafé, que pensez-vous de l’appel à la désobéissance civile lancée par le président Henri Konan Bédié et l'opposition ?

Wakili Alafé : C’est dans le droit de l’opposition d’appeler à manifester, même s’il y’a obligation de le faire en respectant les règles et les lois. L’appel à la désobéissance civile avec tout ce que cela implique est risqué politiquement, stratégiquement et en terme de coût social, économique et humain, relativement à l’après. De toutes les façons, les détails et déclinaisons de cet appel restent toujours attendus.

Est-ce une bonne stratégie face à la détermination du Président Alassane Ouattara de briguer un mandat présidentiel supplémentaire ?

Seul le résultat permettra de savoir si c’est une bonne stratégie. À cet instant, il reste difficile de juger. C’est dans la durée que l’on saura. L’objectif est d’obtenir le retrait de la candidature du Président Alassane Ouattara et la remise à plat de tout le processus électoral. Même si les résultats sont atteints, cela devra l’être avec le moins de dégâts matériels et humains possible. Il n’est pas possible au stade actuel de dire que c’est mauvais.

Quelles pourraient être les conséquences de cet appel s’il est plus ou moins suivi?

Une crispation, une radicalisation de la situation, mais aussi le début d’une prise de conscience, pour aller la discussion et éviter la rupture. Lorsque l’on part dans une discussion, chaque partie est amenée à faire des concessions. L’appel de l’opposition peut être une opportunité de dialogue, tout comme cela peut être un signe de blocage. Des acteurs internationaux comme l’ONU, l’UA et la Cedeao étant en action, nul doute qu’ils pourront aider à recréer les conditions d’un dialogue qui n’a jamais été rompu, malgré les apparences.

À votre avis que devrait faire l'opposition ?

Prétentieux pour moi de dire ce que l’opposition doit faire. Elle sait mieux que quiconque où peut se trouver son intérêt. Cela dit, je vote pour une unité d’action contre la candidature du Président Alassane Ouattara, une unité de vue pour réclamer des conditions plus transparentes pour les élections. Cette unité ne cache-t-elle pas un problème, celui de l’absence d’un leadership unique et commun ?

Une autre option pouvait exister : le rassemblement autour d’un leader pour capitaliser les aspirations de l’opposition et jouer à fond le jeu électoral pour prendre le pouvoir à son propre jeu. Le sentiment d’être majoritaire, et la réalité de la manifestation d’une majorité effective dans les urnes, doivent faire accepter l’option de jouer le jeu avec les règles du Rhdp, les règles qui semblent arranger le Rhdp et le rassurer (candidature du président Ouattara, la Cei et le Conseil constitutionnel en place…), mais dont il n’est pas sûr par rapport au comportement électoral des populations le jour du vote.

La force que l’opposition semble avoir pour s’opposer à l’élection, peut être une force plus légitime et même plus « forte » pour agir après l’élection, en cas de tentative de manipulation, de tentative de détournement du suffrage des populations. Le constat d’absence de leadership unique et commun fait déjà penser à l’étape suivante, l’étape d’une éventuelle chute ou défaite du Rhdp. Et on se demande dès maintenant comment les leaders de l’opposition vont s’entendre pour gérer l’après !

L’après Ouattara immédiat ou lointain, ne sera-t-il pas finalement marqué par les mêmes batailles actuelles, avec le Fpi qui reprendra sa posture, le Pdci qui reprendra également sa posture, avec Guillaume Soro et le Gps qui veulent gagner la présidentielle ?

On trouvera que c’est un jeu démocratique normal, dans le cadre de règles établies par une nouvelle équipe au pouvoir, si entre temps les choses marchent pour l’opposition.

N’est-il toutefois pas possible de faire l’économie de positions radicales si à la fin, c’est pour maintenir le pays sous le joug des batailles des mêmes acteurs et partis politiques ? Car à la fin des courses, rien n’aura changé...

Quelle stratégie efficace devrait-elle adopter ?

Aucune idée. Il n’y a pas de solution parfaite, de solution toute faite et clé en main à proposer, il y’a une lecture à faire, les forces en présence à prendre en compte, il y’a le passé et l’histoire à interroger, il y’a les exigences de responsabilité des uns et des autres à prendre en compte. Il y’a le 31 octobre 2020 certes, mais il y’a aussi l’après 31 octobre 2020. Je pense que le gouvernement et l’opposition peuvent reprendre le dialogue et trouver quelques points d’accords pour sauver l’élection. L’exemple qu’il ne faut pas est celui du Mali. Qui gagne un mois après la chute du Président IBK? Après l’euphorie, les questions de fonds méritent d’être posées. Le gouvernement et l’opposition peuvent encore sauver le 31 octobre 2020, à jour J moins 40.