Vous êtes ici

Back to top

APR NEWS : A Kharkiv, un couple français bloqué : « Avec deux bébés de vingt jours »

Guerre Ukraine - Ressortissants - Fuite
Mercredi, 2 mars 2022

APR NEWS : A Kharkiv, un couple français bloqué : « Avec deux bébés de vingt jours »

APRNEWS - Au septième jour de l’invasion russe de l’Ukraine, les frappes se succèdent sur Kharkiv, où Jacky et son compagnon sont coincés avec leurs deux nouveau-nés. Lundi, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a fait savoir que la France ne pourrait « pas apporter d’assistance sur la route » aux ressortissants.

APRNEWS - Une détonation, puis des pleurs. Voilà sept jours que le quotidien des nourrissons de Jacky et son compagnon est rythmé par les bombardements russes sur la ville de Kharkiv, la deuxième ville du pays, située à trente kilomètres de la frontière avec la Russie.

Mercredi 2 mars, dans la matinée, au moins quatre personnes ont été tuées et neuf autres blessées dans des bombardements russes ayant visé le siège des services de sécurité et une université de la ville, ont fait savoir les secours ukrainiens.

Jacky et ses deux nourrissons, nés d’une GPA, le 10 février, à Kharkiv, en Ukraine, où ils sont bloqués sous les bombardements.

« Mardi matin, la menace s’est rapprochée encore un peu plus : un missile russe a été tiré sur la mairie, à 300 mètres de l’immeuble où nous sommes retranchés avec nos jumeaux », raconte au téléphone Jacky, ressortissant français arrivé avec son compagnon en Ukraine le 8 février, pour la naissance, deux jours plus tard, de leurs deux nourrissons, nés d’une GPA.

« On est totalement abandonnés par l’ambassade », déplore Jacky, à qui les autorités françaises ont conseillé, le jour du déclenchement de la guerre, jeudi 24 février, « de rester en sécurité ». Lundi 28 février, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a fait savoir que la France ne pourrait « pas apporter d’assistance sur la route » aux ressortissants, évoquant toutefois « une opportunité », mais sans garantie de sécurité, pour ceux basés à Kiev. Concernant la situation précise du couple, le Quai d’Orsay n’a, pour l’heure, pas répondu à nos sollicitations.

Le jour du déclenchement de la guerre, Jacky et son compagnon ont bien tenté de regagner Kiev. Malgré des billets en main, le couple n’a pas pu monter dans les trains bondés. « Aujourd’hui, la seule solution qu’on nous donne, c’est de prendre la route, à nos risques et périls », déplore Jacky, à plus de 1 200 kilomètres de la frontière polonaise, « notre seule chance de quitter le pays ».

« Avec deux bébés de vingt jours, nous ne pouvons pas partir en voiture », s’inquiète-t-il, en réclamant que des convois soient envoyés à Kharkiv pour acheminer les ressortissants français en lieu sûr. « Notre famille est prête à venir nous chercher en Pologne », précise le père de famille, qui souhaite regagner Lviv, à l’ouest du pays, près de la frontière polonaise, où l’ambassade de France a été transférée.

« Ça bombarde sans cesse »

Depuis que leurs enfants sont sortis de la maternité, le 15 février, le couple venu du Lot-et-Garonne est engagé dans une course contre la montre pour rentrer en France. « La première difficulté a été d’obtenir l’état civil des enfants », confie le père de famille, qui s’est rendu dans plusieurs mairies autour de Kharkiv dans le but d’obtenir des papiers. En vain. « A l’époque, plusieurs mairies ukrainiennes faisaient l’objet de cyberattaques russes, aucun document n’a pu nous être délivré », explique Jacky, qui décrit un sentiment de déréliction face à l’inaction de l’ambassade de France pour leur venir en aide.

Vingt jours après leur naissance, les jumeaux n’ont toujours pas d’état civil. « La France nous donne trente jours pour les déclarer », s’alarme Jacky, qui a tenté à plusieurs reprises de quitter le pays. « Très rapidement, avant même que la guerre soit déclarée, l’espace aérien ukrainien a été fermé », rapporte le père de famille. « Pour nous, c’était trop tard. »

Le couple a appris le déclenchement de la guerre en étant réveillé par les premiers bombardements sur la ville et les pleurs de leurs bébés. « Depuis, ça bombarde sans cesse, jour et nuit », confie-t-il, décrivant les bruits incessants des mitraillettes et des bombardements aériens.

« Avec les explosions de ce matin, on sent l’odeur de la poudre des bombes depuis notre appartement », raconte celui qui partage avec son compagnon un repas par jour, chaque soir. Tous deux assurent avoir déjà perdu plusieurs kilos, faute de provisions suffisantes.

Pénurie de lait infantile

Surtout, ils redoutent de manquer de nourriture pour leurs enfants. Jacky a traversé la ville de nuit, en plein couvre-feu, pour récupérer du lait en poudre auprès d’un Ukrainien, informé de leur situation grâce à une connaissance en France. « Il n’y a presque plus de lait infantile dans la ville, hormis dans une poignée de pharmacies », raconte-t-il, alors que Kharkiv est placée sous couvre-feu de 16 heures à 6 heures du matin.

Depuis le début de la guerre, les paiements par carte bancaire ne sont pas possibles dans la ville et les distributeurs ont été vidés, rapporte le couple, qui manque désormais de liquidités. « Il nous reste deux jours et demi de provision en lait », s’inquiète le compagnon de Jacky, qui souhaite garder l’anonymat. Seul dans son immeuble, éclairé à la bougie à la nuit tombée « pour ne pas être repéré », le couple dort avec ses nouveau-nés dans l’unique pièce dépourvue de fenêtre.

Une page Facebook, « Aidons une famille bloquée en Ukraine », a été créée pour les soutenir, appelant les internautes à écrire au président de la République, Emmanuel Macron, dans le but d’accélérer leur rapatriement. « Nous avons reçu le soutien de maires et d’eurodéputés mais aucune réponse des autorités », commente le père de famille en citant des messages d’élus. Dimanche 27 février, le centre de crise basé à Paris assurait au Monde se tenir informé de la situation des Français restés en Ukraine. Selon une source diplomatique, il y a toujours un peu plus de 1 000 Français présents sur le territoire ukrainien, plus qu’anticipé car plusieurs centaines d’entre eux ne s’étaient pas enregistrés avant la guerre lancée par la Russie.