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Côte d’Ivoire : Comment les catholiques polygames vivent leur foi

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Samedi, 2 juin 2018

Côte d’Ivoire : Comment les catholiques polygames vivent leur foi

APRNEWS- En Côte d’Ivoire, la Croix Africa a rencontré de catholiques polygames qui donnent leur témoignage sur le conflit entre leur foi et leur choix matrimonial.

Joseph, la cinquantaine et engagé il y a dix ans sur une paroisse d’Abidjan, ne l’est plus. En cause, son statut de polygame. « Je ne suis plus trop régulier aux messes et même aux activités de ma paroisse. Parce que je vis avec une femme que j’ai épousée légalement et une autre qui est ma maîtresse. Cette relation dure depuis presque sept ans », explique-t-il avec regrets. Le quinquagénaire reconnaît que cette situation inconfortable est imputable à son caractère volage. « Le changement peut venir un jour par la prière et la grâce », espère-t-il toutefois.

David, lui, vit avec deux femmes sans oublier les quelques « copines » qu’il entretient. « Je vais à l’église, tous les dimanches, mais je ne communie pas. J’ai hérité, en quelque sorte, de ce statut de polygame de ma tribu, où chaque homme doit prendre deux ou trois femmes », commente-t-il.

Supplices et repentances devant le Seigneur

Le n° 916 du Code du droit canonique énonce qu’un chrétien se trouvant dans un état de péché grave ne peut communier au corps du Christ. Désiré, chef coutumier à Abidjan, explique son ressentiment. « Je ne m’approche pas de la sainte communion. Cela constitue une énorme déception pour ma foi catholique mais aussi pour ma personne qui est en perpétuel conflit avec le Seigneur », déplore-t-il. Tiraillé, il se dit conscient que « s’approcher et communier au corps et au sang du Christ sauve et libère tout homme des vices de ce monde ».

Le jeune Éric, catholique d’une paroisse de Koumassi, s’est marié en 2015. Depuis cette union religieuse, il entretient des relations extraconjugales avec des femmes à qui il loue des appartements. « Je suis assidu aux messes sans communier. Je sais que j’inflige, par mon comportement, des supplices à mon Dieu. » Le jeune homme espère se défaire de ses infidélités et compte faire des efforts « pour être conforme à la volonté de Dieu ».

« Des circonstances atténuantes, si possible… »

Désiré, le chef coutumier à Abidjan, éprouve des remords concernant sa polygamie. Mais il estime que tout est encore possible pour les catholiques qui sont dans cette situation. « Aujourd’hui, le monde est bouleversé par des contre-valeurs tels que le mariage homosexuel, la pédophilie, etc. Pourtant, l’Église a du respect pour ces personnes qui les pratiquent. L’Église peut également trouver des circonstances atténuantes pour les polygames », argue-t-il, avant de souligner : « Je demande au Pape François de se pencher sérieusement sur cette question. »

Ce qu’en disent les théologiens

Le Père Théodore N’Doly, psychothérapeute spécialisé dans le couple et le mariage, rappelle la genèse du mariage dans la Bible, depuis le clan social jusqu’au mariage exogamique. « L’unité dans le mariage est une vertu essentielle du mariage chrétien. À ce titre, le livre de Genèse 2,18-24 constitue le texte fondateur du mariage monogamique. Cette unité rejette d’office la problématique de la polygamie ou de la polyandrie. »

Dans la même veine, le Père Mathieu Ndomba, jésuite et théologien, s’appuyant sur l’exhortation post-synodale Amoris laetitia (La joie de l’amour), fait remarquer que la polygamie ne reflète pas l’idéal du mariage chrétien selon l’enseignement de l’Église. Toutefois, ajoute-t-il, « les personnes se trouvant dans cette situation, même si elles ne peuvent pas communier, ne doivent pas être exclues de l’Église, mais doivent plutôt faire l’objet de l’attention pastorale de leurs pasteurs ».

Avec la Croix d'Afrique