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Côte d'Ivoire : Pulchérie Gbalet, " Les conditions d’une crise préélectorale sont réunies :

APRNews - Pulchérie Gbalet, présidente de ACI : « Les conditions d’une crise préélectorale sont réunies » - Actualité - Abidjan - Côte d'Ivoire
Lundi, 20 juillet 2020

Côte d'Ivoire : Pulchérie Gbalet, " Les conditions d’une crise préélectorale sont réunies :

Pulchérie Gbalet est sociologue au BNETD (Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement). Elle est la présidente du Forum des Organisations de la Société Civile Ivoirienne (FORSCI), et présidente de Alternative Citoyenne Ivoirienne (ACI).

Dans cette interview, cette militante de la société civile se prononce sur divers sujets d’actualité, en occurrence la présidentielle d’octobre 2020.

L’actualité en Côte d’Ivoire est marquée par le décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat du RHDP. Avez-vous un commentaire ?

Non, je n’ai pas de commentaire particulier. Je présente mes sincères condoléances à ses familles politique et biologique, ainsi qu’à toute la Côte d’Ivoire.

Face à cette disparition du candidat annoncé du parti au pouvoir, craignez vous une candidature du Chef de l’Etat, lui-même pour les prochaines élections, puisqu’il dit qu’il en a le droit ?

Mon problème ne se situe pas au niveau des éventuels candidats, mais à celui de l’environnement électoral. Les conditions pour des élections apaisées ne sont pas réunies et c’est ce qui me soucie.

Vous êtes taxée de travailler pour l’opposition avec une casquette de société civile. Qu’en dites-vous ?

Les gens sont libres de penser ce qu’ils veulent. Tout est une question de bonne foi et de connaissance du rôle de la société civile, qui est celui d’un contrôle citoyen de la gouvernance. Nous tenons cependant à dire qu’il faut se poser les bonnes questions. ACI est-elle dans la vérité ou pas ? Les faits dénoncés par ACI sont-ils réels ? Les propositions de ACI sont-elles pertinentes ? La démarche de ACI est-elle normale ? Si les réponses à toutes ces questions sont « OUI », il n’y a plus de débat sur ce sujet. C’est tout à fait normal que les militants du RHDP n’apprécient pas que nous critiquions la gestion du Président de la République. C’est aussi normal que si l’opposition et nous avons beaucoup de points de convergence, les personnes limitées, qui ne savent pas le rôle de la société civile nous taxent d’opposants.

Pourtant jusqu’à présent toutes vos actions sont dirigées contre le pouvoir et vous rencontrez les jeunes de l’opposition.

Il y a une nuance à faire entre « être contre le pouvoir » et « critiquer la gestion du pouvoir ». Quel que soit le pouvoir en place, notre rôle est de dénoncer ce qui ne va pas, et surtout de faire des propositions. Quant à la jeunesse, nous avons entrepris de rencontrer tous les jeunes dont les jeunesses des partis politiques. Nous avons écrit à tous les regroupements politiques. On peut vous montrer les décharges. Vu nos revendications actuelles, c’est l’opposition qui nous est favorable et c’est normal. Le RHDP n’a jamais répondu à nos demandes d’audience, à l’exception de la rencontre que nous avons eu le 6 juillet dernier à la primature.

A quand une rencontre Pulcherie Gbalet et les jeunes du RHDP, pour passer votre message de Pro Cote d’Ivoire, comme vous le dites ? 

Cette rencontre aura lieu le jour où le RHDP nous y autorisera. Nous travaillons pour tous les ivoiriens et nous souhaitons sensibiliser la jeunesse RHDP, comme nous le faisons avec les autres jeunes. Seulement, avec les partis politiques, il y a beaucoup de protocole car tout se décide au niveau de la direction.

Nous n’avons plus entendu parler du mouvement ‘’Gilet Orange’’, que s’est-il passé ? Aujourd’hui, comment se porte l’ACI ?

Le mouvement des gilets orange n’est plus d’actualité. C’était un mouvement circonstanciel. ACI (Alternative Citoyenne Ivoirienne) se porte très bien et nous préparons un nouveau mouvement pour réclamer la paix.

Que vous inspire la décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur la composition de la nouvelle CEI ?

La décision de la CADHP est tout à fait normale car non seulement, dans sa composition il y a toujours un déséquilibre, quant au nombre de représentants du pouvoir, mais le choix des représentants de l’opposition et de la société civile n’est pas consensuel. C’est très grave pour un pays qui a déjà connu une crise postélectorale. Ce dont la Côte d’Ivoire a besoin c’est d’une réforme et non une simple recomposition, mais surtout que la loi sur la CEI soit révisée.

Nous avons l’impression que cette décision est interprétée par chaque camp, comme étant en sa faveur. Concrètement, pensez-vous que la CEI sera reformée avant le scrutin présidentielle ? 

C’est le Président qui peut répondre à cette question. Lorsque la CADHP a pris le premier arrêt le 18 novembre 2016, qui devait être exécuté dans un délai d’un (1) an, le Président a pris deux (2) ans et deux (2) mois avant de s’exécuter, car c’est le 21 janvier 2019 que le dialogue politique sur la CEI a été engagé avec l’opposition puis le 24 janvier avec la société civile. Cette fois-ci le délai est de trois (3) mois alors que nous sommes à trois (3) mois du scrutin. C’est le Président de la République qui sait si cela sera effectif, mais d’après le comportement de la CEI actuelle et l’interprétation que le pouvoir fait de l’arrêt du 15 juillet, ce n’est pas évident que le pouvoir s’exécute mais opposition et société civile devraient l’y contraindre. Ce n’est pas normal que le RHDP décide tout seul de tout.

Au cas où cela n’arrivait pas, devons nous craindre des tensions avec les positions tranchées de part et d’autre ?

Bien sûr que nous devons craindre des tensions, et même pire, il faut craindre une crise préélectorale.

Un mot sur le processus d’enrôlement qui vient de s’achever ?

Le processus d’enrôlement qui vient de s’achever est désastreux, parce qu’organisé dans des conditions anormales. Non seulement, l’opération a été tardive, mais le contexte était défavorable à cause de la COVID et de l’isolement d’Abidjan qui ne facilitait pas les déplacements pour se faire établir les pièces de base, mais du point de vue technique on a constaté des défaillances au niveau du matériel et la lenteur administrative a fait que des milliers de dossiers n’ont pas été traités. La liste électorale étant l’instrument de base pour des élections légitimes et crédibles, il est souhaitable que le Chef de l’Etat prenne une ordonnance pour reprogrammer cette opération, dans le souci de garantir des élections apaisées, car il y a trop d’exclus.

Avez-vous un message particulier à passer ?

Oui, bien sûr ! Nous aimerions demander au Chef de l’Etat d’engager un dialogue inclusif, sincère avec l’opposition et la société civile, pour trouver un consensus avant d’aller à ces élections. Le préalable de ce dialogue qui devrait réunir tous les leaders politiques, est la prise d’une grâce présidentielle pour les peines par contumace de tous ces leaders politiques, afin de faciliter leur retour. Mais en plus, il faudrait également que cette grâce inclue les prisonniers politiques et militaires, de même que le retour de tous les exilés politiques. C’est à ce seul prix que nous pouvons espérer une véritable paix, sinon toutes les conditions d’une crise préélectorale sont réunies.

La rédaction APRNews

Sain Laurent Yapi