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Côte d’Ivoire : Le Député KOUASSI Kouamé Patrice « dérange »

© Sercom APRnews Photo / Côte d’Ivoire : Le Député KOUASSI Kouamé Patrice « dérange »
Samedi, 30 décembre 2017

Côte d’Ivoire : Le Député KOUASSI Kouamé Patrice « dérange »

APRNEWS - Un Député peut-il « tout dire » au point de déranger les sensibilités politiques ? Cette question appelle diverses réponses. Pour certains, un Député est au service de la nation dont il porte la voix. Selon d’autres, bien qu’élu de la nation, il a l’obligation de se soumettre à une certaine réserve ou à s’aligner sur les décisions de son parti politique. 

Après avoir lu dans la presse les déclarations du Député Kouassi Kouamé Patrice, dit KKP, avocat international élu à 62,81% dans la circonscription de Yamoussoukro Commune, APR NEWS vous livre son analyse, pour aider à construire l’opinion de ses lecteurs.

Le mandat du Député 

Selon le Larousse, le Député est membre d’une assemblée élective, et, plus particulièrement, d’une assemblée législative élue au suffrage universel direct. En cette qualité, il représente le peuple dont il porte les profondes aspirations. L’article 96 de la Constitution ivoirienne du 8 novembre 2016, en ses alinéas 1 et 2 dispose : « Chaque parlementaire est représentant de la nation entière. Tout mandat impératif est nul ». A cet égard, on ne saurait interdire à un Député d’aborder des sujets qui lui semblent utiles dans le cadre de l’exercice de son mandat. Cette vérité constitutionnelle a été mise au goût du jour par le Député KKP le samedi 23 décembre 2017 dans sa circonscription électorale.

Pour la circonstance, il s’était prononcé sur le transfert de la capitale à Yamoussoukro. Selon l’élu, après l’installation de la première législature de la troisième république en avril 2017, il avait adressé un courrier au Président de la République aux fins de comprendre les raisons du retard accusé dans le transfert de la capitale à Yamoussoukro.
Un courrier resté, à ce jour, sans suite alors qu’il exerçait l’une de ses missions de parlementaire, notamment la mise en œuvre de la question écrite prévue à l’article 117 de la Constitution. Bien qu’une telle démarche soit constitutionnellement admise, elle n’est pas appréciée par tous. Pourtant, la dynamique et la qualité d’un parlement s’apprécient à l’aune de la capacité pour un élu à assumer pleinement son statut d’ « élu de la Nation »

Les cas de tels parlementaires qu’on pourrait qualifier de « Députés de la nouvelle génération » ne font pas défaut dans la vie politique ivoirienne. Par exemple, les Honorables Yasmina Ouégnin, Députée de Cocody et Kouadio Konan Bertin Alias KKB ex-Député de la Commune de Port-Bouët, ont durant la législature précédente, marqué les esprits par leur refus d’exécuter un mandat impératif. Cet « affranchissement » de la ligne de leur parti, leur a valu des sanctions disciplinaires. Ce fut également le cas de l’ancienne Honorable Kayo Slaha Clarisse, Députée de Bin-Houyé, qui paya chère son « indépendance » alors qu’elle avait été élue sur une liste UDPCI. 

Dans l’accomplissement de ses missions, le Député est donc confronté à des murailles politiques provenant de son parti ou d’une formation politique adverse.

Le Député et les murailles politiques

Les critiques reçues par l’Honorable KKP ramènent à la question principale, celle de savoir si un Député peut « tout dire ». La loi n’enferme pas le Député dans un carcan, l’obligeant à éviter les sujets qui « fâchent ». Au contraire, elle lui donne la main afin que son mandat de représentation et de contrôle de l’action gouvernementale soit efficace. 

Mais dans la pratique, pour diverses raisons, des parlementaires peuvent subir la foudre de partis politiques. C’est ce qui pourrait justifier les attaques verbales et autres menaces dont est victime le Député KKP. Dans un quotidien de la place, il fut mis en garde par le Rassemblement des républicains (RDR) de Yamoussoukro. 

Par la voix de M. Traoré Abdoulaye 2ème vice-gouverneur du District Autonome de Yamoussoukro et ancien Député, l’Honorable KKP a formellement été invité à se taire : « Qu’il arrête ! Désormais, il nous trouvera sur son chemin. Nous n’allons plus tolérer son irrévérence envers le président de la République. S’il veut nous avoir sur son chemin, qu’il continue d’invectiver Alassane Ouattara ».

Des propos qui contrastent avec les pratiques démocratiques en vigueur dans un Etat moderne qui aspire à l’émergence. Ils prennent également à défaut la déclaration du Président de l’Assemblée Nationale lors de l’ouverture de la première session ordinaire en avril 2012. Parlant du parlement ivoirien, il avait précisé : « ni soumise, ni servile, notre institution jouera pleinement sa partition en toute indépendance »

L’entrave constatée à l’exercice régulier et serein de la mission du Député, en l’occurrence celle du Député de Yamoussoukro Commune, devient dès lors, une atteinte aux droits des électeurs, aux droits de la Nation dans toute sa composante. Or, un parti politique est appelé à participer à l’expression démocratique et non à encadrer la prise de parole d’un Député face à ses électeurs. 

Pour autant, « la vérité » doit être dite dans les règles de l’art. C’est-à-dire, dans le respect des autorités constitutionnelles car, un représentant du peuple est avant tout, un modèle. 

Et si le Député KKP n’était pas le seul qui dérange ? Biens d’autres élus de la nation et citoyens ordinaires voient leurs droits à la parole s’éroder par suite de « menaces ». Notre devoir est d’informer et d’attirer l’attention des lecteurs et des autorités sur tout ce qui pourrait être une atteinte aux libertés fondamentales de chaque citoyen. Tel est le sens de notre contribution.

Serges Kamagaté