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APR NEWS - Royaume-Uni : Les effets du Brexit amplifient la crise économique

Brexit - crise économique - finance
Jeudi, 9 juin 2022

APR NEWS - Royaume-Uni : Les effets du Brexit amplifient la crise économique

APRNEWS - Alors que Boris Johnson s’apprête à ferrailler de nouveau contre l’Union européenne, la City et les entreprises britanniques continuent de payer les pots cassés

APRNEWS - Ayant survécu à une motion de défiance de députés de son Parti conservateur, au terme d’une procédure lancée après le scandale du « Partygate », Boris Johnson s’apprête à remobiliser ses troupes en relançant les hostilités avec l’Union européenne. Il pourrait dénoncer, dès lundi, le protocole nord-irlandais, instaurant ainsi une frontière douanière entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, quitte à renier sa signature.

Les fêtes du Jubilé de la reine Elizabeth II à peine terminées, le retour à la réalité a été dur pour les Britanniques, confrontés le week-end dernier à une situation chaotique dans les transports. Plusieurs centaines de vols ont été annulés au dernier moment par les compagnies aériennes pénalisées, comme les gestionnaires d’aéroports, par une pénurie de main-d’œuvre. Sadiq Khan, le maire de Londres, a pointé du doigt le Brexit et appelé à alléger les règles en matière d’immigration, afin de faire revenir des travailleurs européens et d'éviter un été difficile. Ce à quoi, le ministre des Transports, a répondu qu’avoir recours à des employés bon marché n'était pas la solution. Pour couronner le tout, des grèves sont prévues dans le secteur ferroviaire et le métro de Londres.

Plus globalement, les indicateurs économiques ne sont pas bons. « La Banque d’Angleterre (BoE) met en garde contre une possible récession au second semestre. Nous pensons que la croissance du PIB ne devrait pas dépasser les 3,5 % en 2022. Cette moyenne masque le fait que la croissance sur l’ensemble de l’année est presque entièrement due à la reprise exceptionnelle de 7 % en 2021, et au rebond économique qui s’est poursuivi durant le premier trimestre de 2022 », écrivent les économistes de la banque Lombard Odier. L’inflation atteignait 9 % en glissement annuel à fin avril, un plus haut depuis quarante ans ! Et la hausse des prix n’est pas terminée avec un bond de 42 % du prix du gaz programmé en octobre. Loin de s’attaquer au déficit budgétaire (14,8 % du PIB) comme prévu, le chancelier de l’Echiquier a dû dégager 15 milliards de livres (17,6 milliards d’euros) pour aider les ménages les plus vulnérables.

« Effets de second tour ». Certes, le taux de chômage en mai s’est établi à 3,7 %, mais le taux d’emploi est encore à un niveau d’avant-pandémie. Le mois dernier, près de 1,3 million de postes n'étaient pas pourvus ! « C’est un nombre très important ! Cela pousse les salaires et les prix. Ce que l’on appelle les effets de second tour », explique Hannah Scobie, présidente de l’European Economics and Financial Center, invitée par le Cross Channel Institute, un think tank franco-britannique. Le moral des chefs d’entreprise n’est pas non plus au beau fixe. Selon un sondage réalisé par la Chambre de commerce britannique, 68 % des exportateurs et 70 % des importateurs se plaignent d’une paperasserie grandissante du fait du Brexit.

« Une compagnie comme Amazon refuse désormais de livrer à Londres un produit commandé en Italie ! Et il y a beaucoup d’anomalies de ce type »

L’Office national de la statistique britannique a changé ses modes de calcul, rendant plus difficile la comparaison des échanges entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Mais selon les chiffres officiels, les exportations britanniques vers l’UE ont baissé de 0,8 % au premier trimestre par rapport aux trois mois précédents alors que les importations européennes bondissaient de 23,6 % en valeur. « Notre pays n’a imposé aucune restriction, mais les entreprises européennes ne se bousculent pourtant pas au portillon, sans doute par anticipation. Même une compagnie comme Amazon refuse désormais de livrer à Londres un produit commandé en Italie ! Et il y a beaucoup d’anomalies de ce type. Les effets induits par le Brexit continuent à se faire sentir, on en découvre chaque jour de nouveaux », relève Hannah Scobie.

Délocalisations. Tel que dressées par celle qui est aussi professeur d'économie à l’University of London, les conséquences sur l’activité de la City sont spectaculaires. Du fait de la fin du passeport financier, du nombre réduit d'équivalences et dans l’attente de la signature du protocole d’accord sur la réglementation financière, les délocalisations continuent. Plus de 440 firmes — banques, assurances et gestionnaires de fonds — ont déménagé tout ou partie de leurs opérations et équipes sur le continent pour pouvoir continuer à y intervenir. Quelque 1300 milliards de livres ont quitté les rives de la Tamise.

S’il n’y a eu que 7 000 départs individuels sur plus d’un million de salariés dans le secteur, le nombre de créations d’emplois a ralenti quand il a doublé à Paris, principal bénéficiaire du Brexit en matière d’effectifs. Le volume des transactions boursières a, en revanche, quasiment quadruplé à Amsterdam, qui a récupéré les échanges d’actions européennes auparavant traitées à Londres. Les Etats-Unis sont aussi devenus le premier débouché à l’export (35 %) des services financiers britanniques devant l’UE (31 %). Même si la prédominance mondiale de la City n’est pas remise en cause, la concurrence devient plus rude. Et loin de s’apaiser, les relations avec Bruxelles risquent de se dégrader plus encore si Boris Johnson remet en cause, comme attendu, sa signature de l’accord nord-irlandais.

Source : L'opinion