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Côte d’Ivoire : Tiken Jah part en « guerre » contre le Sénat

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Mardi, 20 mars 2018

Côte d’Ivoire : Tiken Jah part en « guerre » contre le Sénat

APRNEWS- Le samedi 24 mars, le corps électoral est appelé aux urnes pour choisir les sénateurs ivoiriens. Cette élection soulève une désapprobation générale au sein de l’opposition et d’une partie de la société civile. De passage à Paris, la star ivoirienne Tiken Jah, a abordé le sujet avec Christophe Boisbouvier de Radio France Internationale (Rfi). Bien que faisant chorus avec l’opposition sur la question du Sénat, il a confié ne jamais se lancer dans « la lutte pour la libération de Laurent Gbagbo »

Tiken Jah Fakoly bonjour !

Bonjour !

Pourquoi êtes-vous solidaires des marcheurs de jeudi prochain (jeudi 22 mars 2018 : ndlr) contre les élections sénatoriales de samedi prochain ?

Beh, je suis solidaire des marcheurs parce que je pense que le Sénat n’est pas utile pour la Côte d’Ivoire. En Côte d’Ivoire, nous avons déjà pleins d’institutions. Il y a un président de la République, un Vice-Président, un Premier Ministre, un Président de l’Assemblée nationale, un Président du Conseil Economique et Social. Je pense que toutes ces institutions ont de gros budgets. Mettre un sénat en place aujourd’hui, je trouve simplement que c’est inutile et qu’on pourrait utiliser ce budget pour faire autre chose. Et l’autre raison, le Sénégal a abandonné le Sénat parce que c’est inutile, il y a eu l’insurrection au Burkina Faso à cause du Sénat. Le peuple malien s’est opposé au Sénat. C’est pourquoi je serai de cœur avec ceux qui organisent la marche du jeudi prochain.

Vous serez de cœur parce qu’en fait, vous ne serez pas à Abidjan jeudi ?

Je ne serai pas à Abidjan malheureusement parce que j’ai une contrainte de calendrier. Je serai au Canada pour un spectacle. Sinon, je suis de cœur avec eux parce que je pense que c’est un combat qui mérite d’être mené.

Alors, ce futur Sénat, il procède de la nouvelle Constitution qui a été approuvée par le peuple lors d’un référendum, il y a 18 mois. Est-ce que ce n’est pas un projet tout de même qui est démocratique ?

Vous savez, il y a des projets démocratiques, mais quand on voit que ça ne va pas dans l’intérêt du peuple, je pense que la démocratie nous autorise à nous y opposer.

Les 99 futurs sénateurs doivent représenter notamment les collectivités territoriales. Alors dans un pays comme le vôtre qui a été déchiré par des conflits territoriaux, des conflits à caractères ethniques et régionalistes, est-ce que ce futur Sénat ne peut pas recoudre un tissu qui est déchiré ?

Oh, je pense que d’autres institutions peuvent permettre de recoudre ce tissu. On a déjà les députés qui sont les représentants des peuples. Donc toutes les régions sont représentées à l’Assemblée nationale.

Derrière les élections sénatoriales, l’opposition ivoirienne vise la CEI (Commission électorale indépendante) qui, à ses yeux, n’est pas indépendante justement. Est-ce que vous partagez le point de vue de l’opposition ?

Je partage le point de vue de l’opposition parce que, vous savez, on a eu une crise postélectorale en 2010. Et donc ces élections ont été organisées par la CEI présidée par monsieur Youssouf Bakayoko. Et, je ne comprends pas. Je pense que beaucoup de démocrates en Côte d’Ivoire ne comprennent pas pourquoi Youssouf Bakayoko est encore là. Chaque fois que les Ivoiriens voient Youssouf Bakayoko à la télévision, ça nous ramène à la crise postélectorale. Et donc je suis d’accord avec l’opposition. Il faut absolument que nous ayons un nouveau président de la Commission électorale pour que les élections soient crédibles.

Alors, de fait, à la tête de la Commission électorale en décembre 2010, Youssouf Bakayoko a déclaré Alassane Ouattara vainqueur. A l’époque, il a eu tort ou il a eu raison ?

Oh, je pense que je fais partie des Ivoiriens qui pensent que le bilan économique de Laurent Gbagbo était négatif et qu’il n’y avait pas de raison qu’il soit réélu. Une autre raison, c’est que Laurent Gbagbo avait fait deux mandats. Il avait été élu en 2000. En 2005, il n’y a pas eu d’élection, donc en 2010, ça lui faisait deux mandats. Donc je pense que Laurent Gbagbo n’avait pas à continuer. Et donc, le fait qu’Alassane Ouattara a été élu, pour moi, c’était quelque chose de positif.

En vous solidarisant avec les marcheurs de jeudi prochain, est-ce que vous ne craignez pas qu’on dise, Tiken Jah roule pour Gbagbo ?

Ah, non, non, on ne peut pas dire ça. Vous savez, moi, j’ai dit à Laurent Gbagbo de s’arrêter. Il a insisté, je suis parmi les Ivoiriens qui ont dit de laisser tomber et qu’il avait perdu les élections. Et il ne s’est pas arrêté. Je suis prêt à réclamer la libération des prisonniers politiques qui sont en Côte d’Ivoire, mais je ne serai jamais dans la lutte pour la libération de Laurent Gbagbo parce que je lui ai dit de s’arrêter et il n’a pas voulu s’arrêter. C’est dommage. Donc ce combat contre le Sénat, c’est parce que le Sénat n’a pas sa place aujourd’hui en Côte d’Ivoire. On ne voit pas ce que ça va apporter aux Ivoiriens.

Une interview réalisée par Christophe Boisbouvier, RFI