Vous êtes ici

Back to top

APR NEWS - Burkina Faso : un rescapé de la mine de Perkoa témoigne

Mine - témoignage - rescapé
Jeudi, 2 juin 2022

APR NEWS - Burkina Faso : un rescapé de la mine de Perkoa témoigne

APRNEWS - Au Burkina Faso, les opérations de recherche se poursuivent pour tenter de retrouver les corps des deux mineurs encore pris au piège dans l'éboulement de la mine de zinc de Perkoa, une localité située à centaine de kilomètres à l'ouest de Ouagadougou.

APRNEWS - Il accuse les responsables de la mine d’être à l’origine de l’accident lorsque ceux-ci ont décidé de faire exploser une zone de la mine par où se sont engouffrées les eaux de pluie qui ont submergé les galeries, provoquant la mort sans doute de huit mineurs. 

Témoignage 

Je suis découragé et je risque de pleurer face à votre caméra.

Après une réunion, il y a eu une explosion à ciel ouvert. J’étais en train de charger mon camion quand mon superviseur m’a appelé.

De l’eau descendait dans les fosses. J’ai démarré et j’ai croisé le courant d’eau qui n’était pas encore assez fort.

On m’a demandé de bloquer l’eau pour dévier son passage.

J’ai essayé en vain. À chaque fois l’eau emportait le sable.

J’étais ensuite face à un courant d’eau assez fort que je n’ai jamais vu.

Ne trouvant pas d’issue, je suis entré dans une galerie en attendant que le courant d’eau soit moins fort. J’étais obligé de passer par les issues de secours

L’électricité et la communication étaient coupées.

Un dumper était stationné. J’ai utilisé sa radio pour émettre un appel. On m’a informé que même le restaurant était inondé. J’ai dit au département en charge de la sécurité que je vais remonter via les issues de secours. Je n’avais pas de radio portable.

En remontant au quatrième niveau j’ai retrouvé le superviseur, un expatrié et son assistant. Ils étaient également bloqués ; l’issue de secours étant inondée. Nous avons passé près de 3 heures à ce niveau. Nous ne savions pas où aller et l’eau entrait dans nos bottes. A force de reculer nous nous sommes adossés au mur. J’étais en train de faire mes dernières prières. En prenant des risques, l’eau pouvait nous emporter.

Entre temps la pression de l’eau a baissé. C’est ainsi que j’ai décidé de partir avant que le niveau de l’eau ne monte à nouveau.

A l’aide d’une barre à mine, nous avons pu trouver une issue de sortie en empruntant une autre voie.

J’étais avec mon superviseur sur un chemin avec moins d’eau. Nous avons croisé l’assistant et son opérateur qui avaient emprunté une autre voie. C’est ainsi qu’on a pu sortir.

Je remercie le Seigneur. C’est Dieu qui m’a aidé.

Quand le contremaître est descendu, il n’y avait plus de communication au niveau de la première chambre de refuge. Il est remonté et a appelé pour dire qu’il n’y avait personne à ce niveau. J’étais hors des galeries et j’écoutais la radio depuis le bureau.

Quand il a dit que l’eau était au niveau 520…Je me suis dit que c’etait une mauvaise nouvelle. Où les huit mineurs étaient, ils ne pouvaient même pas atteindre la chambre de refuge.

Quand on évoquait la possibilité qu’il y ait des gens à la chambre de refuge, je me suis demandé qui ils ont contacté et qui a répondu qu’ils étaient assis là-bas ?

L’erreur vient des responsables de la mine. Où l’eau est passée pour inonder la mine ne devait pas être dynamité.

Cela fait 9 ans que je travaille à la mine de Perkoa. L’eau n’est jamais rentrée avec autant de force à cet endroit. L’eau passe toujours par d’autres issues pour être évacuée.

Quand ils ont décidé d’exploser le minerai à ciel ouvert à cet endroit, je leur ai fait cas de ma préoccupation. Je leur ai demandé s’il n’y avait pas de risques au vu de la saison pluvieuse qui s’annonçait ? Ils m’ont rassuré que non qu’ils allaient remblayer les fissures avec du ciment. L’eau est passée dans les galeries et finalement personne ne s’y attendait. Il était déjà trop tard quand ils l’ont su. On ne pouvait plus sauver quelqu’un. Nous aurions tous pu y rester. C’est Dieu qui nous a sauvé. Si c’était dans la nuit et si tout le monde était dans la fosse, toute l’équipe allait périr.

L’erreur vient des responsables. Ils ne peuvent pas le nier. Je ne profite pas de votre micro pour en parler. Même devant les juridictions, je tiendrai les mêmes propos au risque de me faire licencier. J’irai chercher un emploi ailleurs.

Dans les fosses se trouvaient mes trois oncles, mes deux petits frères et mon meilleur ami celui qui m’a formé (Charles BAMA). Quand on est en équipe, on

travaille, nous sommes tous de la même famille. Je souhaite qu’on fasse sortir les corps pour que chaque parent retrouve son fils

Source : Dw