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Côte d’Ivoire- Rhdp : L’alliance en agonie

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Lundi, 12 mars 2018

Côte d’Ivoire- Rhdp : L’alliance en agonie

APRNEWS- Frappé par l’érosion du temps et des intérêts divergents en bien de points, le couple Pdci-Rdr qui avait célébré ses noces sur les bords de la seine en 2005, est en pleine agonie. Les deux partenaires –comme l’arbre et son écorce- qu’aucun doigt ne pouvait prétendre séparer, s’affrontent désormais par le biais  de piques assassines. 

Tout se déroule dans le silence de leurs leaders Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Comme dans un jeu, ils observent religieusement leurs éléments démonter par pièce la maison Rhdp. 

En toile de fond de cette querelle politique, l’alternance 2020

Promesse politique d’abord, Rhdp après

Comme le disait l’homme politique français Charles Pasqua, « les promesses politiques n’engagent que ceux qui les reçoivent. » Et cela, aucunes des parties à l’appel de Daoukro ne semblait l’ignorer. Le parti de M. Henri Konan Bédié qui recèle une poussière d’intellectuels ne pourrait prétendre méconnaitre cette réalité. 

A l’approche des élections présidentielles, le parti vert blanc, réclame de son partenaire, le retour de l’ascenseur. Aspiration d’autant plus légitime que ce parti a dû renoncer à ses ambitions pour soutenir Alassane Ouattara aux élections présidentielles de 2020. 

Il demande désormais une position sans équivoque du président ivoirien sur l’alternance en faveur du Pdci en 2020. Une manière de dire à M. Ouattara qu’une promesse est une parole d’honneur. 

Le professeur Maurice Kacou, Secrétaire exécutif du Pdci-Rda, l’a rappelé de fort belle manière dans la ville natale de Félix Houphouët-Boigny le samedi 10 mars : « Il y a bel et bien eu promesse, à savoir 2015 Ouattara, et 2020 le Pdci (…) Il y a eu promesse et le nom du témoin quand Ouattara a fait cette promesse ». En gros, l’heure de la mise en œuvre de la promesse a sonné. 

La création du parti unifié, peut donc être remise aux calendes grecques. « Si parti unifié il doit y avoir, ça sera après l’alternance en 2020. Le temps des sacrifices est terminé pour le Pdci » a martelé le porte-parole du Pdci, M. Jean Louis Billon. 

En clair, il subordonne la naissance du parti unifié au soutien d’un candidat du Pdci par les partis membres du Rhdp lors des échéances de 2020. C’est la juste rétribution des « sacrifices » consentis, pourrait-on dire. 

« Nous demandons à nos partenaires le même sens du sacrifice que le PDCI en 2010 et en 2015 », a-t-il ajouté. Le Rassemblement des républicains (Rdr) entend-il les choses ainsi ?

Le parti unifié, la priorité 

Les paradigmes changent d’un partenaire politique à un autre. Au Rdr, le leitmotiv s’apparente à « Le Rhdp ici et maintenant ». La question de l’application d’une clause sécrète de l’appel de Daoukro,  ne semble pas être inscrite à l’ordre du jour. Est-ce une technique d’étouffement du vieux parti ? Ayant subodoré la « supercherie », les cadres du Pdci ont tapé du poing sur la table et la cohésion en est sortie brisée.

Au Rassemblement des républicains (Rdr), les invectives ont volé en écho aux « petites provocations » du Pdci. A Gagnoa, au centre-ouest de la Côte d’Ivoire, ville de l’ex-président Laurent Gbagbo, la secrétaire générale du Rdr, Kandia Camara n’a pas été avare en flèches. Face à ses troupes, elle a tenu à remonter les bretelles aux « déstabilisateurs » du pays. « Lui (Jean-Louis Billon), on ne s’occupe pas de lui car, c’est un politicien alimentaire (..). Ce n’est même pas un politicien. Moi qui vous parle, je connais mieux le PDCI-RDA que Jean-Louis Billon. Moi qui vous parle, j’ai plus apporté au PDCI-RDA que Jean-Louis Billon. Je le mets au défi de dire ce que lui Jean-Louis Billon a apporté au PDCI. Il n’est même pas PDCI. C’est un politicien alimentaire, je ne m’occupe pas de lui. Vous savez, les nombrilistes ne pensent qu’à eux (…) vraiment Jean-Louis billon il me fait pitié ». Des propos qu’on n’aurait jamais imaginé du temps de l’idylle. 

Mais le vin étant tiré, chacun a pu royalement se servir. La Maire d’Odienné, Nasseneba Touré a simplement mis en garde les trouble-fêtes. Pour elle, « quiconque se met en marge de cette dynamique en pensant à ses intérêts sera broyé ». Un mot fort lancé à l’endroit de ceux qui estiment que le respect de la promesse politique passe avant la création du parti unifié. 

Quant à Adama Bictogo, vice-président chargé de la mobilisation au Rdr, il a demandé à M. Billon « d’aller à l’hôtel Ivoire jouer le bowling parce que c’est un politicien de salon », ajoutant que Maurice Kacou Guikahué est un « homme du passé ».

L’irruption des injures publiques dans les relations entre alliés du Rhdp interpelle dans cette époque dominée par le règne des réseaux sociaux. Une société en quête perpétuelle de modèles a-t-elle besoin que ses leaders s’illustrent ainsi sur la place publique ?

L’insulte en politique, une pratique que l’on aurait pu croire (naïvement) presque tombée en désuétude – du moins en public –, ne date cependant pas d’hier.

Pour autant, les personnalités politiques qui profèrent des insultes s’en sortent généralement assez bien. Le plus souvent, elles souffrent d’un déficit d’image d’une durée plus ou moins longue (dans notre société de l’information, le public a la mémoire courte) et, sous la pression médiatique, présentent des excuses publiques.

Dans le passé, on réglait l’affaire par un duel ; aujourd’hui, rares sont les procès. Et c’est là un sujet d’actualité qu’il convient de souligner. Car l’absence de répression, en matière d’insulte, ne semble bien concerner que les politiques entre eux. L’individu lambda, lui, doit de plus en plus répondre de ses propos, un phénomène très récent qui donne la désagréable impression d’une dérive et de l’apparition d’une inégalité des citoyens devant la loi, notion en totale contradiction avec les valeurs majeures de la République.

Que comprendre donc à travers cette foire d'injures ? La guerre longtemps cachée dans le sous-sol des règles de convenance est désormais ouverte entre le Pdci et le Rdr. Toutes les barrières éthiques ont cédé sous la pression des échéances électorales de 2020. Le Rhdp agonise dans la rue à la grande joie de ceux qui ont vu en cet attelage, une alliance de dupes.

Selon plusieurs observateurs, le Rhdp a perdu sa substance car son objectif a été atteint depuis le 11 avril 2011 avec le départ de M. Laurent Gbagbo. La gestion du pouvoir d’Etat et les privilèges qui y sont attachés ont fait vaciller les promesses des heures de cohésion. En un mot, l’alliance était assise sur une fondation en papier dont l’écroulement vire aux inimités entre les meilleurs partenaires. Nul n’est étonné car, comme le dit si bien John Petit-Senn, « Les amitiés politiques sont souvent des haines en commun ».

Serges Kamagaté