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Covid-19 : l'Afrique, prochain foyer de la pandémie ?

Photo d'Illustration - Protection - Covid-19 - Actualité - International
Lundi, 20 avril 2020

Covid-19 : l'Afrique, prochain foyer de la pandémie ?

Selon les projections de l'OMS, le Covid-19 pourrait toucher 10 millions de personnes en six mois. De quoi augmenter la pression chez les dirigeants.

  • 10 millions de cas de Covid-19 d'ici trois à six mois

Selon un modèle provisoire, les cas de coronavirus en Afrique pourraient passer de quelques milliers à 10 millions d'ici trois à six mois, selon un responsable régional de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais Michel Yao, chef des opérations d'urgence pour l'OMS Afrique, a déclaré jeudi que c'était une projection provisoire qui pourrait changer. Il a noté que les prévisions les plus défavorables pour l'épidémie d'Ebola ne se sont pas réalisées parce que les gens ont changé leur comportement à temps. « Cela reste à peaufiner », a-t-il déclaré lors d'une téléconférence avec les médias. « Il est difficile de faire une estimation à long terme, car le contexte change trop et aussi les mesures de santé publique, lorsqu'elles sont pleinement mises en œuvre, peuvent effectivement avoir un impact. »

Plus globalement, l'agence s'alarme de la progression rapide de la pandémie de coronavirus en Afrique, tout en estimant qu'à ce stade elle peut encore être contenue. Au cours de la semaine écoulée, il y a eu une hausse de 51 % du nombre de cas recensés sur le continent, et une hausse de 60 % du nombre de décès, d'après le directeur général de l'OMS, l'Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus. « Compte tenu de la difficulté d'obtenir des kits de diagnostic, il est probable que les nombres réels soient plus élevés », a-t-il affirmé au cours d'une conférence de presse virtuelle depuis Genève.

  • La barre des 1 000 décès atteinte en Afrique

La pandémie du nouveau coronavirus a fait 1 000 morts en Afrique depuis son apparition en Chine en décembre, dont les trois quarts en Algérie, en Égypte, au Maroc et en Afrique du Sud, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles vendredi à 20 heures GMT. Selon les chiffres officiellement recensés – 1 000 décès pour 19 334 cas –, l'Afrique est avec l'Océanie l'un des continents les moins touchés par la pandémie, qui a tué au moins 150 147 personnes dans le monde. L'Algérie est le pays d'Afrique qui déplore le plus grand nombre de décès sur son sol (364), devant l'Égypte (205), le Maroc (135) et l'Afrique du Sud (50).

  • Pour la CEA, le Covid-19 pourrait faire 300 000 morts

C'est ce qu'a déclaré vendredi la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA) dans un rapport. Selon la CEA, le rapport « COVID-19 : protéger la vie et les économies africaines » est l'aboutissement d'analyses et de consultations approfondies avec des représentants clés de la société civile, des institutions financières internationales et du secteur privé. La cheffe de l'institution, Vera Songwe, a déclaré que 100 milliards de dollars étaient nécessaires pour « fournir de toute urgence et immédiatement un espace budgétaire à tous les pays pour aider à répondre aux besoins immédiats des populations en matière de protection sociale ».

(Voir doument PDF ci-joint)

Selon les estimations de l'agence onusienne, la pandémie pourrait ralentir la croissance économique du continent « de 3,2 à 1,8 % dans le meilleur des cas, poussant près de 27 millions de personnes dans l'extrême pauvreté ». L'Afrique est particulièrement sensible, car 56 % de sa population urbaine est concentrée dans des bidonvilles ou des logements informels et que seuls 34 % des ménages africains ont accès à des installations de base où se laver les mains, a-t-elle ajouté. « Les coûts économiques de la pandémie ont été plus élevés que l'impact direct du Covid-19. Sur l'ensemble du continent, toutes les économies souffrent du choc soudain qui frappe les économies. La distance physique nécessaire pour contrôler la pandémie est en train d'étouffer et de noyer l'activité économique », a déclaré Songwe. Elle a appelé à des efforts concertés pour maintenir le commerce en circulation, en particulier dans les fournitures médicales essentielles et les aliments de base, avec une forte poussée des politiques pour lutter contre l'idée d'imposer des interdictions d'exportation. Le rapport propose que la propriété intellectuelle sur les fournitures médicales, les nouveaux kits de test et les vaccins soit partagée pour aider le secteur privé africain à jouer son rôle dans la réponse.

  • L'Afrique a besoin de 44 milliards de dollars en plus

À Washington, la Banque mondiale et le FMI ont indiqué qu'il manquait 44 milliards de dollars au continent pour lutter contre la pandémie. Créanciers officiels et privés ont mobilisé ou pourraient mobiliser jusqu'à 70 milliards de dollars, mais l'Afrique a besoin de 114 milliards, selon ces institutions. « Ensemble, les créanciers officiels ont mobilisé jusqu'à 57 milliards de dollars pour l'Afrique en 2020 », indiquent-ils dans un communiqué commun. Sur les 57 milliards, plus de 36 milliards proviennent du FMI et de la Banque mondiale, qui ont versé environ 18 milliards chacun. Cette somme est allouée pour fournir des services de santé « de première ligne, soutenir les pauvres et les vulnérables ». Il s'agit en outre de « maintenir les économies à flot face au pire ralentissement économique mondial depuis les années 1930 », ont-ils expliqué.

  • Au Malawi, le confinement suspendu par une décision de justice

La justice du Malawi a suspendu vendredi pendant une semaine l'entrée en vigueur, prévue ce samedi, du confinement national décrété par les autorités pour ralentir la pandémie de coronavirus. Le président Peter Mutharika avait annoncé mardi soir à la télévision à ses compatriotes qu'ils devraient rester chez eux pendant au moins trois semaines. « Si nous ne prenons pas garde, le Malawi pourrait perdre jusqu'à 50 000 vies, il faut agir maintenant », avait-il plaidé. Selon le dernier bilan des autorités, 17 cas de contamination ont été rapportés dans le pays, dont 2 mortels. Mais une organisation non gouvernementale, la Coalition des défenseurs des droits humains (HRDC), a sollicité devant la justice le report de l'ordre présidentiel au motif qu'il n'était accompagné d'aucune mesure d'aide aux plus démunis. Le tribunal n'a pas motivé son jugement et doit examiner le fond du dossier ultérieurement.

Le Malawi est considéré comme un des pays les plus démunis au monde. Selon la Banque mondiale, plus de la moitié (51,5 %) de ses 17 millions d'habitants vit sous le seuil de pauvreté. Jeudi et vendredi, des milliers de vendeurs informels ont manifesté dans plusieurs villes du pays pour prévenir les autorités qu'ils ne respecteraient pas l'ordre de confinement et qu'ils poursuivraient leurs activités pour nourrir leurs familles.

  • Au Soudan, le gouverneur de Khartoum limogé

Le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok, a limogé jeudi le gouverneur de Khartoum, le lieutenant général Ahmed Abdoun Hamad. Le motif ? Ce dernier avait refusé d'appliquer l'interdiction des prières collectives en raison des mesures de confinement. Comme de nombreux pays africains, le Soudan a une incidence relativement faible avec 32 cas confirmés et 5 décès dus au Covid-19, mais les autorités craignent qu'une épidémie plus importante ne submerge rapidement le système de santé délabré du pays. Selon le général Ahmed Abdoun, les autorités civiles n'ont pas l'autorité d'interdire les rassemblements du vendredi et du dimanche dans les mosquées. Il a donc refusé de quitter son poste, accentuant un peu plus la fracture de plus en plus réelle au sein du Conseil suprême au pouvoir, qui est composé de civils et des généraux de l'armée et qui est censé conduire le pays vers des élections démocratiques en 2022. Le contexte est d'autant plus explosif que les partisans de l'ancien président Omar el-Béchir manifestent régulièrement dans la capitale pour exiger la démission du gouvernement, et ce, malgré l'interdiction des rassemblements. À compter de ce samedi, la capitale Khartoum est totalement confinée pendant trois semaines.

  • Au Togo, la population dénonce les violences policières

Le Collectif des associations contre l'impunité au Togo (CACIT) a annoncé, vendredi, des plaintes contre les auteurs des bavures commises par les forces de sécurité et de défense sur les citoyens lors du couvre-feu. Exemple : cette semaine, un journaliste a été passé à tabac par les forces de l'ordre à Lomé et a rendu l'âme sans que le gouvernement ait donné plus d'informations sur ce cas. « Ces bavures sont avérées et donc nous avons espoir que ceux qui posent de tels actes ne resteront pas effectivement impunis. Nous gardons espoir que, dès que nous allons introduire les plaintes devant les juridictions, la justice va faire son travail et que ces personnes vont pouvoir répondre de leurs actes », a déclaré sur RFI le président du ACIT, Claude Amegan. Le couvre-feu débuté au Togo depuis le 2 avril dernier pour limiter la propagation du coronavirus donne lieu à des bavures. Selon le collectif, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le général Yark Damehane, a soutenu que « ces actes de violences et de bavures ne resteront pas impunis » et que « les auteurs seront condamnés ». Un numéro gratuit, le 1014, a été instauré pour permettre à la population de signaler les voies de fait des forces de sécurité et de défense.

  • Malgré les critiques, l'Afrique du Sud maintient l'interdiction de la vente d'alcool

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé vendredi le maintien, malgré les nombreuses critiques, de l'interdiction de la vente d'alcool qui accompagne le confinement total du pays pour cause de pandémie de coronavirus. En même temps qu'il a demandé fin mars à ses 57 millions de compatriotes de rester chez eux, M. Ramaphosa a interdit jusqu'au 30 avril au moins toutes les activités jugées « non essentielles », dont la vente d'alcool et de cigarettes. Son ministre de la Police, Bheki Cele, s'est mué en champion de la prohibition et a donné à ses agents l'ordre de traquer sans relâche les contrevenants. Statistiques à l'appui, M. Cele a affirmé que cette interdiction avait favorisé un net recul de la criminalité dans le pays depuis le début du confinement.

Il a même publiquement envisagé de la maintenir à l'avenir. Cette politique suscite un vif mécontentement des consommateurs, comme des entreprises de la filière. Une association de propriétaires de bars et de buvettes de la province du Gauteng – celle de Johannesburg et de la capitale Pretoria – a formellement demandé au chef de l'État de lever la mesure. « L'interdiction des ventes d'alcool est confirmée », a fait savoir le chef de l'État vendredi soir dans un communiqué. « En tant que tel, l'alcool ne peut être considéré comme un bien essentiel. C'est même un obstacle à la lutte contre le coronavirus. » À l'appui de sa démonstration, M. Ramaphosa a aussi rappelé les « liens avérés » entre l'alcool et la criminalité, les accidents de la route et autres urgences médicales. Avant de rappeler à la filière qu'elle bénéficiait, comme d'autres secteurs de l'économie, du plan de soutien financier du gouvernement.

  • La justice nigériane doit gérer les multiples cas de violences

Plus de 140 personnes ont été présentées vendredi devant un tribunal du Nigeria, accusées de meurtres, de cambriolages et de violences de rue pendant le confinement imposé pour tenter d'enrayer la propagation du coronavirus, a annoncé la police. Ces suspects ont été déférés devant un tribunal de l'État d'Ogun, qui jouxte la capitale économique nigériane, Lagos. « Il s'agit de 142 personnes accusées de meurtres, de cambriolages, de possession illégale d'armes et de troubles à la paix publique », a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police, Abimbola Oyeyemi. Les suspects sont notamment accusés d'avoir terrorisé des habitants et des automobilistes lors de vols à main armée, a ajouté le porte-parole, selon lequel ces délinquants appartiennent à des gangs de rue. « Ils ont également violé l'ordre de confinement du gouvernement en se déplaçant sans autorisation », a indiqué M. Oyeyemi. Ces suspects ont été maintenus en garde à vue dans l'attente d'une nouvelle audience du tribunal. La crainte d'une augmentation de la criminalité et d'émeutes est grande, le confinement et autres restrictions empêchant des millions de personnes pauvres du secteur informel de pouvoir aller travailler pour survivre. Ces derniers jours, des habitants de plusieurs quartiers de Lagos et d'Ogun sont descendus dans les rues pour se défendre eux-mêmes après des informations faisant état d'une série d'attaques de bandits armés. Les forces de sécurité ont de leur côté tué 18 personnes depuis fin mars au Nigeria, accusées de ne pas avoir respecté les mesures de confinement, selon la commission nationale de surveillance des droits de l'homme. Selon les derniers chiffres officiels, 442 cas d'infection par le coronavirus ont été recensés au Nigeria, dont 13 mortels.

Source : Le Point Afrique