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Burkina Faso : « Le terrorisme ne nous a rien enseigné »

Aprnews - Martin Sawadogo - Terrorisme - Actualité - Burkina Faso
Mercredi, 7 juillet 2021

Burkina Faso : « Le terrorisme ne nous a rien enseigné »

Se considérant « comme un citoyen du monde, Burkinabè de cœur et de naissance », Martin Sawadogo, ingénieur en travaux publics, et Directeur de la société CGT évoluant dans le BTP, s’est prêté aux questions de Burkina24, le jeudi 1er juillet 2021, sur la situation sécuritaire qui prévaut au pays des Hommes intègres. Reconnaissant que la question ne saurait être laissée aux seuls « spécialistes » de la chose sécuritaire, Martin Sawadogo a décidé d’apporter ses « idées » à la lutte contre le terrorisme. « Tout ce qui intéresse la vie de mon pays, je ne manque pas l’occasion de donner mon point de vue, si cela peut contribuer à améliorer un tant soit peu les choses », a-t-il indiqué. 

Dans son analyse, Martin Sawadogo s’est d’abord appesanti sur les causes du terrorisme. Le terrorisme, il faut le prendre sous tous les aspects. C’est seulement la phase violence du terrorisme qui a commencé maintenant, mais il faut remonter aux causes, fait-il savoir. « Les causes du terrorisme, c’est essentiellement la misère, la mal-gouvernance, la paupérisation de la population [qui] a été installée comme un mode de gouvernance », indique M. Sawadogo. 

Ainsi, l’interviewé se pose beaucoup de questions. Ceux qui prennent les armes contre les Burkinabè, « qui leur en donnent ? Comment ces gens sont arrivés à tisser une certaine affinité avec les populations au point de les utiliser contre leurs propres frères ? Qui finance ces gens ? Quelle est l’idéologie qu’on a pu leur inculquer ? ». 

Pour Martin Sawadogo, avec les réponses à ces questions, de grands pas pourront être faits dans la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso. Tant que les Burkinabè ne se poseront pas l’ensemble des questions « de façon holistique, on ne peut pas traiter les conséquences en occultant les causes », dit-il.

Sur ces points, Martin Sawadogo reste convaincu que le Président du Faso, Roch Kaboré, par ailleurs nouveau ministre de la défense, doit avoir « le courage et l’honnêteté » de dire la « vérité » à sa population. « Jusqu’aujourd’hui, on est attaqué, mais on ne nous dit pas qui fournit les équipements à ces terroristes. On ne nous dit pas qui finance ces terroristes. On ne dit même pas pour quelles raisons nous sommes attaqués. Je ne pense pas un seul instant que le Président du Faso ne soit pas au courant de cela », soutient-il.

Outre la « vérité » envers ses concitoyens, pour M. Sawadogo, le Président du Faso doit discuter « clairement et franchement avec ceux qui prétendent être nos partenaires, en l’occurrence la France et l’Union européenne », dit-il. En ce qui concerne notamment la collaboration avec la France dans la lutte contre le terrorisme, M. Sawadogo émet des réserves quant à une issue victorieuse. 

« Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas encore révélées. Mais l’histoire est là pour enseigner. Quels sont les pays où la France est intervenue et il y a eu la victoire ? Il n’y en a pas. Même pendant les guerres, la France a dû faire appel aux pays africains pour l’aider à se débarrasser du Nazisme », a commenté Martin Sawadogo.

En sus des causes du terrorisme, M. Sawadogo a également égrené quelques pistes de solutions, en plus de la réponse « militaire ». « La lutte contre le terrorisme, ce n’est pas une lutte à court terme. La victoire sera à moyen et long terme », prévient-il. A l’endroit de la classe dirigeante, pour M. Sawadogo, la « prédation » doit prendre fin. 

« Nous assistons chaque jour à des faits divers de vols, de corruption, de pillages des ressources de l’Etat qui ne sont suivis d’aucune sanction », dit-il. A l’écouter, si les dirigeants veulent avoir la confiance de la population, cette « prédation » des ressources doit être sanctionnée. 

Dans ce sens, M. Sawadogo questionne : « Qu’est-ce que nous avons changé en matière de gouvernance durant les six dernières années ? Quelles sont les mesures spéciales et spécifiques appliquées aux zones, aux régions qui sont touchées par le terrorisme ? ». « Absolument rien du tout », répond-il.

Martin Sawadogo : « Il faut que tout le Burkina Faso soit inondé permanemment de messages d’interpellation »

A écouter M. Sawadogo, il faut une offensive économique dans les zones sous emprise des groupes armés non étatiques. « Ce n’est pas aller construire des infrastructures qui va résoudre le problème. Combien d’entreprises y a-t-il au Sahel ? Les agriculteurs, les éleveurs qui sont au Sahel, qu’est-ce qui est fait pour les sortir de la misère ? Il faut que nous repensions notre système économique », poursuit-il. Cet aspect économique de la guerre, notamment la « réappropriation » du secteur minier a été largement commenté par l’interviewé. 

« Les richesses du pays sont littéralement pillées. Nous avons une quinzaine de mines, mais qui ne profitent absolument pas au Burkina Faso. La région du Nord où le terrorisme s’exerce, il y a des mines qui y sont, mais elles ne profitent pas aux populations locales. Elles ne profitent pas à l’ensemble des Burkinabè. Il faut que nous revoyions notre politique économique », préconise M. Sawadogo.

Dans pratiquement tous les secteurs de l’économie, l’ingénieur propose des réformes « profondes » pour impliquer « les populations » et en partageant les richesses du pays de manière équitable. Et à l’endroit des Burkinabè, surtout citadins, un message d’interpellation a également été lancé.

A l’endroit des leaders religieux, il prône une offensive idéologique. « Il faut que tout le Burkina Faso soit inondé permanemment de messages d’interpellation. Il faut que les leaders religieux de bonne foi montent au créneau pour enseigner » et combattre l’idéologie de ceux qui ont pris les armes. La même proposition va à l’endroit de la presse pour, dit-il, « un matraquage médiatique » afin de soutenir les actions menées contre le terrorisme.

Parmi les solutions, çà et là, des “négociations isolées” avec les groupes armés sont faites par des élus locaux. A ce propos, M. Sawadogo se veut pragmatique. « Dans une guerre, tous les moyens sont bons. Aucun moyen ne doit occulter. Même pour connaitre ses ennemis, il faut savoir également les infiltrer. Nous devons être capables d’infiltrer les réseaux terroristes pour savoir leur source d’approvisionnement. Les initiatives locales sont à saluer. Je ne crois pas que ce soit une mauvaise initiative », dit-il.  

Aprnews avec Burkina24