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APRNEWS - Chine : Xi Jinping se fait réélire avec 100% des voix et durcit sa diplomatie

Xi Jinping, Chine
Jeudi, 16 mars 2023

APRNEWS - Chine : Xi Jinping se fait réélire avec 100% des voix et durcit sa diplomatie

APRNEWS - Un proche nommé Premier ministre, un ministre des Affaires étrangères pas vraiment partisan de l'apaisement, une réélection validée à l'unanimité... Le président chinois semble avoir réussi à amoindrir le pouvoir de groupes avec lesquels il devrait composer.

APRNEWS - Chaque mois de mars, à Pékin, l'un des principaux objectifs de la réunion de l'Assemblée nationale populaire est de présenter les politiques que le gouvernement chinois entend mettre en avant pendant les douze mois à venir. Cette année, il est un domaine où les dirigeants chinois ont tenu à montrer un évident raidissement: la diplomatie. Le budget de ce secteur va être augmenté de 12%, afin de développer l'influence de la Chine dans le monde. Mais, il s'agit aussi d'affirmer une position particulièrement raide et défensive, principalement face aux États-Unis.

Le 6 mars, deuxième jour de la session de l'Assemblée chinoise qui s'est tenue du 4 au 13 mars, le président Xi Jinping est venu devant une commission de cette instance. Il a parlé à huis clos devant des délégués, et le service de presse de l'Assemblée a fait savoir que le secrétaire général du Parti communiste avait déclaré que «des pays occidentaux, menés par les États-Unis, ont mis en œuvre une politique tout azimut d'endiguement, d'encerclement et de répression de la Chine, ce qui a entraîné des défis sans précédent pour le développement [chinois]».

Face à Washington, Pékin durcit encore le ton

Pour le président, il y a là des changements rapides qui l'amènent à ajouter que, pour la Chine, «les facteurs incertains et imprévisibles ont considérablement augmenté». À Pékin, on a donc décidé de durcir le ton face aux Américains qui, récemment, ont abattu un aérostat chinois soupçonné d'espionnage au-dessus de leur territoire et ont multiplié les sanctions à l'encontre des producteurs de semi-conducteurs.

Le lendemain, le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a donné une conférence de presse, comme le veut la coutume lors des sessions de l'Assemblée nationale populaire. Mais à la différence des autres années, les journalistes occidentaux en poste à Pékin n'étaient pas autorisés à y assister.

Les dépêches de Xinhua, l'agence de presse officielle, montrent toutefois que Qin Gang n'a pas l'intention de pratiquer une diplomatie apaisante à l'égard de Washington. «La diplomatie chinoise est bienveillante et amicale. Cependant, quand des loups les bloquent et les attaquent, les diplomates chinois n'ont d'autres choix que de “danser avec les loups” et de défendre la patrie»a-t-il notamment lancé.

Le ministre a également dénoncé le «pari risqué» des États-Unis qui, estime-t-il, se sont lancés non pas dans une concurrence avec la Chine mais dans «une répression» et «un confinement»«Si les États-Unis ne freinent pas, mais continuent d'accélérer sur la mauvaise voie, aucun garde-fou ne pourra empêcher le déraillement. La relation tournera inévitablement au conflit et à la confrontation. Qui en subira les conséquences catastrophiques?»a-t-il prévenu.

Vers une diplomatie musclée?

À propos de l'Ukraine, Qin Gang a ensuite mis en cause les États-Unis sans les nommer, considérant qu'une «main invisible» semble alimenter le conflit pour «servir un certain agenda politique». Mais, alors que Washington met en garde Pékin contre des livraisons d'armes à Moscou, le ministre chinois, tout en déplorant de tels soupçons, a tenu à souligner la vigueur du «partenariat» sino-russe: «Plus le monde devient turbulent, plus les relations Chine-Russie doivent aller de l'avant», a-t-il ainsi insisté.

Pékin, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, montre ainsi qu'elle ne craint pas de pratiquer une forme de diplomatie musclée. Les partisans d'une Chine très active en matière économique mais silencieuse sur la scène internationale n'ont plus la majorité dans les hautes sphères du Parti communiste chinois (PCC). Désormais, avec le soutien de Xi Jinping, les diplomates partisans d'affirmer vigoureusement les positions chinoises sont surnommés en Chine les «loups guerriers», et ils ont le vent en poupe.

En dehors de cette prestation à l'allure offensive, l'Assemblée nationale populaire a pour fonction de se pencher sur des sujets touchant à la gestion de l'économie et de l'administration du pays. Certaines séances ne donnent lieu à aucun compte rendu, d'autres sont suivies d'une rencontre entre des ministres ou de hauts fonctionnaires et des journalistes.

Cette année, au cours des séances de commissions, trente-cinq projets de lois ont été présentés en détail aux délégués. Certains étaient regroupés sous des titres rappelant que la Chine est une démocratie populaire: «L'édification d'une économie de marché socialiste de haut niveau» ou encore «La transformation de la Chine en une puissance culturelle socialiste». Mais il y a aussi des appellations plus neutres, comme «L'amélioration du bien-être de la population» ou «La poursuite du développement vert».

Nouvelles technologies, personnes âgées, invasion de Taïwan...

Parmi les présentations rendues publiques, il a été annoncé, le 8 mars, qu'allaient être créées à Pékin de nouvelles administrations dont le rôle sera de «réguler» les secteurs financiers et technologiques, afin de prévenir un risque de déstabilisation. Xi Jinping en a parlé en estimant qu'il n'était pas possible de «déléguer du pouvoir sans supervision, sinon il y a un risque de détonation».

Par ailleursles délégués ont été invités à observer de près un projet qui vise à permettre au ministère des Sciences et des Technologies de mieux gérer les capacités chinoises dans le numérique. Pékin estime cette réorganisation nécessaire pour renforcer la recherche et développement dans le pays, face aux restrictions imposées par les États-Unis.

Un lieutenant-général est venu déclarer «qu'en vue de réaliser la réunification nationale», l'armée chinoise devait absolument «renforcer son étude du combat urbain».

D'autres questions très différentes ont également été traitées lors de cette session parlementaire. Le gouvernement chinois a notamment présenté, le 7 mars, une loi destinée à l'amélioration des soins aux personnes âgées et des services domestiques. Il s'agit de mieux coordonner l'action des nombreuses institutions qui gèrent le vieillissement de la population chinoise. Des regroupements d'administrations sont prévus tandis qu'une Université des séniors de Chine (SUC) vient d'être créée. Elle offre des cours, notamment d'éducation au patrimoine et à la recherche scientifique.

Autre exemple de sujet abordé, le 8 mars, par une commission de l'Assemblée: les moyens militaires nécessaires pour s'emparer de l'île nationaliste de Taïwan. Un lieutenant-général nommé Ma Yiming est venu déclarer «qu'en vue de réaliser la réunification nationale»l'armée chinoise devait absolument «renforcer son étude du combat urbain». Le haut gradé a précisé que 90% de la population taïwanaise réside dans des villes.

Xi Jinping réélu avec zéro vote contre et zéro abstention

Ensuite, le 10 mars, l'Assemblée nationale populaire s'est retrouvée en séance plénière. Ce jour-là, Xi Jinping, 69 ans, a été réélu pour un nouveau mandat de cinq ans au poste de président de la République, fonction qu'il occupe depuis dix ans et pour laquelle il était le seul candidat.

Fait exceptionnel, les 2.952 délégués présents à l'Assemblée ont tous voté en faveur de cette prolongation alors qu'en général, il s'élève une poignée de voix contre et quelques abstentions. Après ce scrutin parfaitement unanime, trois militaires en uniforme se sont avancés au pas de l'oie jusqu'à un pupitre où ils ont déposé un exemplaire de la Constitution chinoise. Xi Jinping s'est approché et a déclaré, levant le poing droit, la main gauche posée sur le document: «Je jure d'être […] loyal à la patrie et au peuple […] et de travailler dur à l'édification d'un grand pays socialiste moderne qui soit prospère, fort, démocratique, plus civilisé et harmonieux».

Le lendemain de cette déclaration solennelle, Le Quotidien du peuple, le journal du PCC, a publié un éditorial en première page affirmant que «Xi est digne d'être le cœur du Parti, le grand leader du peuple. Il est digne d'être le timonier du navire du grand renouveau de la nation chinoise». De son côté, l'agence de presse officielle Xinhua indique, dans une dépêche en date du vendredi 10 mars, que «les dirigeants du monde ont adressé leurs félicitations à Xi Jinping».

Mais en réalité, il n'y a guère que trois chefs d'État cités. Thongloun Sisoulith, le président du Laos, qui est aussi secrétaire général du Comité central du Parti révolutionnaire populaire lao, s'est notamment dit «fermement convaincu que, sous la solide direction du Comité central du PCC avec Xi Jinping à sa tête, le peuple chinois […] fera avancer la voie chinoise vers la modernisation sur tous les fronts»Kim Jong-un, le secrétaire général du Parti des travailleurs de Corée, considère quant à lui que «les relations traditionnelles d'amitié et de coopération entre la République populaire démocratique de Corée et la Chine continueront de s'approfondir, conformément à l'aspiration commune des deux partis et des deux peuples».

Mais le plus chaleureux de ces messages de félicitation est signé Vladimir Poutine. Le président russe a ainsi adressé «ses sincères félicitations à son cher ami Xi», estimant que celui-ci «jouit d'un grand prestige et que les stratégies qu'il a formulées […] pour sauvegarder les intérêts de la Chine sur la scène internationale ont gagné le soutien du peuple chinois». Allusion, peut-être, à une demande d'aide à l'offensive russe en Ukraine, il s'est ensuite dit «convaincu qu'avec les efforts conjoints des deux parties, la coopération entre la Russie et la Chine dans divers domaines continuera à donner des résultats fructueux».

Li Qiang, un Premier ministre très proche du président

Le lendemain, samedi 11 mars, Li Qiang a été désigné Premier ministre. C'est un proche du président chinois, à la différence de Li Keqiang, qu'il remplace. Lorsque Xi Jinping était gouverneur de la province du Zhejiang, de 2002 à 2007, Li Qiang était son directeur de cabinet. Si l'homme n'a jamais exercé de responsabilités gouvernementales, il était secrétaire général du Parti communiste à Shanghaï depuis 2017. Sa gestion a pu être critiquée en 2022 lorsque s'y est répandue une épidémie de Covid.

Malgré cela, à 63 ans, il a été élu Premier ministre par 2.936 voix, mais avec trois contre et huit abstentions. Curieusement, les journalistes ont été priés de quitter les tribunes de presse au moment de ce vote. Quand ils ont pu revenir, ils ont vu Xi Jinping et Li Qiang assis côte à côte, arborant de larges sourires.

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Lundi 13 mars, la session de l'Assemblée nationale populaire a tenu sa réunion de clôture. Le président Xi Jinping a effectué un bref discours de conclusion où il a parlé de sécurité«fondement du développement» de la Chine et de «la stabilité, condition préalable de la prospérité» avant d'enchaîner sur un thème militaire: «Nous devons promouvoir de manière globale la modernisation de la défense nationale et de l'armée, et construire l'armée populaire en un grand mur d'acier qui protège efficacement la souveraineté, la sécurité et les intérêts de développement du pays.» Des thèmes qui pourraient occuper une place importante dans la positions chinoises durant les années à venir.

La tradition veut également que le dernier jour de session parlementaire, le Premier ministre donne une conférence de presse. Li Qiang s'est donc prêté à l'exercice pour la première fois dans sa nouvelle fonction. Le visage ouvert et souvent souriant, l'index parfois pointé vers les nombreuses caméras, il a répondu aux questions que des journalistes avaient préalablement dû soumettre au ministère des Affaires étrangères.

Le système mis en place par Xi Jinping semble avoir réussi à amoindrir fortement le pouvoir de groupes
avec lesquels, traditionnellement, le chef de l'État chinois devait composer.

Sur le plan économique, il a évité tout triomphalisme, indiquant qu'«atteindre un objectif de croissance d'environ 5% ne sera pas facile [...] et demandera beaucoup d'efforts», affirmant toutefois que la Chine bénéficie d'un grand marché intérieur et d'entreprises dynamiques, notamment à l'export. Quant au comportement des États-Unis à l'égard de la Chine, Li Qiang a affirmé que «l'encerclement et la répression ne sont pas des solutions». Selon lui, les deux pays «peuvent et doivent coopérer».

Le nouveau Premier ministre, qui va avoir à gérer le ralentissement de l'économie chinoise, a souligné que «tous les pays connaissent des difficultés et [que] le peuple chinois a toujours surmonté les siennes». Il a par ailleurs insisté sur l'ouverture économique du pays. «C'est une politique d'État fondamentale, a-t-il affirmé. Et malgré l'évolution de la situation extérieure, la Chine poursuivra cette politique.»

Une opposition silencieuse

Tout au long de cette session parlementaire, les dirigeants chinois pensent avoir présenté les orientations politiques et économiques qu'ils vont suivre pendant un an. Cette façon de faire le point auprès de délégués qui sont très majoritairement membres du Parti communiste fait partie du fonctionnement démocratique tel qu'il est conçu en Chine.

Aucune opposition n'est autorisée à s'exprimer. Le système de pouvoir mis en place par Xi Jinping et ses proches semble avoir réussi à amoindrir fortement le pouvoir de groupes plus ou moins organisés avec lesquels, traditionnellement, le chef de l'État chinois devait composer. Ce qui amène d'autres formes d'opposition populaire à se manifester en Chine, en dehors du Parlement.