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Côte d’Ivoire- Crimes rituels : Il faut punir ces prestidigitateurs

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Vendredi, 2 mars 2018

Côte d’Ivoire- Crimes rituels : Il faut punir ces prestidigitateurs

APRNEWS- En Côte d’Ivoire, la mort atroce d’un enfant de 4 ans occupe les grandes pages de l’actualité nationale. Un drame qui porte à plus de 40, les cas d’enlèvements d’enfants en seulement deux mois.

Au-delà des frontières ivoiriennes, plusieurs sites d’information se sont intéressés au sujet. Le traumatisme causé par ce crime est à mettre sur le même pied que le sentiment d’insécurité qui s’empare progressivement des populations. 

En effet, les ivoiriens ne finissent pas d’interroger l’Etat sur sa capacité à les protéger des criminels. Mais en plus, elles toisent de plus en plus vers les pistes qui, dans les faits, sont les véritables commanditaires de ces multiples enlèvements. Eux, ce sont les marabouts. 

Un marabout est avant tout un homme ascète se réclamant de la religion musulmane. Il est considéré comme un sage à qui l’on prête des pouvoirs surnaturels. 

A côté de ce groupe, dont la moralité ne souffre aucune contestation, des personnes prétendument appelées marabouts ont émergé. Elles se présentent comme des faiseurs de miracles et conduisent leurs « clients » à des crimes rituels.

Elles opèrent dans la même dimension que d’autres groupes qui s’arrogent le titre de pasteur. Ces derniers utilisent la bible pour contrôler leurs fidèles.
Ces faux marabouts et faux pasteurs seraient donc capables de transformer la vie des naïfs qui leur font confiance. 

Les vrais commanditaires

Dans la commission des crimes rituels, les marabouts ou encore féticheurs font office de commanditaires principaux. Ils sont de toute évidence les donneurs d’ordre. Après son arrestation, Sagno Etienne, l’assassin du petit « Bouba » a affirmé avoir agi sur les instructions de « son » marabout. Un aveu qui n’étonne guère dans la mesure où ses prédécesseurs criminels avaient soutenu la même thèse. 

En 2012, un adolescent de 18 ans a courageusement éventré un enfant de 5 ans dans la ville de Bonoua au sud de la Côte d’Ivoire. Les boyaux enlevés, le sexe sectionné, la dépouille de cet enfant a été retrouvée dans une plantation de bananes. L’auteur qui a avoué avoir bu le sang de sa victime, a soutenu qu’il rêvait de devenir un richissime homme. Pour y arriver, il a dû se plier aux instructions de « son » marabout. 

Les cas sont multiples en Côte d’Ivoire. Tous les indélicats arrêtés pour crimes rituels citent en général un marabout ou féticheur.

De grands manipulateurs

Les marabouts apparaissent comme de vrais manipulateurs. Un jet de cauris, sur une étoffe insalubre placée au milieu d’objets infects et le tour est joué. Avec ces cauris, ils prétendent avoir échangé avec un mystérieux « dieu » assoiffé de sang. Ce dernier, réclamerait des organes humains pour transformer le pauvre en riche.

A la vérité, ces prestidigitateurs, se jouent de la naïveté de leurs « clients » qui se présentent dans un état de désespoir total. Fragiles et absorbés par le goût du gain facile, ils sont emballés dans un cercle infernal.

Rarement, l’on a entendu l’interpellation d’un marabout dans une affaire d’enlèvement. Pourtant ces derniers se trouvent en amont et en aval de la chaîne du meurtre. 

Tout comme eux, de faux pasteurs sont passés maîtres dans l’art de la manipulation. Si à ce jour, il n’a pas été établi que ces hommes ont incité un crime rituel, il n’en demeure pas moins qu’ils exercent une emprise quasi démentielle sur ceux des fidèles qui tombent sous leur pouvoir. Ils se posent en premiers interlocuteurs de Dieu. Et des fidèles crétinisés, se laissent spolier de tous leurs biens par ces diseurs de bonne aventure.

Quelles sanctions?

Un fait curieux échappe souvent à la vigilance des populations. Des marabouts et autres féticheurs s’offrent des plages horaires sur les antennes de certaines radios locales pour appâter les populations. N’est-ce pas là l’une des sources de ces crimes ?

Depuis les nombreux enlèvements de janvier 2015 qui ont débouché sur des crimes rituels, l’on s’étonne que la corporation des marabouts abondamment citée, obtient des passages sur les antennes des radios pour faire la publicité de leurs activités. Les autorités devraient interdire que de telles publicités soient divulguées. 

Combien sont-ils à avoir été écroués au bâtiment C de la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) ? Quel est ce marabout, féticheur qui, à l’instar des tueurs, a une fois été présenté, menottes aux mains, sur les antennes de la télévision nationale ? Aucun.

C’est à croire que ces prestidigitateurs d’un autre âge bénéficient d’un statut qui les met à l’abri des sanctions. 

Tous ces crimes rituels nécessitent l’adoption d’une loi spéciale qui viendrait combler le vide juridique sur la question. 
Elle devrait punir à la peine maximale, les commanditaires, les complices ainsi que l’auteur principal de l’acte. 

En outre, les coupables doivent être contraints par la loi à verser des dommages et intérêts à la famille de la victime. La fixation des dommages devraient tenir compte du crime commis et du fait que la famille perd une personne qui aurait pu, dans l’avenir, être un soutien pour elle.

Aussi pour éviter que des personnes jouissent d’une impunité totale, il serait convenable d’affirmer l’imprescriptibilité des crimes rituels. Cela permettra que le criminel et ses complices soient poursuivis à vie.

Serges Kamagaté