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APRNEWS : PDCI-RDA, quelle discipline de parti ?

PDCI-RDA, Jean-Marc Yacé - Yasmina Ouegnin
Mardi, 9 mai 2023

APRNEWS : PDCI-RDA, quelle discipline de parti ?

APRNEWS - Au PDCI, à chaque élection, le choix des candidats aux différents scrutins est toujours discutable. Le non-respect des textes et règlements ou  l’inobservance des usages ou encore l’absence d’une réelle procédure de construction des décisions, paraissent constituer les causes essentielles des dysfonctionnements que connait le parti du président Konan Bédié. Et, plutôt que d’établir un diagnostic inflexible et sans complaisance, on se contente de raccourcis pour indexer des boucs émissaires. Aujourd’hui encore, comme dans un scénario répétitif, c’est Yasmina Ouegnin qui est désignée à la vindicte des membres du parti. En cause, sa décision d’être candidate indépendante à l’élection municipale de septembre prochain. Et pourtant, de nombreux militants dénoncent l’injustice sans commune mesure qu’elle a subie lors de l’élaboration de la liste des candidats au tout prochain scrutin. La pratique n’est pas nouvelle, elle connait même aujourd’hui une périodicité quinquennale, prévalant toujours au seuil d’élections municipales ou législatives. On court à l’explosion si au PDCI on n’expose pas clairement le discours de la méthode. Autrement dit, les Yasmina, ces militants qui s’accommodent mal de l’injustice, il y en aura davantage.

En dépit de débats nourris sur la délibération et la représentation démocratiques, la question de la justification de l’élection interne comme mode de désignation des candidats du parti aux différents scrutins politiques est très peu abordée par la philosophie politique du PDCI. Et pourtant, une confrontation avec l’alternative que pourrait constituer le tirage au sort ou la désignation d’un candidat selon les seuls vœux du président du parti permet d’identifier les vertus spécifiques de l’élection au regard de deux critères de légitimité démocratique : le consentement et la responsabilité des militants, l’inclusion égalitaire des membres du parti. L’analyse conduit à conclure au caractère essentiel de l’élection interne. C’est à partir d’elle, et non en dépit d’elle, que doit être surmontée la crise de la représentation.

D’ailleurs, d’une manière générale, l’organisation régulière d’élections égalitaires et libres est le critère le plus souvent utilisé, à l’échelle internationale, pour évaluer le caractère démocratique d’un régime politique. L’inhérence des élections à la démocratie est du reste clairement affirmée par la Déclaration universelle des droits de l’homme : « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote »

A l’échelle des partis politiques, et notamment au PDCI, l’esprit et la philosophie de cette déclaration devraient être une réalité. Que non ! Au parti démocratique de Côte d’ivoire, le lien ainsi posé entre démocratie et élections est loin d’être une évidence. Dans la plus ancienne formation politique, en cas d’absence d’accord sur le nom d’un candidat à une élection municipale, il existe une procédure statutaire à suivre : l’élection primaire. Mais en dépit de cette convention, l’article 39 des statuts et règlement du PDCI, issus de son 12ème congrès de 2013, dispose que «…le président du parti peut créer toute direction technique et opérationnelle, jugée nécessaire par ses soins et directement rattachée à lui…En cas de besoin, le président peut créer chaque fois que nécessaire tout comité ou commission ad ’hoc à l’effet de rendre plus efficace sa gestion… ». En d’autres termes, Henri Konan Bédié peut, entre autres possibilités, et s’il le désire, contourner la voie des élections primaires. C’est d’ailleurs ce qui s’est fait récemment quand il s’est agi de choisir entre Yasmina Ouegnin et Jean Marc Yacé,  le candidat du PDCI à l’élection de septembre 2023.

Cette réalité rappelle les partis non démocratiques de type ploutocratique ou clientéliste dans lesquels un individu ou un petit groupe d’individus désignent le candidat, et la masse entérine le choix par des applaudissements. Procédure quasi dictatoriale qui permet au leader d’avoir une idée claire du niveau d’acceptation de sa décision unilatérale et éventuellement de gérer les cas de réticences.

En revanche, les partis politiques ayant une idéologie politique inclusive favorisent les méthodes de sélection participatives. Ils procèdent généralement par des élections primaires. Celles-ci sont des processus internes selon lesquels un parti politique choisit son ou ses candidats aux élections. Les modalités exactes dépendent du cadre juridique, des statuts et règlement intérieur du parti. En conséquence, on en tire l’avantage de candidatures quasi consensuelles. Globalement, dès sa naissance, tout parti politique doit définir en amont des procédures de construction de ses décisions ou des règles impersonnelles de fonctionnement du parti. Cette façon de faire permet d’éviter de laisser aux seuls desiderata d’un individu, fut-il le président du parti, le règlement des questions cruciales. Elle participe de la discipline du parti. De fait, la question de la discipline se pose avec acuité dans le cadre partisan.

On peut alors finalement poser la question de savoir qui de Yasmina Ouegnin et de celui qui tripatouille les textes, jouant d’intrigues pour éliminer arbitrairement des candidats au profit d’autres, manque à la discipline du parti, s’écarte de la ligne de conduite officielle de sa société politique ?  De quelle discipline de parti parle-t-on ?                                                                                                                                         

Disons-le aussi, d’une façon générale et logique, les partis politiques établissent les conditions de désignation de leurs candidats aux élections en conformité avec le cadre juridique qui régit l’organisation des élections dans le pays. Parce qu’évidemment l’objectif final est la candidature nationale qui passe par la candidature en interne. Dès lors, à quoi servirait le choix d’un(e) candidat(e) qui ne remplit pas les conditions d’éligibilité telles que définies par la Constitution et loi électorale du pays ? Pour quel bénéfice choisirait-on un candidat qui serait dans le collimateur de la justice et donc sur qui planera, comme l’épée de Damoclès, une condamnation pénale ? Un tel candidat, s’il venait à remporter l’élection, ne serait-il pas tenté de monnayer sa victoire pour échapper à d’éventuelles poursuites judiciaires ? On se souvient des derniers mouvements centrifuges, sous la contrainte, de militants du PDCI vers le RHDP. Le Mercato politique du RHDP avait abouti au recrutement N’Dri Kouadio Pierre Narcisse, de Kouamé Kouakou Lassina et de N’cho Acho Albert, tous des caciques du PDCI.

Ainsi se présente tout le contexte politique global et les réalités à l’aune desquels il convient d’analyser ou de chercher à appréhender la pertinence ou le caractère judicieux des candidatures de Yasmina Ouegnin et de Jean Marc Yacé à l’élection municipale du 02 septembre prochain.

Au-delà de tout ce qui précède, le problème du PDCI semble résider ailleurs. Il parait tenir à l’incapacité de ses dirigeants à se libérer de leurs peurs. La peur  du dégrisement est au moins aussi forte que l'ivresse d'acquérir toujours plus. Ceci nous explique pourquoi la perte de certains privilèges politiques est si mal vécue. La vraie motivation de certains politiques est de préserver l'emprise qu'ils ont déjà plutôt que d'en briguer une nouvelle, même plus importante.» Ne pas perdre, avoir une maîtrise sur les événements : chez certains, la quête permanente ou la conservation du pouvoir est d'abord un moyen imparable de lutter contre une angoisse de mort lancinante. Ils sont dans l'hypercontrôle ou le désir d'avoir une emprise maximale sur ce qui les entoure.» A vrai dire, ce sont-là les pratiques d’une certaine noblesse dont les droits sont héréditaires, une caste dont les privilèges sont exclusifs et étanches. On oublie malheureusement le ressort générationnel, le rapport des jeunes aux aînés, du fils au père. Et pourtant, on voit bien que, de décadence en décadence, le rapport se dégrade jusqu'au parricide.

Par Jean Clotaire Tétiali