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Afrique : les 4 grands défis qui attendent nos décideurs publics en 2021

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Samedi, 16 janvier 2021

Afrique : les 4 grands défis qui attendent nos décideurs publics en 2021

L’année 2020 a marqué l’économie mondiale par son lot de crises aussi imprévisibles les unes que les autres. En Afrique, elle a surtout éprouvé la capacité d’adaptation et de résilience des Etats, dont les dirigeants ont dû se retrousser les manches pour faire face aux difficultés qui se sont présentées à eux. Alors que 2021 annonce pour le continent une multitude de nouveaux projets, la persistance de certaines crises internationales devrait rendre encore plus délicat le travail des décideurs publics qui doivent en même temps renforcer leurs économies et protéger les populations. Tour d’horizon de quatre grands défis auxquels feront face nos dirigeants en Afrique en 2021.

Eradiquer le coronavirus

L’élimination de la pandémie de covid-19 est sans aucun doute le premier défi auquel devront faire face les Etats africains, cette année. La pandémie a officiellement touché en Afrique 3,1 millions de personnes et causé 74 444 décès pour 2,5 millions de guérisons. Et si le continent reste à ce jour le moins touché par le virus, l’accélération rapide des contaminations ces dernières semaines, n’est pas de nature à rassurer les décideurs publics.

En 2020, la pandémie a plongé la plupart des économies du continent dans une récession historique, stoppant net l’élan pris ces dernières années par les pays africains. En octobre, les prévisions de la Banque mondiale indiquaient que pour la première fois depuis 25 ans, l’Afrique subsaharienne enregistrerait une contraction de 3,3% de son économie, n’épargnant que quelques pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Kenya.

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Pour mettre fin à cette pandémie, les pays africains ont donc multiplié les commandes de vaccins auprès des fabricants internationaux, dans le cadre notamment de l’initiative Covax de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), visant à fournir plus de 2 milliards de doses de vaccins aux pays en développement, d’ici fin 2021. En décembre dernier, l’Angola et le Kenya ont ainsi commandé respectivement 12 millions et 24 millions de doses de vaccins contre la covid-19. Le 10 janvier, l’archipel des Seychelles est devenu le premier pays du continent à lancer une campagne de vaccination massive de sa population. L’objectif affiché par la majorité des nations du continent est d’immuniser dans l’immédiat, une large partie de la population contre le virus, de 20% au Kenya, à 67% en Afrique du Sud.

Outre son éradication sur le plan strictement sanitaire, il faudra aussi relever les défis sociaux imposés par le coronavirus. D’après la Banque mondiale, jusqu’à 40 millions d’Africains pourraient basculer dans l’extrême pauvreté en raison de la pandémie. Une situation que devront absolument éviter les gouvernements africains qui tablent déjà sur une reprise économique pour l’année 2021, et espèrent attirer à nouveau d’importants flux d’investissements directs étrangers.

Rendre (enfin) opérationnelle la ZLECAf

Initialement prévue en juillet 2020, l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) avait dû être reportée à 2021, à cause du coronavirus. Devenue officiellement opérationnelle le 1er janvier 2021, le principal défi des pays africains est de la rendre effective sur le terrain, surtout compte tenu des obstacles qui se dressent devant elle.

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Ultime projet de marché unique du continent africain, la ZLECAf vise à rassembler 1,3 milliard de potentiels consommateurs pour un PIB estimé à 3400 milliards $. Dans le cadre de l’accord qui l’a créée, les pays membres se sont engagés à éliminer progressivement 90 % des lignes tarifaires au cours des cinq à dix prochaines années, afin de créer une véritable zone de libre-échange. 7% de ces lignes jugées « sensibles » feront l’objet de négociations spéciales, tandis que 3% ne seront pas comprises dans le processus de libéralisation.

Plusieurs experts ont indiqué qu’il faudra plusieurs années pour rendre totalement opérationnel ce marché unique censé donner un énorme coup de boost au commerce africain. L’un des principaux défis concernant sa mise en œuvre est la réalisation des infrastructures nécessaires pour faciliter l’interconnectivité des différents marchés dans la sphère économique africaine. D’après la Banque africaine de développement (BAD), le continent a besoin en moyenne de 170 milliards $ par an pour combler son déficit infrastructurel. Hormis cela, l’autre principal défi qui se pose aux dirigeants africains est celui de l’harmonisation de leurs intérêts parfois divergents en matière commerciale. Cela s’est non seulement manifesté à travers les réticences de plusieurs pays à signer l’accord portant création de la ZLECAf, mais également à travers les tensions commerciales qui ont marqué l’année 2020, notamment entre le Nigeria, le Bénin et le Niger.

Dans de récentes sorties médiatiques, les responsables du secrétariat de la ZLECAf se sont néanmoins montrés confiants concernant l’effectivité de la mise en œuvre de la zone. « Il y a des pays qui sont prêts et nous allons commencer par ceux-là. D’autres se sont fortement engagés et nous sommes sûrs qu’ils suivront bientôt », a déclaré Wamkele Mene, secrétaire général de la ZLECAf. Selon Silver Ojakol, son chef de cabinet, 90% des règles d’origine (qui permettent de déterminer l’origine des marchandises qui entrent sur un territoire douanier) ont déjà été approuvées par les pays et les 10% restants ainsi que la plupart des programmes de réduction tarifaires devraient être convenus d’ici le mois de juillet 2021.

Arrêter la progression du terrorisme

Inscrit dans l’agenda politique et sécuritaire de plusieurs pays africains ces dernières années, la lutte contre le terrorisme est devenue un défi majeur pour le continent. En raison de son impact grandissant dans la vie des populations africaines, la question a plusieurs fois été au menu des sommets de l’Union africaine, et d’autres organisations régionales.

En 2021, le défi de la lutte contre le terrorisme en Afrique se jouera sur plusieurs fronts. Le premier est le Sahel qui a été marqué ces deux dernières années par une résurgence des attaques de groupes terroristes tels que Boko Haram (Tchad, Cameroun, Niger), Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ou l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS).

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Les bouleversements ou changements politiques qui ont marqué la région en 2020 auront un impact conséquent sur la manière dont les gouvernements du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) réussiront à contenir l’avancée des terroristes. S’il faut composer avec une probable réduction des effectifs de la force Barkhane dans les prochains mois, les pays sahéliens et leurs partenaires internationaux devront également mettre les bouchées doubles pour l’opérationnalisation de la force Takuba prévue pour regrouper les forces spéciales en provenance de plusieurs pays européens, mais qui peine à se mettre en place.

L’arrivée au pouvoir du nouveau président américain, Joe Biden, de l’autre côté de l’Atlantique pourrait offrir une certaine garantie à la poursuite de la coopération américaine dans la région, après les menaces de retrait proférées par l’administration de Donald Trump. Mais surtout, le plus grand défi à relever dans la région concerne la pleine opérationnalisation de la force G5 Sahel, en semi-léthargie depuis sa création en 2014, par manque de financement.

Le deuxième front sur lequel se jouera cette année, la lutte contre le terrorisme sur le continent est l’Afrique australe. Depuis 2017, le Mozambique fait face à une insurrection djihadiste menée par des groupes armés se réclamant de l’Etat Islamique. Selon l’ONU, leurs attaques ont déjà fait des milliers de morts et plus de 530 000 déplacés. Mais surtout, elles ont commencé à s’étendre à d’autres pays de la région, une première attaque ayant visé fin 2020, le village tanzanien de Kitaya. Pour contrer l’avancée des terroristes qui sont surtout actifs dans le nord du pays, Maputo a signé une alliance avec la Tanzanie et l’Union européenne, auxquelles veulent s’ajouter le Zimbabwe et la France.

Gérer la crise climatique

Selon les statistiques, 2016 et 2020 ont été les années les plus chaudes jamais enregistrées au niveau mondial. En Afrique, ces bouleversements se sont manifestés sous diverses formes en 2020. Episodes prolongés de sécheresse en Afrique australe et dans la Corne de l’Afrique, inondations en Afrique de l’Ouest, invasions de criquets en Afrique de l’Est, toutes ces situations ont été coûteuses en vies humaines, et ont également détruit les cultures et moyens de subsistance de millions de personnes.

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Si l’année écoulée a vu la lutte contre le changement climatique être quasiment reléguée au second plan en raison de la covid-19, 2021 devrait marquer un changement de cap surtout avec l’annonce de nouvelles intempéries sur le continent. Réunis lors du One Planet Summit le 11 janvier dernier, les pays du continent et leurs partenaires internationaux ont déjà donné le ton des nouvelles actions qui seront mises en place pour lutter contre le changement climatique. En tout, 14,2 milliards $ ont été promis pour financer l’Initiative de la Grande Muraille verte pour le Sahel et le Sahara, dont 5 milliards $ d’investissements annoncés par la Banque mondiale et 6,5 milliards $ sur cinq ans programmés par la BAD pour faire progresser ce projet historique.

Reste à espérer que l’année 2021 donnera plus de place aux actions qu’aux promesses, pour un continent qui compte sept des dix pays les plus vulnérables au changement climatique dans le monde, alors qu’il n’émet que 4% des gaz à effet de serre.

Agence ecofin