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APR NEWS : les filles attribuent leurs échecs à un manque de talent - analyse

Talent - fille - Echecs
Mercredi, 30 mars 2022

APR NEWS : les filles attribuent leurs échecs à un manque de talent - analyse

APRNEWS - Presque partout dans le monde, les filles sont plus susceptibles que les garçons d’attribuer leurs échecs à un manque de talent, révèle une étude.

APRNEWS - Quel amer constat fait par Clotilde Napp et Thomas Breda, deux chercheurs du CNRS, dans la revue Science Advances : dans la quasi-totalité des 72 pays qu'ils ont étudié, les filles sont plus susceptibles que les garçons d’attribuer leurs échecs à un manque de talent.

Cours d'anglais (classe 1ère S) dans un lycée

Dans les pays "développés", les normes de genre ne disparaissent pas mais semblent se reconfigurer

De tels stéréotypes concernant le soi-disant "manque de talent des filles" ont déjà été explorés par le passé. Mais ces nouveaux travaux sont d'autant plus percutants qu'ils reposent sur une enquête de large ampleur : l'étude internationale PISA. Celle de 2018 (elle est réalisée tous les trois ans), portant sur 500.000 jeunes âgés de 15 ans à travers plus de 70 pays, demandait en particulier aux étudiants de réagir à l'affirmation "quand j’échoue, j’ai peur de ne pas avoir assez de talent". Résultat : dans 71 des 72 pays étudiés (sauf l'Arabie saoudite), même à performances égales, les filles sont plus enclines à attribuer leurs échecs à un manque de talent que les garçons, qui sont eux plus susceptibles d’incriminer des facteurs externes !

Les différences sont plus prononcées parmi les "bons" élèves, "ce qui paraît naturel concernant un stéréotype de moindre talent", précisent les auteurs dans un communiqué. En revanche, contrairement à leurs attentes, les différences sont plus prononcées dans les pays dits "développés", donc plus "riches et égalitaires". En effet, au sein des pays de l'OCDE (dont fait partie toute l'Europe occidentale, les Etats-Unis, le Japon, etc.), 61% des filles ont répondu être d'accord avec cette affirmation, contre 47% des garçons - soit un écart de 14%. Dans les pays hors OCDE, cet écart était toujours présent, mais près de deux fois moins prononcé (8%).

Dans les pays "développés", les normes de genre ne disparaissent pas mais semblent se reconfigurer : on y reconnaît en effet davantage de compétences aux filles que dans d'autres pays, mais on leur attribue en revanche moins de talent, relativement aux garçons. "Cela pourrait en partie s'expliquer par le fait que les pays plus développés sont très tournés vers la réussite individuelle et accordent une plus grande importance à la notion même de talent, laissant ainsi plus de place au développement de stéréotypes s'y rapportant", estiment les chercheurs.

Le "plafond de verre" auquel se heurtent les femmes pour accéder aux postes les plus élevés

Selon cette étude, il existe une forte corrélation entre les stéréotypes de moindre talent des filles et trois des différences beaucoup étudiées par le passé entre les filles et les garçons, en particulier en lien avec l'existence du "plafond de verre" : les différences de confiance en soi, d'attrait pour la compétition et de choix d'orientation. Dans les pays où les stéréotypes de moindre talent des filles sont plus forts, les filles ont moins confiance en elles, comparativement aux garçons, elles sont moins compétitives et également moins disposées à travailler dans des professions "élitistes" et à prédominance masculine, les empêchant d'accéder aux postes les plus élevés. Un constat qui fait écho aux propos d'Anne Boyé, la présidente de l’association femmes et mathématiques, qui nous expliquait dans un précédent article de Sciences et Avenir publié en mars 2022 que les mathématiques, vues comme une discipline "élitiste", peinaient à "séduire" les filles au lycée car elles ont longtemps été associées aux milieux masculins. "En France, l’enseignement des mathématiques a été pensé par les hommes et pour les hommes. Inconsciemment dans les têtes s’est forgée l’idée que les mathématiques sont une discipline masculine", analyse Anne Boyé.

Alors, que faire pour faire bouger les mentalités ? "Mettre moins l'accent sur l'idée que le talent serait quelque chose d'inné et davantage sur le fait qu'il s'acquiert à force de s'entraîner, d'essayer et d'échouer, permettrait sans doute de réduire ces stéréotypes et, avec eux, un certain nombre d'inégalités de genre", proposent les auteurs.

Source : Science et Avenirs