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Côte d’Ivoire : Une démocratie sans démocrates ?

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Lundi, 12 octobre 2020

Côte d’Ivoire : Une démocratie sans démocrates ?

Geoffroy Julien Kouao, juriste et analyste politique ivoirien était invité de la DW le mercredi 7 Octobre 2020. Auteur d'un livre sur la démocratie ivoirienne, il explique sa colère face à l'actualité politique du pays.

 

Il vient de publier un livre au titre provocateur : "Côte d’Ivoire : Une démocratie sans démocrates ? La ploutacratie n'est pas la démocratie". Geoffroy Julien Kouao, juriste et analyste politique ivoirien était invité de la DW. Il déplore "le recul de la démocratie" dans son pays sur la campagne présidentielle en cours, l'histoire politique des dernières annés dans le pays et expliques ses craintes et ses espoirs pour les mois à venir.

DW : Où sont passés les démocrates ivoiriens?
Geoffroy Julien Kouao
: Les démocrates ivoiriens se sont mis eux-mêmes en congé. Vous savez que pour construire une démocratie, il faut des démocrates. Malheureusement, les différentes alternances politiques observées en Côte d'Ivoire depuis 1999 jusqu'à aujourd'hui ne permettent pas d'affirmer que notre classe politique compte assez de démocrates pour construire notre démocratie.

DW : Page 16 de votre livre, vous écrivez qu'aucun des grands partis ou des quatre grands hommes politiques ne prendrait le risque, en 2020, d'hypothéquer son patrimoine et celui des siens. Qui sont ces grands hommes dont vous parlez dans votre livre ?
Je parle principalement de monsieur Laurent Gbagbo, de monsieur Alassane Ouattara, de M.Henri Konan Bédié et de M. Soro Guillaume. 

La campagne présidentielle 2020 a déjà été marquées par les violences

La campagne présidentielle 2020 a déjà été marquées par les violences

Intérêts personnels

DW : Est ce que vous vous dites là qu'il s'agit plutôt de mettre en cause ces acteurs politiques qui sont plus préoccupés par leur enrichissement personnel que par les préoccupations des Ivoiriens ?
Geoffroy Julien Kouao
: Dans tous les cas de figure, une observation attentive de la scène politique ivoirienne montre bien que les leaders politiques ou bien les partis politiques qui ont déjà gouverné la Côte d'Ivoire l'ont fait moins dans l'intérêt général, mais plus par intérêts égoïstes et personnels.

DW : Dans le contexte actuel du pays, on constate l'absence des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale et le silence des institutions de contre pouvoir, sur les tensions qui agitent le pays actuellement. Quelle est votre lecture de cette situation ?
Geoffroy Julien Kouao
: D'abord, la Constitution doit être respectée. La Constitution dispose très bien que le président de la République nomme un vice président en accord avec le Parlement. Le problème c'est que, après la démission de monsieur Kablan Duncan, nous n'avons pas encore de vice président. Ce qui remet en cause le respect de la Constitution. L'absence d'un président du Sénat et de l'Assemblée nationale sur le territoire national ne cause pas de problème particulier de fonctionnement de l'Assemblée nationale ou du Sénat. En ce sens que, selon les règlements intérieurs de ces deux chambres du Parlement, les vice-présidents peuvent valablement assurer leur intérim.

DW : Et si d'aventure par extraordinaire, le 31 octobre, on n'arrive pas à faire les élections, quelle sera la situation de la Côte d'Ivoire ?
Geoffroy Julien Kouao
: La Constitution est claire sur cette question de continuité de l'Etat. S'il n'y a pas d'élection, le président de la République reste en fonction.

DW : Page 17 de votre livre, vous parlez de la CPI qui est en embuscade. Et vous écrivez que la présence de cette juridiction est un véritable gage de stabilité politique et sociale en Côte d'Ivoire en 2020. Que pensez vous de l'opinion très répandue selon laquelle la CPI est d'appui pour le président Alassane Ouattara ?
Geoffroy Julien Kouao
: Je ne partage pas cette opinion, seulement que le pays a un mode de fonctionnement qui lui est propre et que la CPI fonctionne de façon séquentielle. Vous savez très bien que la question de la crise postélectorale de 2010 n'est pas encore vidée. Selon toute vraisemblance, messieurs Gbagbo et Blé Goudé ne sont pas responsables des faits qui leur sont reprochés et ils seront donc relaxés. Mais dans tous les cas, la CPI devra continuer à rechercher les auteurs des 3.000 morts de la crise post électorale. Et pour moi, c'est un gage de paix et de cohésion sociale. Et c'est pour cela que je suis certain que, nonobstant cette fébrilité pré électorale que nous avons, il n'y aura pas de crise majeure parce que tous les acteurs politiques ivoiriens sont conscients que, à tout moment, ils peuvent être interpellés par la Cour pénale internationale.

Démocratie participative

DW : Pour revenir à votre affirmation du départ qui est le titre de votre ouvrage, "Côte d'Ivoire à une démocratie sans démocrates". Que proposez vous exactement pour une meilleure participation du peuple à la vie démocratique ? Agir à l'école ou sensibiliser au civisme ?
Geoffroy Julien Kouao : Je pense que nous sommes dans une démocratie représentative qui fonctionne très mal. Il y a une désaffection de la population envers les élus et les élus agissent contrairement à la volonté des populations. Pourquoi ne pas penser, par exemple, à une démocratie délibérative ou à une démocratie participative, c'est à dire citoyenne ? Permette aux citoyens, à travers des sondages, dea collectea d'informations, des données ou bien des assemblées populaires pour que les populations donnent leur avis. Autrement dit, il faut une remise en cause de notre démocratie représentative.

Des étudiants à Abidjan

Des étudiants à Abidjan. Geoffroy Julien Kouao prône plus de démocratie participative.

DW : Alassane Ouattara, qui dit s'être battu pour la démocratie, emprisonne aujourd'hui des opposants et semble s'accrocher au pouvoir. Le FPI de Laurent Gbagbo, qui aujourd'hui fait alliance avec Guillaume Soro, un ancien chef rebelle à qui même ce même FPI attribue de nombreux crimes. Le FPI ne se trouve pas des candidats en dehors de Laurent Gbagbo qui est retenu à l'extérieur. On a l'impression que c'est la pensée unique à l'intérieur des partis politiques en Côte d'Ivoire...
Geoffroy Julien Kouao
: Oui, vous savez très bien que, j'en parle dans le livre, en Côte d'Ivoire, on est démocrate que lorsqu'on est opposant. Une fois arrivé au pouvoir, on devient autre chose. Un seul exemple : les médias publics en Côte d'Ivoire. Quand les partis sont dans l'opposition, les leaders et autres dénoncent la confiscation des médias publics par le pouvoir. Mais lorsqu'ils arrivent au pouvoir, ils en font de même. Il faudrait que nous comprenions une chose que ce n'est pas parce qu'on est opposant qu'on est un démocrate.

DW