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APRNEWS : Tidjane Thiam, un sacré ennemi

Tidjane Thiam, Ancien patron du Crédit Suisse
Samedi, 13 mai 2023

APRNEWS : Tidjane Thiam, un sacré ennemi

APRNEWS - Jadis, les forces politiques concurrentes présentaient à l’opinion leurs projets de société. Ces derniers procèdent en principe d’un diagnostic des problèmes auxquels la société est confrontée, identifient la nature et l’ampleur de la demande sociale à laquelle il importe de formuler une réponse politique. Chaque candidat y allait de ses arguments, de ses promesses, en vue d’arracher les suffrages des électeurs. Désormais, la courtoisie de la controverse et l’art de la séduction élégante qui prévalaient ont cédé la place à la rhétorique de l’injure facile, du mensonge et de la diabolisation de l’adversaire politique. Et, depuis un certain temps, ce ministère des basses besognes échut à une certaine presse, moyennant paiement. Sous nos cieux, Tidjane Thiam est la cible sacrée de cette nouvelle race de journalistes, ces mercenaires de la plume. Il serait fastidieux d’examiner chacune des affirmations fallacieuses des journaux coalisés contre Thiam. Alors nous analyserons les seules plus récurrentes et les plus inutilement incriminantes.

Dans l’actualité politique de cette semaine, comme en bien d’autres circonstances, un confrère a consacré des pamphlets à Tidjane Thiam. Sans préambule, Joël Ettien écrit : « Thiam, celui en qui beaucoup de militants du PDCI ont placé leur espoir, semble mettre ses priorités ailleurs, il refuse même d’apporter son expertise au pays… Pendant que les novices se targuent de le voir défier les candidats adversaires du PDCI RDA on annonce Thiam au Vatican et au service du Saint Siège ». On peut, d’ores et déjà, dénoncer cet article qui omet de mettre pas les faits en relation avec les circonstances historiques, sociales, voire artistiques qui les produisent.  Quels sont-ils ?

Par ses logiques de maximisation du profit, le Capitalisme accentue la souffrance du travailleur, affirment ses détracteurs. Aussi, renchérissent-ils, en raison d’une standardisation et d’une marchandisation généralisée, l’argent est devenu un pouvoir divin s'exerçant sur les pensées et actions des hommes. Ce système économique doit purement et simplement disparaitre, requirent ces analystes économiques. Devant ce réquisitoire inclément, le Saint-Siège mit sur pied le « Conseil pour le Capitalisme inclusif avec le Vatican » en vue de la reformation du système capitaliste. Ainsi, à la demande du Pape, Tidjane Thiam rejoignit les 27 grandes figures du capitalisme mondial. Cet aéropage a la charge de faire du Système capitaliste un instrument inclusif, dépouillé du fétichisme de la marchandise et de la monnaie. Autant dire que le Capitalisme alliera désormais justice, profit et vertu morale. Il mettra ainsi l’Homme au centre de son action.

Le nouvel engagement de Tidjane Thiam est donc un acte de foi et une œuvre de pure humanité. Son intégration au « Conseil pour le Capitalisme inclusif avec le Vatican », n’est rien d’autre que la reconnaissance d’une intelligence brillante et un hommage à sa vision stratégique de l’équipe. Son sens aigu reconnu de l’organisation, lui valent de gérer à la fois, avec une efficacité maximale, plusieurs projets, à lui confiés, par les grands décideurs du monde. Par sa culture, sa carrière et son métier, le banquier est devenu un incroyable témoin des mutations radicales du monde. De quoi intimider de potentiels adversaires politiques dans son pays. D’où l’assaut médiatique contre sa personne.

Sinon, en quoi Tidjane Thiam aurait-il refusé son expertise à la Côte d’ivoire ?  Son ‘’serment’’ humaniste de rendre le Capitalisme plus conforme aux attentes humaines peut-il constituer la preuve d’un  désintérêt pour son pays? Non ! La vérité est ailleurs.

Après ses études, en 1994, Tidjane Thiam fit le choix du retour dans son pays. Occupant les postes de DG du BENETD, puis de ministre du plan,  il conduira l’ambitieux projet « des 12 travaux de l’éléphant d’Afrique, y compris l’actuel 3e pont ». Ce projet structurant lancé par Konan Bédié en 1996, consacrait l’image du ‘’pachyderme ivoirien’’ qui voulait devenir aussi puissant que les dragons d’Asie. Les compatriotes de Thiam en ont légitimement espérer un essor industriel et une économie émergente, lorsqu’en 1999, un coup d’état plaça le pays sous la férule d’un gouvernement illégitime.

Plusieurs ivoiriens dont Tidjane Thiam, sortirent du pays avec cependant l’espoir d’un retour rapide. L’illusion d’une normalisation laissa la place à une réalité beaucoup plus cruelle, 3 ans plus tard : une rébellion va défigurer le pays avec, à la clé, 3000 morts, des viols et tueries, des mutilations, des enlèvements. Bref ! La criminalité violente s’est accrue en quelques mois. Aujourd’hui encore on dénonce des affrontements inter-ethniques. Un risque aggravé de résurgence des hostilités demeure. Aussi, les thuriféraires du pouvoir n'ont-ils de cesse de menacer leurs adversaires politiques, trahissant le rêve d'une réconciliation et d’une unanimité reconstruites par-delà la déchirure sociale, en même temps que l'impossibilité à penser le présent politique hors de ce traumatisme. Ce sont là les réalités à l’aune desquelles il faut analyser la dynamique Tidjane Thiam.  

Au lieu de cela, l’homme est plutôt attaqué tous azimuts. Par presse interposée, ses contradicteurs lui opposent, de manière presque compulsive,  l’argument de sa relative longue absence du pays. Ils en tirent même la conclusion que Thiam ne se sentirait pas concerné par la Côte d’ivoire.  A vrai dire, il s’agit d’un acharnement ayant vocation à ruiner l’image sociale et politique  du banquier,  d’une ruse visant à le faire baisser dans l’estime de ses compatriotes. La manipulation est évidemment très pratique. Parce que, précisément, il est question d’affaiblir un potentiel candidat à l’élection présidentielle, un concurrent dont l’avance naturelle est telle que personne ne peut l’ignorer.

Les infatigables ‘’ennemis’’ du banquier ne tarissent pas de griefs, l’ex-ministre ivoirien est interpellé pour son manque supposé d’héroïsme. De fait, le journaliste Joël Ettien lance péremptoire : « le PDCI a besoin de sang neuf et d’un homme courageux, capable de se sacrifier pour lui donner une seconde vie… Thiam lui a tourné le dos…». Comble du ridicule !

Tidjane Thiam vient d’être fait membre du bureau politique du PDCI par Henri Konan Bédié, son président. Par ailleurs, lors du dernier précongrès du parti à Abidjan, Thiam avait été publiquement compté au nombre des militants du PDCI à jour de leurs cotisations. Le jeune économiste financier ivoirien était absent en raison d’engagements pris de longue date en Europe. Peut-on raisonnablement encore parler de manque d’intérêt pour sa formation politique ou pour son pays ?

Thiam est plutôt d’une personnalité calme ayant en horreur l’agitation. Il n’agit jamais ni véhémentement, ni dans la précipitation.  Il ne veut surtout pas être un héros à célébrer. L’héroïsme est certainement centré sur le courage et le héros est un homme ferme contre les difficultés, intrépide dans le péril, et très-vaillant dans les combats ; qualités qui tiennent plus du tempérament, et peut-être d'une certaine conformation des organes que de la noblesse de l'âme. Et, une véritable noblesse d’âme impliquerait à la fois des dispositions cultivées dans la durée et une plus large palette de vertus. L’insuffisance morale débouche toujours sur une insuffisance politique : l’héroïsme ne fait pas, par lui-même, un grand homme d’État. Les grands hommes sont moins des conquérants que des gouvernants qui font œuvre de stabilisation, de consolidation et de vision à long terme. Ils abhorrent toute approche tonitruante et n'écoutent que le bien public, la prospérité de l'Etat, et le bonheur des peuples.  Ne les attendez pas sur le terrain de l’affrontement physique. Ils sont plus subtils.

Par Jean Clotaire Tétiali