Vous êtes ici

Back to top

Côte d’Ivoire : Quelle CEI pour l’élection du 13 octobre ?

apr-news/ Quelle CEI pour l’élection du 13 octobre ?
Lundi, 10 septembre 2018

Côte d’Ivoire : Quelle CEI pour l’élection du 13 octobre ?

APRNEWS- Le 13 octobre 2018, le corps électoral ivoirien choisira les dirigeants qui conduiront la vie de leurs cités les 5 prochaines années. Comme il est de coutume en Afrique, les attentes sont grandes quant à la bonne tenue de chaque scrutin. 

En général, la première question qui taraude l’esprit des observateurs, à l’approche d’une élection, est celle de savoir si les résultats reflèteront les choix des électeurs. Une préoccupation d’autant plus légitime que les organes en charge des élections ont toujours été suspectés de faire le jeu du pouvoir. Ce fut récemment le cas au Zimbabwe et en République démocratique du Congo (RDC).

La Côte d’Ivoire n’échappe pas à cette effroyable réalité. La commission électorale indépendante (CEI) est au centre de toutes les controverses depuis la crise postélectorale de 2010. Jugée foncièrement partiale aussi bien par l’opposition que par des organisations de la société civile, la CEI se pose comme un véritable boulet aux pieds des consultations électorales.

Espoir déçu

Le rêve de voir un organe indépendant conduire les élections en Côte d’Ivoire a été l’une des revendications majeures de l’opposition ivoirienne. Lorsqu’elle est mise sur pied en 2001, l’on était loin d’imaginer qu’elle deviendrait, des années plus tard, le point d’ancrage de toutes frustrations électorales. Il a fallu que l’expérience de 2010 fouette les acteurs sociopolitiques pour qu’ils établissent l’urgence de réforme.

Le grand espoir placé en l’organe électoral s’est évanoui. Fort de cette réalité, les autorités auraient dû prendre le taureau par les cornes pour offrir au peuple ivoirien une CEI digne, capable de faire face à tous les challenges qui s’imposent à elle. Mais hélas, le plan Marshall pour cette CEI est encore au stade de pur projet.

Et pourtant, il faut bien que la CEI sorte des mailles pour prémunir la Côte d’Ivoire de vaines crises aux lourdes conséquences.

Lors de son discours à la nation du 6 août 2018, le chef d’Etat ivoirien Alassane Ouattara avait promis une réforme de l’institution. Mais au final, il a ajourné l’échéance. Celle-ci devant intervenir désormais à la veille des élections de 2020. En d’autres termes, les élections locales d’octobre prochain seront une fois encore pilotées par la CEI.

Les failles demeurent

Le problème du manque de crédibilité de l’institution est-il réglé ? La réponse se trouve dans l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) ainsi que dans les critiques communes des forces de l’opposition et des ONG. 

Dans un arrêt de novembre 2016, sur saisine de l’Action pour la protection des droits de l’homme (APDH), la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a invité les autorités ivoiriennes à rendre la CEI conforme aux instruments internationaux. En clair, selon la cour communautaire, l’organe électoral ivoirien est loin de répondre aux standards internationaux en matière d’organisation des élections. 

La requête de l’APDHP est, à n’en point douter, la somme des observations d’organisations de la société civile soucieuses de faire de la CEI un instrument au service du peuple et non une échelle ou un yoyo aux mains des politiques. 

De son côté, l’opposition pointe régulièrement du doigt le mandat du président de la CEI Youssouf Bakayoko. En effet, selon l’article 9 de la loi instituant la CEI, le président est élu pour un mandat de 6 ans. 

Nommé en 2010, Youssouf Bakayoko assure les fonctions de président depuis 8 bonnes années. Une violation de la loi qui décrédibilise l’institution et met entre parenthèses son sérieux.

Dans la pratique, la CEI a une expérience qui ne plaide pas en sa faveur. Lors du second tour de l’élection présidentielle, elle a brillé par son incapacité à donner les résultats dans le délai. Les dénonciations de fraudes sont légion. Par exemple à l’issue des législatives de décembre 2011, l’ex-président du Conseil constitutionnel, Francis Wodié a affirmé : « Des personnes décédées ou absentes ont voté. Quand on fait voter des morts, on s’expose à la mort politique soi-même. La tricherie entre dans la stratégie de victoire de certains candidats.»

Bref, les perles de la CEI ont fini par braquer une bonne partie de la classe politique contre elle. A preuve, le Front populaire ivoirien (FPI), refuse une fois encore de prendre part aux consultations du 13 octobre. L’élection que le président Alassane Ouattara a voulu « inclusive », devient, du coup, un processus qui exclu en raison de ses nombreuses failles.

N’était-ce pas impératif d’engager la réforme de la CEI avant les municipales et régionales comme suggéré par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) et le FPI ? La réponse négative de M. Ouattara met en difficulté l’organe électoral qui va à ces élections avec ses imperfections : déséquilibre, mandat du président échu, lenteur dans la publication des résultats, soupçons de fraudes etc.

Serge Kamagaté