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De la Passion... antioxydante

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Mercredi, 4 novembre 2020

De la Passion... antioxydante

Dans une étude menée conjointement au sein des universités de Liège et de Sao Paulo, des chercheurs ont mis en évidence les propriétés antioxydantes du fruit de la passion en utilisant des méthodes de recherche originale. Ils ont ainsi posé les bases d'une nouvelle approche dans la recherche d’extraits végétaux dotés de la capacité de moduler les excès potentiels d’espèces oxydantes et notamment de radicaux libres dans la cellule, excès qui peuvent être particulièrement néfastes lors des réactions inflammatoires en cas d’infection, d’accident, de trauma musculaire, … 

 

Centre interdisciplinaire, le CORD (Centre de l'Oxygène, recherche et développement) comprend des cliniciens en médecine humaine et en médecine vétérinaire ainsi que des chercheurs en sciences fondamentales. «Notre thématique de recherche concerne la mise en évidence des formes activées de l’oxygène d’un point de vue physiologique ou pathologique, explique Didier Serteyn, son directeur. Nous étudions le stress oxydant et le métabolisme de l’oxygène à la base de ces formes activées que l’on appelle vulgairement et de manière restrictive des radicaux libres.

Ces formes activées de l’oxygène, principalement produites in vivo par les mitochondries et les globules blancs, jouent un rôle dans l’équilibre physiologique de la cellule et l’inflammation. L’originalité de notre travail de recherche est de trouver des extraits naturels capables de neutraliser ces formes activées de l’oxygène, mais surtout capables d’inhiber ou de moduler l’activité des enzymes (dites « enzymes oxydantes ») qui les produisent in vivo.

Ces enzymes sont bien présentes dans le type principal de globules blancs, le neutrophile, spécialisé dans la défense de l’organisme, mais aussi impliqué dans l’amplification de la réponse inflammatoire, d’où l’intérêt de l’utiliser comme modèle cellulaire. » 

Des recherches qui intéressent la médecine humaine tout comme la médecine vétérinaire, particulièrement la médecine vétérinaire équine. En effet, le cheval, animal beaucoup plus sensible que la vache peut mourir des suites d’une réaction inflammatoire excessive, état pathologique qui correspond au vrai stress oxydant. 

A terme, il s’agit d’aider à la mise au point de médicaments, à base d’antioxydants, qui règlent ces excès potentiels. Il faut également savoir que les antioxydants ne sont pas toujours bons et que, utilisés en excès, ils peuvent provoquer un effet inverse à celui recherché. Comme l’écrivait le médecin suisse Paracelse (1493-1541) : «Toutes les choses sont poison et rien n’est sans poison : seule la dose fait qu’une chose n’est pas un poison». En d’autres termes, en réagissant avec les espèces oxydantes, les antioxydants peuvent devenir eux-mêmes des oxydants. Par ailleurs, plus il y aura d’espèces oxydantes, plus il faudra d’antioxydants pour les neutraliser avec des risques de surdose. D’où l’importance de cibler les effets modulateurs d’extraits végétaux ou de molécules sur les enzymes qui sont directement à la source des espèces oxydantes.

De l’extrait naturel au principe actif

Des recherches sont menées sur de nombreuses plantes afin de déterminer si elles peuvent être une source d’antioxydants et constituer un potentiel pour un futur médicament.  Ainsi, il a été montré que la curcumine, pigment principal du curcuma (Curcuma longa) possède des propriétés antioxydantes. Dans la pratique, les chercheurs travaillent sur des extraits naturels et développent des outils afin de tester les effets antioxydants de ces extraits naturels et d’établir un profil précis de leur mode d’action. Dans l’étude qui vient d’être publiée, le profil antioxydant du fruit de la passion (Passiflora edulis et Passiflora alata) a été dressé et mis en évidence par des techniques qui font la distinction entre la capacité des extraits de fruit de la passion à neutraliser les espèces oxydantes et leur capacité à réduire l’activité des enzymes qui produisent ces espèces oxydantes. Très commun au Brésil, le fruit de la passion s’est ainsi révélé une source intéressante d’antioxydants, actifs sur les enzymes oxydantes.

Franchir la barrière intestinale

Les réactions inflammatoires pouvant se révéler rapidement mortelles, il convient donc de surtout réduire la formation des espèces oxygénées activées en agissant sur les enzymes qui les produisent. Le problème que rencontrent toutefois les chercheurs est que les différentes molécules qui ont été identifiées pour leurs propriétés antioxydantes, des polyphénols principalement, doivent passer la barrière intestinale afin d’être actives. En d’autres termes, il ne suffit pas de donner un antioxydant pour qu’il soit immédiatement efficace. Une partie du principe actif est éliminée et ne passe pas la barrière intestinale. C’est pourquoi la recherche fondamentale est primordiale afin de déterminer la meilleure manière d’augmenter l’efficacité du principe actif. Dans le même ordre d’idées, il ne suffit pas de manger des fruits de la passion, même en grandes quantités, pour bénéficier de ses propriétés antioxydantes. D’une part, parce que le principe actif n’est pas concentré comme il l’est dans un médicament et d’autre part, parce que la plus grande partie des antioxydants n’est pas absorbée par l’organisme. De même, il semble de plus en plus que les suppléments alimentaires comprenant des antioxydants, commercialisés sous le label d’alicaments, n’ont pas l’efficacité espérée ou attendue. 

«Cela étant, il est bénéfique de manger des fruits et des légumes, souligne Thierry Franck, chercheur du CORD et co-auteur de cette étude. Ce sont des micro-doses qui sont absorbées et qui ont des effets positifs sur la santé. Une consommation régulière de fruits qui ont des propriétés antioxydantes a clairement un effet protecteur, mais n’est pas suffisante si l’on est confronté à une réaction inflammation incontrôlée». Parmi les fruits qui présentent un intérêt pour leurs propriétés antioxydantes, les chercheurs ont donc étudié la pulpe du fruit de la passion (Passiflora edulis et Passiflora alata) ainsi que les pelures de la seule espèce Passiflora edulis.

Le fruit de la passion : source d’antioxydants

L’activité antioxydante des extraits issus de la pulpe et des écorces  du fruit de la passion a été étudiée sur l’activité oxydante des neutrophiles et de la myéloperoxydase (MPO) des neutrophiles (enzyme de défense productrice d’oxydants puissants), deux éléments jouant un rôle-clé dans l’inflammation. Les effets des extraits du fruit de la passion sur la production d’espèces oxydantes par les neutrophiles stimulés ont été évalués par une méthode de chimioluminescence (CL) et leurs effets sur les activités de la myéloperoxydase purifiée ont été mesurés par la méthode SIEFED (Specific Immunological Extraction Followed by Enzymatic Detection). Les extraits de pelures de Passiflora edulis présentent, au vu des mesures effectuées les propriétés anti-oxydantes les plus importantes, ouvrant ainsi la voie à de futures utilisations comme source de flavonoïdes (polyphénols) naturels.

Université de Liege