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Côte d'Ivoire : Le zèle des hommes en tenue

© Sercom APRnews Photo / Le zèle des hommes en tenue
Dimanche, 10 décembre 2017

Côte d'Ivoire : Le zèle des hommes en tenue

APRNEWS- La violence exercée par des éléments des forces de l’ordre et de sécurité ivoiriennes contre les parents, amis et connaissances lors des funérailles d’un des leurs, est devenue monnaie courante en Côte d’Ivoire. Certaines personnes comparent l’acte des hommes en arme à celui des éléments de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). 

La perte d’un membre de ce syndicat est une occasion offerte pour semer le désordre et exercer des voies de fait sur ceux qui viennent pleurer la disparition de l’être cher. La pratique a traversé le temps sans qu’elle ne soit réprimée par les autorités, causant de fait, d’énormes dégâts tant matériels que psychologiques.
 
Raisons d’une déviation.

En Afrique en général et précisément en Côte d’Ivoire, le décès brusque d’une connaissance est régulièrement attribué à des pratiques de sorcellerie. On conçoit difficilement qu’une personne bien portante la vieille soit retrouvée morte le lendemain dans son lit ou ailleurs. 

Dans la corporation des hommes en tenue, cette conception des choses est devenue une vérité incontestable. La mort dans des conditions suspectes d’un homme en tenue, a une seule cause : la sorcellerie. C’est l’exemple du décès d’un policier le 12 novembre dernier dans une chambre d’hôtel. En effet, cet agent des forces de sécurité a perdu la vie alors qu’il passait sa nuit de noces avec sa toute nouvelle épouse. 

Le 29 novembre 2017 au quartier académie (commune de Yopougon), à une veillée d’un autre policier mort tragiquement dans un accident le 4 novembre, une de ses collègues pris la parole pour donner rendez-vous aux membres du corps. Elle les a invités à se retrouver le mercredi 6 novembre à la place CP1 à Yopougon pour rendre hommage à leur collègue mort dans un hôtel. «Ses parents vont nous sentir » avait-elle lâché. 

En clair, elle préparait les hommes en tenue à s’adonner à des scènes de brimades sur les parents du défunt, lequel aurait été victime de pratiques occultes. Il convient de préciser au passage que lors de la veillée funèbre de l’agent décédé des suites d’un accident de la route, les policiers présents, n’ont cessé de tirer des coups de feu en l’air, allant jusqu’à éteindre la lumière sous les bâches. 

A l’occasion donc des obsèques d’un ‘’corps habillé’’, on assiste à tous les excès : Usage intempestif de gaz lacrymogène, tirs de coups de feu en l’air dans le désordre, bastonnade de parents accusés de sorcellerie etc… Ce fut le cas en mai 2017 dans une Sous-préfecture du département de Sinfra. 

Les populations de ladite localité ont subi les actes de violence de gendarmes venus aux funérailles d’un des leurs décédé d’un AVC. Ampoules, chaises et bâches ont subi la furia de ces éléments déchainés. Les parents dont certains furent copieusement battus, n’ont eu leur salut qu’en désertant les lieux et en abandonnant la dépouille aux mains des gendarmes. 

Ces quelques exemples indiquent à quel point les hommes en tenue se sont écartés de leur mission essentielle. La protection des biens et des personnes vire, comme on le constate, à la répression sur des bases purement irrationnelles.
 
Impacts de la déviation 

Les conséquences d’une telle déviation sont perceptibles sur les populations. Ce sont des personnes traumatisées que laissent les ‘’corps habillés’’ après leur inconduite. Un témoin nous confiait qu’il ne se rendrait plus à une veillée funèbre d’un homme en tenue. Cette réaction est consécutive au choc reçu. 

Au traumatisme, il convient d’ajouter que dans la débandade, des personnes tombent, s’écorchent des parties du corps. 

D’autres perdent connaissance du fait de l’inhalation du gaz lacrymogène. Les victimes n’ont bien évidemment pas l’assistance des auteurs de ces dégâts. Elles prennent elles-mêmes en charge les frais engendrés par ses préjudices subits. 

Au-delà de ces deux éléments, il faut indiquer que la perception que les populations ont des hommes en tenue change suite aux brimades dont sont l’objet ces dernières. Ils deviennent des épouvantails à ne point approcher au lieu d’inspirer la confiance. Et si on agissait ? 

Au nombre des missions de la police et de la gendarmerie, figure celle consistant à maintenir l’ordre public et lorsqu’il est troublé, à le rétablir. Malheureusement lors des funérailles d’éléments en tenue, l’ordre est troublé par ceux qui devraient veiller à le maintenir. 

On retiendra également, qu’ils ont aussi pour mission de faire appliquer la loi, d’aider à l’exécution des décisions de justice. Cependant lors des funérailles, ils s’érigent en justiciers en brimant des personnes qu’ils soupçonnent, à tort, de sorcellerie. Ces actes déshonorent la corporation des hommes en tenue. 

Pour sortir de telles dérives, il est important de sensibiliser ces hommes sur leur véritable rôle auprès des populations. 

Un rôle d’assistance, d’aide. Cela nécessite des séances de renforcement des capacités du corps. Il est également urgent de créer une ligne verte pour inciter les témoins de ces actes à dénoncer les dérives constatées. Cela devrait déboucher sur des enquêtes et sanctionner les agents qui s’adonnent à ces pratiques. 

De plus, les responsables des corps qui vont assister aux funérailles de leur collègue, devraient pouvoir poster des personnes anonymes pour surveiller et dresser un rapport fidèle au fil du déroulement des funérailles. Cela permettra d’avoir en temps réel, une idée du déroulement des obsèques. 

Toutes ces mesures visent un seul objectif, ramener les hommes en tenue dans leur mission qu’ils ont dû abandonner, et permettre aux intéressés, de pleurer leur mort en toute quiétude. 

Serges Kamagaté