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Alcoolisme: Un médicament diminue l’envie de boire

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Mardi, 27 mars 2018

Alcoolisme: Un médicament diminue l’envie de boire

LESOIR - Le Baclofène, controversé, prouve son efficacité. Six patients sur dix réduisent leur consommation. Mais il manque de médecins pour aider les milliers de malades.

C'est une excellente nouvelle dans un domaine thérapeutique où les solutions ne sont pas légion et où la guérison est longue et difficile : de nouvelles études prouvent l’efficacité du Baclofène dans la lutte contre l’alcoolisme chronique. Elles viennent d’être présentées au congrès d’alcoologie de Paris, alors que les dernières informations à ce sujet étaient décevantes : en décembre dernier, une étude publiée par la revue European Neuropsychopharmacology estimait qu’il n’y avait « pas de preuves » de son efficacité .

Mais simultanément se déroulaient deux études françaises dont l’issue était attendue avec impatience. En effet, le débat était rude entre ceux qui estiment que le produit n’est pas efficace et que le seul effet constaté est un effet placebo et d’autres qui ont expérimenté l’efficacité du produit. On se souviendra de l’impact du livre du docteur Olivier Ameisen qui, étant lui-même sévèrement alcoolique, s’est administré de fortes doses de baclofène et affirma avoir fait l’expérience d’une suppression totale de la dépendance à l’alcool. Il est décédé depuis.

Les résultats présentés aujourd’hui lui rendent en quelque sorte hommage. La première étude, « Bacloville », menée auprès de 320 patients, montre une réduction de la consommation d’alcool de l’ordre de 56,8 % contre 35,8 % pour le placebo. En matière de jours d’abstinence, le Pr Philippe Jaury, coordinateur de l’essai, souligne « une différence significativement positive en faveur des utilisateurs du baclofène », tous les mois. Mais elle reste modeste.

Menée également auprès de 320 patients, l’étude Alpadir montre une réduction significative de la consommation d’alcool, de l’ordre 55 grammes par jour (vs 44g pour le groupe placebo). Chez les patients les plus à risques, l’impact s’avère davantage marqué (89g par jour vs 74g dans le groupe placebo).

«Un résultat énorme»

L’ampleur de l’effet placebo peut surprendre : cela signifie que des patients qui ont reçu un « faux médicament » sans le savoir mais qui ont reçu tous les signes authentiques de l’attention d’une équipe médicale envers leur sevrage ont diminué considérablement leur consommation d’alcool alors même qu’ils ne bénéficiaient pas des effets de la molécule. « Tout ce qui concerne l’alcool est très émotionnel », explique le docteur Thomas Orban, spécialiste « alcool » de la Société Scientifique de Médecine Générale. « Cela signifie que l’on peut accompagner le patient. 56 % de gens aidés effectivement, c’est énorme pour une molécule en alcoologie, où l’on ne dispose pas de nombreux outils. Cela signifie que, contrairement à ce que dit l’adage, un alcoolique n’est pas foutu à vie, qu’il y a quelque chose à faire et que cela fonctionne souvent. Seuls ceux qui croient au miracle rêvaient d’une molécule qui aurait fonctionné dans 100 % des cas ».

Paradoxalement, c’est précisément parce que les attentes envers la molécule ont été cette fois davantage réalistes que les deux essais ont engrangé de meilleurs résultats. La molécule qui, comme celle du prof Tournesol, sèvre définitivement le capitaine Haddock, n’existe que dans les bédés. Dans la réalité, il faut être davantage réaliste. «La communication et la perception sociale autour du baclofène ont profondément changé chez les médecins comme chez les malades», constate le professeur Christophe Reynaud, qui a participé à l’essai Alpadir. «Les patients avaient davantage tendance à réclamer une réduction de la consommation et les médecins ne les poussaient pas à rester absolument abstinents (durant l’essai). Au final, seulement 10 % d’abstinents sont recensés dans la cohorte Alpadir. Si l’effet placebo apparaît important dans ces études, on s’en réjouit. On a intérêt à avoir un médicament, même modérément actif, qui permette la croyance du patient en sa prise en charge».

Comment fonctionne le Baclofène?

Le Baclofène est un dérivé de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). C’est un myorelaxant qui agit au niveau de la moelle épinière comme agoniste du récepteur GABAB inhibant les réflexes des synapses et donc favorisant la relaxation des muscles squelettiques. Mis au point en 1962, il est utilisé contre des troubles musculaires et contre les effets de la sclérose en plaques. Curieusement, comme il agit en activant les récepteurs GABAB, il partage certains de ses effets indésirables avec la drogue GHB, dite « drogue du viol », qui agit par le même mécanisme. Toutefois, le Baclofène n’a pas d’affinité significative pour le récepteur GHB-R, ce qui pourrait expliquer l’absence de dépendance que montre le médicament.