ÀPRNEWS: Une partie des électeurs noirs tourne le dos aux démocrates
Les démocrates sont en passe de remporter la majorité de l’électorat noir. Mais le soutien n’est pas autant au rendez-vous que lors des élections précédentes, révèle un sondage.
La vice-présidente Kamala Harris a amélioré la position du Parti démocrate parmi les électeurs noirs depuis que le président Biden a quitté la course à la présidence, mais elle est encore loin des chiffres de 2020 pour cette partie de l’électorat américain, qui a été essentielle pour la victoire de Joe Biden il y a quatre ans, révèle un sondage du New York Times/Siena College.
Près de 8 électeurs noirs sur 10 ont déclaré qu’ils voteraient pour Mme Harris, selon le sondage, ce qui représente une nette augmentation par rapport aux 74 % d’électeurs noirs qui ont affirmé qu’ils soutiendraient M. Biden avant qu’il se retire de la course, en juillet dernier.
Mais M. Biden a gagné 90 % des votes des électeurs noirs pour conquérir – de justesse – la Maison-Blanche en 2020. Et le déclin de Mme Harris, s’il se maintient, est suffisamment prononcé pour mettre en péril ses chances de remporter les États clés.
Les démocrates ont misé sur un raz-de-marée de soutien de la part des électeurs noirs, attirés par la possibilité d’élire la première présidente noire et par l’hostilité envers l’ancien président Donald Trump. Sa remise en question de l’identité raciale de Mme Harris, ses commentaires sur les « emplois noirs » et sa diabolisation des immigrés haïtiens ont propulsé la longue histoire d’attaques racistes de Donald Trump sur le devant de la scène de la campagne.
Une partie des hommes noirs soutiennent M. Trump
Mme Harris est sans aucun doute en passe de remporter une majorité écrasante d’électeurs noirs, mais M. Trump n’a pas encore dit son dernier mot. Sa campagne s’est appuyée sur des publicités ciblées et des évènements de sensibilisation pour courtiser les électeurs afro-américains – en particulier les hommes noirs – et a enregistré un regain de soutien.
Environ 15 % des électeurs noirs qui ont dit qu’ils se rendraient probablement aux urnes ont indiqué qu’ils prévoyaient voter pour l’ancien président, selon le nouveau sondage, soit une augmentation de six points de pourcentage par rapport à il y a quatre ans.
L’érosion du soutien à Mme Harris s’explique en grande partie par la conviction croissante que les démocrates, qui ont longtemps célébré les électeurs noirs comme la « colonne vertébrale » de leur parti, n’ont pas tenu leurs promesses, révèle le sondage. Quarante pour cent des électeurs afro-américains de moins de 30 ans ont déclaré que le Parti républicain était plus susceptible de respecter ses engagements de campagne que les démocrates.
« Ils balaient les restes de la table et nous les donnent comme si nous étions des chiens, en disant : “Ceci est pour vous” », lance LaPage Drake, 63 ans, de Cedar Hill (Texas), près de Dallas, à propos du Parti démocrate. « Et nous, nous applaudissons comme des otaries dressées. »
M. Drake, propriétaire d’une entreprise d’abattage d’arbres, appuiera M. Trump.
« Peu importe que les gens le qualifient de raciste ou je ne sais quoi, il est pour les États-Unis », a dit M. Drake.
Les femmes noires soutiennent fortement la vice-présidente, à hauteur de 83 %. Douze pour cent des femmes noires ont indiqué qu’elles soutiendraient M. Trump, et 5 % sont indécises. Mais le changement par rapport aux chiffres de M. Biden en 2020 chez les hommes noirs est frappant : 70 % d’entre eux ont déclaré qu’ils voteraient pour Mme Harris en novembre, contre 85 % pour M. Biden en 2020. Cette tendance correspond à l’écart observé entre les hommes et les femmes dans l’électorat américain en général, mais elle est relativement nouvelle chez les électeurs noirs.
À la reconquête de l’électorat noir
Malgré les efforts continus de M. Trump pour convaincre les électeurs afro-américains qu’ils étaient mieux sous sa présidence, plus d’électeurs noirs affirment aujourd’hui que les politiques de l’administration Biden-Harris les ont aidés, comparativement à février 2024. Et ils sont nettement moins nombreux à dire que les politiques de M. Trump les ont aidés.
À Pittsburgh, jeudi soir, l’ancien président Barack Obama a lancé un appel direct aux hommes noirs qui hésiteraient à soutenir Mme Harris, suggérant que beaucoup « n’aiment tout simplement pas l’idée d’avoir une femme à la présidence » et leur rappelant que « les femmes dans nos vies nous ont toujours soutenus ».
Les alliés de Mme Harris soulignent le travail qu’elle a accompli en tant que vice-présidente pour réduire le chômage des Noirs, stabiliser les coûts des soins de santé et augmenter le financement des collèges et universités historiquement noirs comme autant d’exemples d’un effort concerté et tangible en faveur des communautés noires. Lors d’entrevues récentes, Mme Harris a déclaré qu’elle savait qu’il n’était pas acquis que les électeurs afro-américains lui offriraient leur soutien.
Afin d’atteindre ces électeurs, l’équipe de campagne de Mme Harris a entamé une tournée des collèges et universités historiquement noirs et a commencé au cours de la fin de semaine à faire pression sur les électeurs noirs croyants dans les États clés. Mme Harris a également cherché à impliquer les hommes noirs par le biais d’évènements et d’entretiens avec des médias non traditionnels, notamment lors d’une récente apparition dans le balado All the Smoke, animé par Matt Barnes et Stephen Jackson – deux anciens joueurs de basketball professionnels.
La vice-présidente devrait aussi participer mardi à Detroit à un évènement organisé par l’émission de radio matinale The Breakfast Club, a confirmé vendredi l’un des animateurs de l’émission, Charlamagne tha God. Cette émission souscrite à l’échelle nationale est populaire auprès des milléniaux noirs.
Les électeurs afro-américains ont une opinion beaucoup plus favorable de Mme Harris personnellement que de M. Trump ; 75 % d’entre eux ont déclaré que Mme Harris s’occuperait mieux des questions qui leur tiennent à cœur. Seuls 17 % d’entre eux estiment que M. Trump le ferait.
« Je pense qu’elle est plus capable de faire ce qu’il faut que lui », estime William Cox, 47 ans, chauffeur de camion à Greensboro (Caroline du Nord), « Elle défend davantage les intérêts de ma famille. »
Certains discours de M. Trump séduisent les électeurs noirs
Mais sur des questions spécifiques, les électeurs noirs sont divisés. Cinquante-six pour cent d’entre eux jugent que les États-Unis devraient accorder moins d’attention aux problèmes à l’étranger et se concentrer sur les problèmes à l’intérieur du pays – une position qui reflète davantage les opinions de M. Trump que celles de Mme Harris. Quarante pour cent des électeurs noirs sont favorables au mur frontalier de M. Trump, et 41 % soutiennent l’expulsion des immigrants en situation irrégulière – une mesure que M. Trump a déclaré vouloir appliquer massivement. Ces chiffres sont inférieurs aux 52 % qui s’opposent à cette proposition, mais ils représentent quand même une part non négligeable de l’électorat noir.
M. Trump, qui a terminé sa campagne avec une rhétorique visant de plus en plus à diaboliser l’immigration, évoque fréquemment l’image faussée d’une criminalité galopante dans les villes du pays, alimentée par les immigrants sans papiers. En réalité, la criminalité violente dans les villes américaines a baissé.
Mais 47 % des électeurs afro-américains ont déclaré que la criminalité dans les grandes villes était devenue incontrôlable, se rangeant donc apparemment du côté des représentations de M. Trump. Quarante-deux pour cent se disent d’accord avec une formulation plus modérée de la question : « La criminalité est un problème majeur dans les grandes villes, mais elle n’est pas hors de contrôle ».
Cependant, les difficultés rencontrées par Mme Harris avec les électeurs afro-américains reposent sur la même question qu’avec d’autres groupes : l’économie. Près des trois quarts des électeurs noirs jugent l’économie passable ou mauvaise, et l’économie et l’avortement sont considérés comme leurs préoccupations les plus pressantes.
Plus de 7 électeurs noirs sur 10 ont réduit leurs dépenses d’alimentation en raison de leur coût ; 56 % d’entre eux ont dit qu’ils devaient le faire fréquemment.
Au total, 78 % des électeurs noirs ont déclaré que leur couleur de peau constituait toujours un obstacle important pour eux, et 21 % d’entre eux croient que le Parti démocrate n’a pas de solution à proposer pour surmonter ces obstacles.
Ce qui pourrait aider Mme Harris, cependant, c’est la réputation durable de son parti d’aider les personnes de couleur à faible revenu, qui persiste encore auprès d’un large éventail d’électeurs noirs.
« Les choses s’améliorent lorsque nous avons des présidents démocrates », a déclaré Queneshia Baldwin, 34 ans, employée de soins à domicile à Norwood (Caroline du Nord), qui a ajouté qu’elle voterait pour Mme Harris. « Je pense que le problème vient plutôt des républicains. »
À propos du sondage : Ce sondage a été réalisé auprès de 589 électeurs noirs du 29 septembre au 6 octobre 2024, dans le cadre d’un sondage national effectué auprès de 3385 électeurs.