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Afrique : 200 coups d'État en 70 ans

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Lundi, 21 janvier 2019

Afrique : 200 coups d'État en 70 ans

APRNEWS-Le putsch raté du 7 janvier dernier au Gabon n'a rien fait pour libérer l'Afrique de sa mauvaise réputation en matière de stabilité politique. Depuis 1950, pas moins de 204 coups d'État y ont été commis; de ce nombre, près de la moitié ont permis à leurs auteurs d'atteindre leur objectif, au moins temporairement.

C’est ce qu’indiquent les données compilées sur une base continue par les politologues Jonathan Powell, de l’Université de Floride centrale, à Orlando, et Clayton Thyne, de l’Université du Kentucky, à Lexington, auxquelles nous avons ajouté l’information relative à la récente attaque contre l'autorité du président gabonais Ali Bongo, hospitalisé au Maroc.

Les deux chercheurs définissent les coups d’État comme des « tentatives illégales et manifestes de l'armée ou d'autres élites au sein de l'appareil d'État de renverser le pouvoir en place ». Ainsi, l'armée n'a pas à être l'instigatrice de l'opération pour qu'il s'agisse d'un coup d'État.

« L'aspect illégal est important, car c'est ce qui différencie les coups d'État des pressions politiques, qui sont courantes lorsque les citoyens sont libres de s'organiser », soutiennent-ils.

Et, pour MM. Powell et Thyne, on peut parler d'un putsch réussi quand il permet un changement de main du pouvoir de plus de sept jours.

Exactement 100 coups d’État survenus en Afrique depuis 1950 répondent à ces conditions.

Il y a eu neuf coups d'État réussis dans les années 1950. Puis, dans les années 60, 70, 80 et 90, ce sont une quarantaine de tels soulèvements qui ont été comptabilisés par décennie.

C’était une période de mouvance qui suivait l’accession à l’indépendance de plusieurs pays, souligne Jonathan Powell. « Les conditions menant fréquemment à des coups, comme la pauvreté et une faible performance économique, y étaient réunies », note-t-il aussi.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le président américain Franklin D. Roosevelt et le premier ministre britannique Winston Churchill avaient négocié la Charte de l’Atlantique, qui jetait les bases du monde de l'après-guerre. Celle-ci stipulait que les colonies d’Afrique – un continent que les puissances européennes s’étaient partagé à la fin du 19e siècle – devaient devenir autonomes. Le droit à l'autodétermination des peuples avait également été inclus dans la Charte des Nations unies.

Parallèlement, plusieurs leaders africains, dont l’éducation avait été assurée par les puissances impériales, avaient entrepris de militer en faveur de la souveraineté de leurs nations. Plusieurs avaient été sensibilisés à cette idée en étudiant dans des universités occidentales.

Le mouvement s’est véritablement amorcé en 1956 avec le Soudan, même si quelques pays d’Afrique étaient déjà souverains. La Tunisie, le Maroc, le Ghana et la Guinée ont suivi de 1956 à 58. Et dans la seule année 1960, 17 autres nations, la plupart des colonies françaises, accédaient à l’indépendance. Au tournant des années 80, une cinquantaine de pays étaient décolonisés.

Depuis le début du millénaire, de moins en moins de putschs ont lieu en Afrique.

Vingt-deux sont survenus dans les années 2000, et 16 jusqu’ici dans les années 2010.

Le rôle crucial de l'armée
Les forces militaires ont souvent joué un rôle actif lors de ces passations forcées du pouvoir. Mais ça ne signifie pas qu'ils en étaient nécessairement les instigateurs.

Si ce sont souvent des membres civils d’un gouvernement qui commencent un coup d’État, l’armée joue un rôle plus tard, en acceptant ou non de suivre les nouveaux dirigeants.

 Jonathan Powell et Clayton Thyne, politologues
« Par exemple, la tentative de putsch de 1962 dirigée par le premier ministre sénégalais Mamadou Dia [contre le président de la République Léopold Sédar Senghor] a échoué parce qu’il a été incapable d'obtenir le soutien de l'armée », illustrent Jonathan Powell et Clayton Thyne dans un article publié dans le Journal of Peace Research.

Deux hommes se tiennent debout à l'arrière d'une voiture décapotable.

Le soutien des militaires est donc crucial. Ça n'implique cependant pas pour autant que c'est chaque fois un régime militaire qui s'installe.

« Le coup d'État de 2005 en Mauritanie, par exemple, a conduit à des élections auxquelles il a été interdit aux militaires de se présenter, rappellent MM. Powell et Thyne. Ainsi, bien que ce soient les actions de l'armée qui ont entraîné la chute du régime de [Maaouiya Ould Sid'Ahmed] Taya, celle-ci n'a pas mis en place un gouvernement de son choix. »

À l'opposé, instaurer un régime militaire est exactement ce qu'a voulu faire le capitaine Amadou Haya Sanogo au Mali en mars 2012. Il a dirigé un putsch militaire contre le président Amadou Toumani Touré et s'est emparé du pouvoir. Toutefois, sous les pressions internationales, il a cédé les rênes du pays au président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, moins de deux semaines plus tard.

475 coups d'État en 70 ans

Dans le monde entier, 475 putschs réussis ou ratés sont survenus depuis 1950.

Si l’Afrique domine largement le palmarès des continents, à ce chapitre, elle est suivie de l’Amérique du Sud, avec 95 tentatives de prise du pouvoir par la force, dont 40 réussies.

La Bolivie, au centre de ce continent, est le pays qui compte le plus grand nombre de coups d'État au monde depuis 1950, soit 23; 11 ont occasionné un changement de leadership qui a tenu pendant au moins une semaine.

Dans l'ensemble des Amériques, on parle de 145 coups d'État, dont 70 ont réussi.

Toutefois, aucun coup d’État n’y est survenu depuis celui du Venezuela en 2002. L’attaque contre la présidence d’Hugo Chavez avait alors échoué.


Avec Radio-Canada