Vous êtes ici

Back to top

Côte d’Ivoire : Cocody-Danga entre tristesse et espoir après le déguerpissement

Apr-News / Côte d’Ivoire : Cocody-Danga entre tristesse et espoir après le déguerpissement
Samedi, 26 mai 2018

Côte d’Ivoire : Cocody-Danga entre tristesse et espoir après le déguerpissement

J.A - Après le déguerpissement de 77 familles de leurs logements dans la commune Cocody-Danga suite à une décision judiciaire, les anciens habitants vivent dans des conditions difficiles, au rythme des négociations et de la mobilisation sur les réseaux sociaux.

Cocody la coquette, à Abidjan. Ses belles villas. Ses beaux quartiers. Une commune « choco », comme on dit en Côte d’Ivoire. C’est ici que la majorité des célébrités vivent. Mais à Cocody, il n’y a pas que du luxe. À Danga, en plein centre de Cocody, une cinquantaine de familles vit actuellement sur un champ de ruines, au milieu des gravats et des déchets. Depuis plus de quinze jours, ces habitants dorment à la belle étoile, sur les décombres de ce qui fut un ensemble de logement sociaux.

Les habitants qui résidaient dans cet ensemble datant des années 1950 payaient des loyers mensuels de 3 500 Francs CFA en moyenne. La Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi), propriétaire des lieux, a décidé de détruire les bâtiments pour construire des logements « mieux adaptés ».

Évacuation « brutale »

« Ils nous ont évacués de manière brutale et sans pitié », assure Assa Yedess, 47 ans, infirmière au CHU de Treichville et présidente de l’Association des déguerpis de Cocody-Danga fait partie des 77 familles – environ 2 000 personnes – expulsées le 8 mai dernier.

Chaque soir, elle s’installe comme elle peut, pour passer une nuit difficile de plus. « On vit sous les décombres », raconte-t-elle.  L’hygiène est minime et la peur des épidémies omniprésente.

« Les adultes partent se laver dans les toilettes publiques, pour ceux qui en ont les moyens. D’autres vont chez les voisins, aux alentours », détaille Mohamed Ouatarra, président de l’association « Regard citoyen ».

La plupart des familles ont été obligées de se séparer. Des parents ont amené leurs enfants chez des connaissances, pendant qu’eux-mêmes dorment à la rue. « La nuit, les habitants dressent des tentes partout où ils peuvent. Lorsqu’il pleut, elles vont s’abriter sous des magasins », rapporte Mohamed Ouatarra.

La situation est encore plus difficile pour les enfants scolarisés en primaire qui ont perdu leurs effets personnels, et ne sont plus en mesure de suivre les cours. « C’est la souffrance totale », murmure avec tristesse Assa Yedess.

Mobilisation et réseaux sociaux

Face à la situation, des organisations et associations ivoiriennes ont voulu montrer la réalité à Cocody-Danga-Bel-Air, notamment via à la création d’une plateforme :  le Collectif pour la restauration de la dignité des opprimés.

Les familles touchées ont pu compter sur le soutien de personnes de bonnes volontés, à l’image de Nahouloun Daleba, membre du collectif. « On a passé la nuit  dehors avec les populations parce qu’on voulait vivre en temps réel les conditions de vie des habitants de Danga. Ces personnes se débrouillent, de jour comme de nuit », nous raconte-t-il.

Vidéos des déguerpis, directs sur Facebook pour dresser l’état des lieux et l’évolution de la situation… L’activisme sur les réseaux sociaux a fini par trouver un écho. Une photo, en particulier, a été très largement partagée : on y voit un homme se lavant en pleine rue derrière une simple porte sur laquelle on peut lire : « Douche : Homme, femme, enfant. Cocody Danga ».

Nos mamans sont dehors, nous n’avons plus de maisons

Des artistes se sont également engagés, comme le groupe de rap Kiff No beat, pour apporter des vivres aux habitants de Danga. Là encore, le geste a été relayé sur les réseaux sociaux. Sarai d’Hologne, entrepreneuse ivoirienne, s’est elle aussi rendue sur place.

« Personne ne souhaiterait se retrouver à la rue du jour au lendemain. Nous avons vu des mères en pleurs , des enfants insouciants mais aussi touchés, des familles sans abris, qui cuisinent sous un arbre, manquant de vivres… », raconte-t-elle.

Elle aussi a posté images et commentaires sur les réseaux sociaux. Notamment une vidéo qui a ému la toile, dans laquelle on voit une jeune fille, Aurélie, appelant à l’aide : « Nos mamans sont dehors, nous n’avons plus de maisons, aidez-nous ».

« Le gouvernement ne tire aucune fierté à voir des gens dormir dehors. Le gouvernement compatit au contraire. Cela ne s’est pas fait sans mesure d’accompagnement. Tout cela a été dit clairement sur les 77 familles, une quarantaine a accepté ses mesures d’accompagnement. Sur ces 44 familles, 38 ont déjà encaissé les fonds correspondants », a assuré le porte parole du gouvernement Bruno Koné, à l’issue du conseil des ministres du mercredi 23 mai.

« LA Sicogi a exécuté une décision de justice après 6 ans de lutte contre les locataires qui refusaient de quitter les lieux depuis 2012 », a précisé le lendemain le ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme dans un communiqué.

Assa Yedess confirme que les familles se sont vues proposer 1 million de francs CFA par la Sicogi, mais que nombre d’entre elles ont refusé car elles souhaitaient être relogées plutôt que de percevoir de l’argent. Elles ont récemment été reçues par Yasmina Ouégnin, députée du PDCI- RDA de la circonscription de Cocody. Elle affirme qu’une enquête parlementaire sera ouverte sur le dossier, sans qu’aucune date ne soit fixée pour l’instant. Du coté des déguerpis et des mobilisés, on précise que « les négociations sont toujours en cours ».