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Côte d'Ivoire : ‘’Abidjan change, il faut que les populations changent’’ Anne Ouloto

apr-news/ Anne Ouloto
Lundi, 5 novembre 2018

Côte d'Ivoire : ‘’Abidjan change, il faut que les populations changent’’ Anne Ouloto

APRNEWS- En dehors de ces véhicules qui sont de plus en plus visibles sur toute l’étendue du district d’Abidjan, de manière progressive, depuis le 2 novembre et ce, jusqu’au 15 décembre, les Ivoiriens verront également des bacs et des coffres en quantité suffisante.

Les nouveaux camions sont enfin dans les rues d’Abidjan. Qu’est-ce qui va véritablement changer, au quotidien, pour les populations en matière de gestion des ordures ménagères ?

En dehors de ces véhicules qui sont de plus en plus visibles sur toute l’étendue du district d’Abidjan, de manière progressive, depuis le 2 novembre et ce, jusqu’au 15 décembre, les Ivoiriens verront également des bacs et des coffres en quantité suffisante. Pour Abidjan sud, par exemple, l’opérateur s’est engagé à installer au moins 350 coffres, sans compter les poubelles qui seront disposées par endroits. Ces récipients vont améliorer la propreté des quartiers.

Ce qui va également changer, ce sont les infrastructures. Celles-ci sont des intermédiaires entre les points de collecte et la destination finale qui est le centre de valorisation et d’enfouissement technique de Kossihouen. C’est une nouvelle donne à laquelle les Ivoiriens devront s’habituer. Ils verront des postes de groupage qui sont des espaces aménagés pour déposer les déchets.

Il y aura aussi les centres de groupage qui sont d’une capacité plus grande. Ceux-ci permettent aux opérateurs de collecte de faire des points de rupture. En fait, quand ils finissent de ramasser les ordures, ils rassemblent les véhicules dans ces lieux pour y faire le transvasement. Après quoi, les ordures sont acheminées au centre de transfert ou au centre de valorisation ou d’enfouissement technique.

Les populations devront aussi s’habituer aux centres de transfert. Il y en a deux. Ils sont à Anguédédou. Ils sont d’une grande importance dans le système dans la mesure où ils constituent pratiquement le siège des deux opérateurs. C’est à ces endroits qu’ils feront l’entretien de leurs véhicules. C’est surtout là qu’ils procéderont aux opérations de transvasement des petits camions dans ceux de grande capacité, de sorte à réduire le coût du transport.

Ce qui va changer, c’est aussi la manière dont nous allons traiter les déchets. Nous étions, jusque-là, dans une économie linéaire. C’est-à-dire qu’on produit les déchets, on les collecte et on les jette. Ils n’ont plus aucune vie. Ils ne servent à rien. Aujourd’hui, l’option que le Président de la République et le gouvernement ont prise est celle de l’économie circulaire. 

C’est une option complexe et très difficile. Elle consiste à donner une autre vie aux déchets. A partir de cette économie circulaire, interviennent les notions de tri et de recyclage qui conduisent au reconditionnement et au traitement des déchets pour réapparaître sous une autre forme. C’est cela qui permet de réduire la quantité d’ordures à enfouir.

Mais tout ceci est un processus qui s’inscrit dans la durée. Et cela exige la sensibilisation des populations au changement de comportement et la participation de tous.

Je voudrais le dire solennellement. Ce qui va changer, c’est le comportement de l’Ivoirien.

C’est justement la grande inconnue. Avec le niveau élevé d’incivisme dans le pays, les populations suivront-elles ?

Oui, c’est la grande inconnue. Mais ce n’est pas impossible. Hier (2 novembre, Ndlr), l’opérateur portugais m’a dit : « Mme le ministre, gardez espoir (…) En 20 ans, nous avons changé les choses au Portugal ».

Au cours de la première nuit d’opération des nouveaux engins, les opérateurs ont vu, à Treichville Arras, que des déchets ont été abandonnés par des commerçants sur la chaussée. Les éboueurs ont été obligés de les ramasser à la fourche pour les mettre dans le camion tasseur. Alors qu’il aurait fallu que le commerçant conditionne ces déchets dans un sac poubelle, les mette dans une poubelle et le camion serait passé le récupérer. Cette mauvaise attitude occasionne une perte de temps à l’opérateur, des nuisances, des mauvaises odeurs, l’écoulement du liquide des déchets qui dégrade la chaussée. Cela doit s’arrêter.

Vous l’avez donc compris. Ce qui va changer et qui est fondamental, c’est le comportement de l’homme. L’Ivoirien, depuis hier (2 novembre), doit se dire, « Abidjan change, il faut que je change aussi ». D’abord, il faut qu’il change son rapport avec les déchets qui ne doivent pas être jetés dans la rue. C’est une matière qui peut être transformée en quelque chose d’autre. Les déchets organiques peuvent devenir du compost qui sera utilisé dans l’agriculture. C’est donc une perte d’argent que de jeter les déchets çà et là. Mais vu que nous sommes dans l’urgence, nous leur demandons de conditionner leurs déchets dans une poubelle. Chaque ménage doit donc se procurer une poubelle.

Tous les soirs, entre 17h et 20h, vous sortez votre poubelle devant votre maison. Le camion-tasseur passera la récupérer, la déchargera et la remettra là où il l’a prise. Il vous appartient de la prendre, de la laver et de l’utiliser à nouveau.

Le deuxième effort que nous demandons est celui-ci : éviter de jeter les mouchoirs et autres déchets dans la rue. Cherchez la première poubelle ou le premier coffre du coin pour le faire. A supposer que vous n’en voyiez pas, êtes-vous obligés de jeter quelque chose à terre ? Ce déchet que vous venez de produire est votre propriété. Vous devez le conserver jusqu’à ce que vous trouviez une poubelle pour l’y mettre. Au cas où vous n’en trouvez pas, emportez votre déchet chez vous pour le jeter dans votre poubelle.

Ce qui va changer et qui constitue une bonne nouvelle pour le citoyen au niveau du district d’Abidjan, c’est que les ménages ne paieront plus deux fois pour les ordures ménagères. Ils ne paieront plus que la taxe de 2 000 francs, en moyenne, prélevée sur les factures d’électricité pour permettre à l’Etat d’offrir ce service public de collecte des déchets puisqu’ils n’auront plus affaire aux pré-collecteurs.

Vous savez que dans la situation de crise des déchets de laquelle nous sortons aujourd’hui, des pré-collecteurs s’étaient organisés par quartier pour pouvoir débarrasser les ménages de leurs déchets moyennant quelque chose. Et les montants variaient selon les quartiers, entre 2 000 et 25 000 francs.

Les ménages payaient donc ces montants, en plus de la taxe qu’ils paient à l’Etat. Aujourd’hui, les habitants pris en compte par le nouveau système ne paieront plus d’argent supplémentaire parce que les entreprises chargées des ordures s’occupent aussi de la pré-collecte.

Les avantages sont nombreux. Les dépôts sauvages vont disparaître progressivement. A terme, nous aurons une meilleure santé des populations et moins de pollution, moins d’agression contre la nappe phréatique, etc. C’est pour cela qu’il faut rendre hommage au Président de la République et au gouvernement qui ont donné les moyens nécessaires pour mettre en place un tel schéma.

Avec l’arrivée, du reste très appréciée, des camions balayeurs, doit-on espérer la fin du travail dangereux des balayeuses de rue à Abidjan ?

C’est une activité qui va disparaître. Mais dans tous les cas de figure, la machine ne pourra jamais remplacer l’homme. C’est la raison pour laquelle le travail manuel restera aux côtés du travail mécanique. Nous avons affaire à des opérateurs d’une certaine expérience et d’une certaine compétence. Les conditions de travail de ces femmes vont changer. A ce propos, je demande aux populations de faire des efforts. Car qu’est-ce qui nécessite la présence de ce personnel de balayage dans les rues ?

Je vous donne ma réponse …

Oui. Allez-y.

En réalité, ces femmes balaient le sable versé, chaque jour, par des camions de transport inappropriés… N’est-ce pas qu’il y a quelque chose à faire concernant la qualité de ces camions ?

Tout cela, ce sont des actions citoyennes que nous attendons des populations. La plupart du temps, on ne voit pas ces camions qui déversent le sable sur les routes. On constate, le matin, qu’il y a du sable partout. Quelquefois, dans la journée, quand on les aperçoit, le temps de réagir, ils sont partis. Ils salissent la ville au vu et au su de tout le monde. C’est une chaîne de responsabilité. Il faut que chacun fasse son travail.

Je suis d’accord avec vous qu’il faut mettre de l’ordre à ce niveau. Voyez tous les efforts que le ministère de l’Equipement et de l’Entretien routier fait pour réhabiliter les voies à Abidjan. Croit-on que le sable et le gravier sont les bienvenus sur les chaussées ?

Le ministère des Transports a déjà commencé une initiative avec les transporteurs de sable et de gravier de manière à ce que le conditionnement soit de bons camions, afin d’éviter le déversement du sable sur les voies. Il faut que le sable transporté soit sec. En général, ils transportent du sable mouillé. Conséquence, il se déverse sur la chaussée. S’il n’y a pas de sable sur la chaussée, les camions balayeurs suffiront. La deuxième chose, il faut que les populations arrêtent de tout jeter dans la rue et dans les caniveaux.

N’y a-t-il pas de coercition prévue dans le programme ?

La coercition existe déjà. Mais le problème, c’est d’abord son application. Deuxièmement, il y a la vétusté de nos textes. C’est la raison pour laquelle nous envisageons l’adoption d’un code de la salubrité. Le texte est en train d’être partagé avec tous les ministères. Il sera soumis, très bientôt, au Parlement. Je pense qu’en 2019, ce code pourra être adopté. Il permettra d’appliquer des sanctions à tous les contrevenants en la matière. Le Chef de l’Etat l’a inscrit comme priorité.

Quelles sont les prochaines villes qui pourraient bénéficier du système moderne de gestion des déchets ? 

Le gouvernement travaille pour toute la Côte d’Ivoire. Le programme s’étendra. Mais la gestion de ce service public a un coût. Les opérateurs cités travaillent dans le district d’Abidjan. Il y a d’autres opérateurs à l’intérieur du pays. A Grand-Bassam et sur toute la côte touristique jusqu’à Aboisso, il y a un opérateur. A Yamoussoukro, il y en a deux. A Bouaké et Korhogo, il y a des opérateurs. En vue de l’extension de notre nouvelle politique de gestion des déchets, nous aurons, en janvier 2019, un séminaire sur la problématique du financement du secteur. Nous verrons comment organiser la gestion des déchets par type de communes (petites, moyennes et grandes).

Je voudrais encore insister auprès des populations pour leur dire que le gouvernement vient de faire de gros efforts. A Abidjan, nous passons d’un budget d’environ 22 milliards à 45 milliards de FCfa par an. Ce qui veut dire que la santé et le bien-être des populations n’ont pas de prix. Il faut accompagner ce processus. Les populations n’ont pas à craindre la chicotte pour adopter les bonnes attitudes. C’est une question de dignité et de santé. Il faut qu’elles changent de comportement.

Je voudrais exprimer toute ma fierté d’avoir eu l’occasion de voir la Côte d’Ivoire renouer avec les bonnes pratiques en s’engageant parmi les nations respectables qui mettent un point d’honneur à favoriser la qualité du service public. Les populations doivent accompagner cette dynamique. Abidjan est une vitrine. Si nous voulons aller à l’émergence, il faut que nous soyons  propres.

A présent, mettons le cap sur le 15 décembre pour lancer officiellement le processus de fermeture de la décharge d’Akouédo. Ce jour-là, nous pourrons faire la fête.

Avec Fratmat.Info