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Côte d’Ivoire : Soro “ hanté “ par le fantôme de Kass ?

Aprenews - Guillaume Soro - Justice - Actualité - Paris - France
Samedi, 9 mai 2020

Côte d’Ivoire : Soro “ hanté “ par le fantôme de Kass ?

Décidément, certains gros cadavres de la rébellion armée de 2002 ont choisi de remonter à la surface ces derniers jours pour hanter Guillaume Kigbafory Soro, leader de la rébellion.

Le jeudi 7 mai 2020, le média en ligne français “Médiapart“ annonçait qu’une plainte a été déposée contre lui au Parquet de Paris (en France) pour “Torture, assassinat et crimes de guerre“ commis en 2004 et 2011 par la rébellion des Forces armées des forces nouvelles (FAFN) dont il était le chef.

Dans cette plainte, outre la mort du Sergent-chef Ibrahim Coulibaly dit IB en 2011, il est également poursuivi pour « l’assassinat » du Caporal Kassoum Bamba alias Kass, un chef rebelle tué et dépecé  à Bouaké (centre du pays et fief de la rébellion) dans des combats entre factions rebelles. La mort en juin 2004 de ce chef rebelle proche d’IB est imputée, selon la plainte, « aux agents de Guillaume Soro », qui auraient nourri « une rivalité notoirement connue à l’endroit d’Ibrahim Coulibaly », et que « ce meurtre serait prémédité ». Ces faits constituent le second volet de la plainte contre Guillaume Soro et constitue les faits « de crimes de guerre ».

Un autre proche d’IB est concerné par cette affaire : Abdoulaye Doumbia, dont le corps sans vie a été découvert à Bouaké dans un charnier.

A lire aussi : France : Une plainte contre Soro pour « crimes de guerre »

Selon la plainte, le camp rebelle que dirigeait Kassoum Bamba, dit Kass, a été attaqué le 20 juin 2004 à Bouaké « par les hommes de Guillaume Soro ». Après une bataille qui a duré toute la nuit, les « hommes de Guillaume Soro » auraient arrêté Kassoum Bamba, et l’auraient « exécuté ». Une commission internationale d’enquête indépendante aurait pour sa part évoqué dans un rapport établi en octobre 2004 « l’égorgement » et le « dépeçage du corps » de Kassoum Bamba « en plein jour dans la rue à Bouaké ».

Le corps d’Abdoulaye Doumbia, « chargé du volet mystique des soldats fidèles à IB », a été, quant à lui, identifié par des enquêteurs de l’ONU, après avoir été retrouvé, comme une centaine d’autres cadavres, dans un charnier, le 26 juin 2004, à Korhogo. Selon Mediapart, 5 jours plus tôt, des affrontements armés avaient aussi eu lieu dans cette ville, entre une faction loyale à IB et une autre se réclamant de Guillaume Soro.

La victoire était revenue au camp Soro au prix de plusieurs centaines de morts. D’après l’ONU, la majorité des corps exhumés étaient nus. Certains étaient décédés par balles, d’autres par asphyxie. Le média indique que des rapports de l’ONU ont aussi relevé que des combattants pro-IB, faits prisonniers à l’issue des combats, avaient été détenus dans des conditions « inhumaines et dégradantes », une soixantaine d’entre eux étant morts par suffocation dans un container placé au soleil. Ces exactions auraient été menées par des chefs de guerre, « agissant conformément aux ordres de Guillaume Soro », soutient la plainte.

La famille d’Abdoulaye Doumbia n’a jamais eu accès à son corps et ne sait pas « dans quelles circonstances exactes » il est mort.

“ Que va décider le parquet de Paris ? “

Les parties civiles attendent désormais de savoir si le parquet de Paris jugera leur plainte recevable ou pas. Mais le simple fait que cette dernière existe est une mauvaise nouvelle pour Guillaume Soro, lui qui s’échine à polir son image et se poser en honorable « présidentiable ». Son horizon s’obscurcit de plus en plus : brouillé avec Alassane Ouattara, il a été condamné le 28 avril 2020, à Abidjan, à l’issue d’un procès expéditif, à vingt ans de prison pour recel de détournements de fonds publics. Il est aussi accusé par les autorités ivoiriennes d’avoir préparé un coup d’État.

D’après William Bourdon, la plainte transmise aujourd’hui à la justice française est d’ailleurs « une riposte pathétique de l’État ivoirien qui ne sait plus quoi faire, qui perd son sang-froid, alors que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu le 22 avril une décision historique demandant à Abidjan de suspendre un mandat d’arrêt émis contre Guillaume Soro et alors que d’autres recours sont à l’examen devant des instances onusiennes ». Le nom de Guillaume Soro est évoqué dans une autre enquête, ouverte en 2011 par la Cour pénale internationale (CPI), sur des crimes présumés commis par les Forces nouvelles et les FRCI pendant la crise post-électorale, dont des massacres de centaines de civils dans l’Ouest.

Selon le média français, juillet 2011, plusieurs personnes, dont les ayants droit d’IB, ont par ailleurs transmis à la CPI un dossier contre lui pour crimes de guerre. Guillaume Soro est en outre soupçonné d’avoir participé à la tentative de putsch de 2015 au Burkina Faso, et a été accusé en 2016 par l’ONU d’avoir constitué illégalement un arsenal militaire, alors qu’il était président de l’Assemblée nationale ivoirienne.

Enfin, il a déjà fait l’objet d’une plainte en France pour « enlèvement, séquestration, traitement inhumain et dégradant », déposée en 2012 par Michel Gbagbo, fils de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo. Après avoir ignoré les convocations de la justice, il avait esquivé, fin 2015, un mandat d’amener, en quittant précipitamment la France où il se trouvait, et en faisant jouer une immunité diplomatique.

La rédaction APRNEWS
Anne-Marie Kacou