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Côte d’Ivoire : Le FPI lance un appel au report des élections locales 

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Mercredi, 5 septembre 2018

Côte d’Ivoire : Le FPI lance un appel au report des élections locales 

APRNEWS-Dans un document intitulé « Pour des élections inclusives, justes, libres, transparentes et démocratiques en côte d’ivoire, asseyons-nous et discutons », le Front populaire ivoirien (FPI) a, à nouveau, invité le gouvernement ivoirien à reporter les prochaines élections locales annoncées pour le 13 octobre 2018. Ci-dessous, l’intégralité du document.

Le 18 juillet 2018, le Conseil des ministres a adopté un décret portant convocation pour le 13 octobre 2018 des Collèges électoraux pour les élections des Conseillers régionaux et des Conseillers municipaux. Le 13 août 2018, dans un communiqué, le Président de la Commission Electorale Indépendante (CEI) annonce que les candidatures à ces élections seront reçues dans la période du 14 aout au 29 août 2018.

Tout ceci aurait constitué des faits ordinaires dans une situation normale de fonctionnement d’un Etat démocratique. Sauf qu’ici, il y a des couacs, même de gros couacs.

En effet, depuis 2011, suite aux dérapages constatés dans le fonctionnement de la CEI relativement à la gestion des élections de 2010, le FPI et la société civile n’ont de cesse d’appeler à la réforme de cette institution afin de la rendre véritablement indépendante en vue de permettre l’organisation de scrutins libres dans notre pays. Malheureusement, le gouvernement est resté sourd à ces appels, faisant organiser les élections de 2011, 2013, 2015 et 2016 par cette CEI décriée, provoquant le boycott de ces élections par le FPI, un parti majeur dans le jeu politique ivoirien.

En 2016, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, saisie par l’APDH, une organisation de la sociale civile ivoirienne, a rendu un arrêt ordonnant à la Côte d’Ivoire de réformer la CEI. 

Dans cet arrêt pris le 18 juillet 2016, cette Cour dit, entre autres, ceci : « Il ressort que l’organe électoral ivoirien ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises et qu’il ne peut être perçu comme tel. La cour conclut, en conséquence, qu’en adoptant la loi contestée l’Etat défendeur (la Côte d’Ivoire) a violé son obligation de créer un organe indépendant et impartial et qu’il a également violé son obligation de protéger le droit des citoyens de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays

En conclusion, « La cour ordonne à la Côte d’Ivoire de modifier la loi 2014-335 du 18 juin 2014 relative à la Commission Electorale Indépendante … »

Le 6 août 2018, dans son message à la nation à l’occasion du 58ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le chef de l’Etat ivoirien, monsieur Alassane Ouattara, a déclaré : « … comme le recommande notamment la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, j’ai instruit le Gouvernement à l'effet de réexaminer la composition de la Commission Electorale Indépendante ». 

Le Chef de l’Etat poursuit son message par : « Je souhaite, en effet, que les prochaines élections soient inclusives et sans violence ». Cette phrase n’est pas anodine car elle laisse clairement entendre que, pour le Chef de l’Etat, la réforme de la CEI est une condition d’élections inclusives. Plus clairement, des élections sans la participation du FPI, ni des autres partis membres de la plateforme EDS et de leurs alliés ne sauraient être des « élections inclusives ».

Alors que l’on s’attendait à l’ouverture des discussions pour l’adoption d’une loi consensuelle sur la CEI ainsi que sur les conditions «d’élections inclusives», le Président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), Youssouf Bakayoko, a organisé, à la surprise générale, la réception des candidatures à ces élections dans la période du 14 aout au 29 août 2018. 

Le gouvernement, « instruit à l’effet de réexaminer la composition de la CEI » par le Chef de l’Etat est sans réaction. Et certains partis politiques ont publié et déposé les listes de leurs candidats, parmi lesquels de nombreux ministres, auprès de cette CEI que le Chef de l’Etat lui-même reconnait ne pas « présenter les garanties d’indépendance et d’impartialité requises » puisqu’il adosse sa décision à l’arrêt de la Cour Africaine dans son message du 6 août 2018. 

Faire organiser des élections par cette équipe de la CEI qui se sait condamnée à disparaître constitue une escroquerie morale. Quel crédit accorder à une structure qui ne répondra plus de ses actes une fois dissoute ?

C’est pourquoi, dans une publication faite le 16 août 2018, le FPI déclare : « S’agissant du dialogue annoncé avec l’opposition en vue de la recomposition de la CEI, et se félicitant également de l’avancée notable du chef de l’Etat sur cette question très sensible, le Front populaire ivoirien rappelle que c’est depuis 2011 qu’il appelle le gouvernement à la discussion, mais en vain. Pour cette raison, entre autres, il a entrepris le boycott de toutes les élections organisées par le régime depuis 2011.  Le FPI observe que la crédibilité du message du chef de l’Etat est mise en cause par le bureau de la CEI. En effet, alors que le chef de l’Etat a annoncé l’ouverture de discussions sur la CEI en vue de rendre les prochaines élections inclusives, cette institution illégale et décriée, a ouvert, sans attendre, le dépôt des candidatures au titre des élections municipales et régionales prévues pour le mois d’octobre 2018. Comme pour dire que le message du chef de l’Etat est un « leurre », voire une manœuvre d’endormissement de l’opposition. Le Front populaire ivoirien demande purement et simplement le report desdites élections en attendant l’ouverture et la fin des discussions annoncées sur l’organisation des élections. »

Dans cette déclaration le FPI note également : « Le chef de l’Etat, dans son adresse, semble s’en tenir à la seule question de la recomposition de la CEI. Pour le Front populaire ivoirien, certes la recomposition de la CEI est une des questions majeures en matière d’élections justes et transparentes. Cependant, l’opposition politique responsable et le Front populaire ivoirien, ont toujours considéré comme indissociables, les questions de l’équité du découpage électoral, de la fiabilité du fichier électoral, de l’accès de tous les partis politiques aux médias d’Etat, de la sécurisation de l’environnement électoral, etc. Par conséquent, le Front populaire ivoirien considère que l’objectif du dialogue annoncé doit être l’organisation d’élections véritablement démocratiques et pour ce faire, les discussions doivent porter sur l’ensemble des questions ci-dessus listées de manière à arrêter de nouvelles règles qui soient tout à la fois consensuelles et conformes à l’arrêt de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.»

Ces justes préoccupations du FPI sont corroborées par le découpage communal actuellement en vigueur et la création de quatre nouvelles communes en mai 2018. 

En effet, le décret n° 2018-654 du 1er août 2018 fixant le nombre de conseillers municipaux et des adjoints au maire par commune révèlent une injustice de taille. Ainsi, les prochaines élections municipales concernent l’élection de 6.140 conseillers municipaux pour 201 communes sur l’ensemble du territoire national. La population de ces 201 communes est de 12 000 000 d’habitants soit 52% des 23 000 000 d’habitants que compte la Côte d’Ivoire selon le RGPH 2014. 

Il s’en suit que 48% de la population ivoirienne (presque la moitié) sont exclus du bénéfice des retombées de la décentralisation au niveau communal. 

En laissant perdurer une telle disparité, le gouvernement viole son obligation de traiter de façon égale et équitable les habitants de la Côte d’Ivoire et de leur offrir les mêmes chances et opportunités de développement en privant la moitié de la population ivoirienne de ses droits civiques et politiques tels que prescrits par la loi n° 2014-451 du 05 août 2014 portant orientation de l'organisation générale de l'Administration Territoriale qui dispose en son article 32 que « Les collectivités territoriales ont pour missions, dans la limite de leurs compétences, l'organisation de la vie collective dans la collectivité territoriale, la participation des populations à la gestion des affaires locales, la promotion et la réalisation du développement local, la modernisation du monde rural, l'amélioration du cadre de vie et la gestion des terroirs et de l'environnement. »

Pour éviter une telle injustice, le Président Laurent Gbagbo avait pris de 2005 à 2010 plusieurs décrets successifs qui ont abouti à la communalisation totale et entière du territoire national de sorte qu’aucun village ni site habité ne se retrouve en dehors d’un périmètre communal. 

Malheureusement, ces décrets ont été annulés à l’arrivée aux affaires du régime actuel. 

Cette situation de « localités à double vitesse » dans notre pays est inconcevable et inadmissible.

Par ailleurs, le 3 mai 2018, le gouvernement a adopté un décret portant création de quatre (04) nouvelles communes. Selon les termes du communiqué du Conseil des ministres, « ce décret érige en communes, conformément à la loi n° 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités territoriales, les chefs-lieux des Départements d’Attiégouakro, de Gbéléban ainsi que les chefs-lieux des Sous-Préfectures d’Assinie-Mafia et de N’douci et fixe leurs ressorts territoriaux. Outre la satisfaction des critères démographiques, structurels et financiers exigés par la loi, cette mesure répond à la nécessité d’un encadrement de proximité des activités économiques et touristiques ainsi que des services en plein essor dans ces quatre (04) localités ». 
En terme de nombre d’habitants ces quatre nouvelles communes comptent :
•    Assinie-Mafia : 20.314 habitants
•    Attiégouakro : 10.272 habitants
•    Gbéléban : 2.569 habitants
•    N’Douci : 48.953 habitants
Si la nouvelle commune de Gbéléban, avec ses 2.469 habitants, satisfait aux « critères démographiques, structurels et financiers exigés par la loi », tout comme avant elle les communes de Borotou (2.355 habitants), Dioulatiédougou (2.357 habitants), Sandégué (2.972 habitants), Bassawa (3.567 habitants), Mayo (9.303 habitants), etc., il faut savoir que de nombreuses localités en Côte d’Ivoire remplissent aussi ces conditions et même en mieux. 
Voici quelques exemples non exhaustifs de localités dont les ressorts territoriaux disposent d’une population importante et d’atouts économiques réels mais qui ne sont pas érigées en communes :
•    Toumoukoro (département de Ouangolodougou) : 34.200 habitants
•    Kononfla (département de Sinfra) : 50.776 habitants
•    Bécouéfin (département d’Akoupé) : 24.610 habitants
•    Gonaté (département de Daloa) : 36.918 habitants.
•    Bayota (département de Gagnoa) : 54.125 habitants
•    Gouméré (département de Bondoukou) : 15.906 habitants
•    Kotobi (département d’Arrah) : 25.674 habitants
•    Lataha (département de Korhogo) : 30.745 habitants
Si le gouvernement veut réparer des injustices, alors qu’il le fasse sans discrimination et en toute transparence. 

C’est pour toutes ces raisons que le Front populaire ivoirien a demandé purement et simplement le report des élections municipales et régionales du 13 octobre 2018 et appelle à la discussion afin de construire un nouveau consensus national sur la question cruciale des élections et de la réconciliation nationale dans notre pays. 

Pour des élections inclusives, libres, justes, transparentes et démocratiques, gage d’une paix durable pour une Côte d’Ivoire réconciliée, moderne et prospère, ASSEYONS-NOUS ET DISCUTONS !

Fait, le 29 août 2018
Le Ministre Emile Guiriéoulou
Vice-président du FPI
Chargé de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation