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APRNEWS - "J'ai avorté en 1969 sur une table de cuisine, curetage a vif..."

Droit à l'avortement - Témoignage - Contribution
Vendredi, 1 juillet 2022

APRNEWS - "J'ai avorté en 1969 sur une table de cuisine, curetage a vif..."

APRNEWS - Floriane, Renata et Alice ont toutes les trois eu recours à une ou plusieurs interruptions volontaires de grossesse. Alors que ce droit a été révoqué aux Etats-Unis le 24 juin, elles témoignent aujourd'hui auprès de La Dépêche du Midi de l'importance de préserver ce droit en France.

APRNEWS - Les témoignages qui suivent évoquent des actes d'avortement, certains violents, et peuvent heurter la sensibilité de certaines lectrices et certains lecteurs.

"Il y a vingt ans, j’ai avorté. J’avais 19 ans et je venais de subir un viol. J’ai découvert rapidement que de ce crime avait résulté une grossesse." Enceinte de trois semaines, Floriane prend alors rapidement rendez-vous chez son médecin qui l'envoie vers un gynécologue pour un avortement médicamenteux. "Il m'était impensable de garder l'enfant de l'homme qui avait brisé une partie de ma vie."

"Psychologiquement compliqué et physiquement douloureux"

Une expérience douloureuse pour cette Tarnaise qui a dû attendre plusieurs jours avant d'y avoir accès : "La loi obligeait un délai de réflexion de 7 jours entre le premier entretien et le second lors duquel l'IVG était autorisée et encadrée. C'était traumatisant de devoir attendre si longtemps pour pouvoir expulser cet embryon."

Grâce à l'intervention d'une psychologue avec qui elle a échangé à plusieurs reprises, Floriane assure avoir réussi à tirer un trait sur cet évènement. Aujourd'hui âgée de 39 ans et maman de trois enfants, elle refuse d'entendre les pro-vie déplorer que l'avortement soit devenu un acte anodin : "La vie fait que j'ai dû avorter une seconde fois, il y a une dizaine d'années. J'étais alors avec mon mari actuel et le mode de contraception que nous avions choisi n'était pas efficace. J'ai eu une grossesse qui n'était ni prévue ni voulue. J'ai décidé d'avorter. Ça reste psychologiquement compliqué et physiquement douloureux."

En 2001, à 26 ans, Alice est tombée enceinte. Sous pilule microdosée, elle a mis plusieurs semaines à s'en rendre compte : "J'avais des règles artificielles. J'étais fatiguée et ma poitrine avait poussé, mais j'ai laissé traîné." Ce n'est qu'à son retour de vacances, qu'elle se décide à consulter : "Et là, ça a été très compliqué. J'ai pris rendez-vous à l'hôpital pour une consultation, mais le souci c'est que la secrétaire médicale, à qui j'avais notifié mon désir d'avorter, ne m'a jamais inscrite sur le planning de l'obstétricien. Quand je me suis pointée le jour du rendez-vous, personne ne m'a reçue."

"Il ne voulait pas d'enfants et ses amis lui avaient dit de me laisser tomber"

Ce manège s'est répété à plusieurs reprises. "Un jour, j'ai fini par appeler mon généraliste. Il a contacté lui-même l'hôpital pour que je sois reçue." Problème : le délai des 12 semaines est alors passé : "L'obstétricien et de la psychologue ont tout de même accepté de me recevoir en urgence. Ils ont pris des risques énormes pour me permettre d'avoir accès à l'intervention. Aujourd'hui encore je les remercie."

Des risques énormes, Renata en a pris aussi. À 27 ans, quelques années avant l'entrée en vigueur de la Loi Veil, elle est tombée enceinte de celui qui deviendra, cinq mois plus tard, son premier mari : "Lui ne voulait pas d'enfants et ses amis lui disaient de me laisser tomber. Moi, je ne voulais surtout pas me retrouver fille-mère." Elle trouve alors un médecin qui lui "fait des piqûres" qui ne fonctionnent pas. Renata se renseigne dans son entourage : "Beaucoup de mes amies et de mes collègues avaient déjà avorté. Autour de moi, il n'y avait que ça. Et moi, le jour où j'ai débuté ma vie sexuelle, j'ai commencé à mettre de côté au cas où car je savais que ça coûtait très cher !"  C'est sa collègue du Trésor public qui lui donnera le nom d'un infirmier parti se former en Suisse.

Renata prend contact : "J'ai avorté en 1969, sur une table de cuisine, curetage à vif, et rebelote 8 jours après car j'attendais des faux jumeaux et il ne s'en était pas aperçu. Je ne vous dis pas ce que j'ai enduré." Un acte qu'elle ne regrette pas. En 1971, elle a accouché de son unique enfant : "À côté de ce que j'avais subi sur cette table de cuisine, c'était comme une lettre à la Poste." 

Source : la dépêche