APRNEWS: » Pour la défense du premier de la classe » Venance Konan

APRNEWS: » Pour la défense du premier de la classe » Venance Konan

Konan rend hommage au professeur Cowppli-Bony, président honoraire d'un parti, et exprime un soutien à son successeur, un leader politique qui a renoncé à la nationalité française pour le bien de son peuple. Il souligne les sacrifices et les difficultés endurés par ce leader, comparant son engagement à celui de Jésus. L'auteur critique également les chefs Baoulé pour leur incompréhension quant à la nationalité de Tidjane Thiam, soulignant que c'est Thiam lui-même qui a pris la nationalité française en 1987. Le texte met en lumière les luttes et les sacrifices du premier de la classe pour son pays, tout en questionnant la perception des chefs Baoulé sur cette question.

Je voudrais ici, avant tout, rendre hommage au professeur Cowppli-Bony, un grand homme pour qui j’avais beaucoup de respect et d’affection, et qui, à une certaine époque, eut aussi de l’affection pour moi. Il a rejoint ses ancêtres dans le « blolo » de la cosmogonie de chez lui, c’est-à-dire l’autre monde, celui que les yeux des hommes non-initiés ne peuvent voir. Qu’il y trouve la paix, et s’il doit revenir dans ce monde-ci, qu’il y revienne encore meilleur.
Les militants du parti dont le professeur Cowppli-Bony était le président honoraire s’apprêtent à organiser une grande manifestation de soutien à leur président en exercice, le premier de la classe, celui qui déjeunait avec la reine d’Angleterre. Ils ont raison de le faire et, avant qu’ils n’aillent affronter les gaz lacrymogènes, les coups de matraques et peut-être les poursuites et la prison en cas de dérapage, comme c’est souvent le cas lors de nos manifestations, qu’ils sachent qu’ils ont tout mon soutien. Parce que celui pour qui ils vont marcher sous le soleil ou peut-être sous la pluie a fait un grand sacrifice pour eux. Oui, il a renoncé à la nationalité française. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte. Vous imaginez toutes les difficultés qu’il y a à avoir cette nationalité. Vous savez combien ils sont nombreux, ces Ivoiriens, ces Africains qui ne rêvent que d’une seule chose, avoir un visa français. Mais le saint-graal dont tout le monde rêve, c’est cette merveilleuse nationalité qui non seulement vous dispense du visa, mais fait de vous un quasi élu de Dieu. Et le premier de la classe, qui avait réussi à l’obtenir parce qu’il était très brillant, trop brillant pour un pays aussi sombre que le nôtre, y a renoncé. Oui, il a fait ça pour vous. C’est presque comme Jésus qui s’était livré à ses bourreaux pour sauver ceux qui croient en lui. Très grand sacrifice en effet. Il est désormais obligé de se contenter de la sombre nationalité ivoirienne. Quel malheur !
Mais avant cet ultime sacrifice qu’il a fait pour vous, il avait souffert dans sa chair. Parce que le président Houphouët-Boigny, dans sa cruauté, l’avait obligé à rester vivre en France, alors qu’il voulait venir dans son pays. Pourquoi ? Parce que les études qu’il avait faites étaient trop brillantes pour notre sombre pays. C’est lui qui l’a dit. Ainsi donc Houphouët-Boigny préférait payer très cher des polytechniciens français ou d’autres pays pour venir construire son pays, plutôt que de faire travailler son propre compatriote, qui plus est, était de sa famille. Le premier de la classe a aussi souffert après le coup d’Etat, car il a dû s’exiler pendant 23 ans, pour fuir les kalachnikovs. Bédié lui-même qui avait été renversé par le coup d’Etat est revenu au pays un an après. Lui, il lui a fallu 23 ans pour se remettre du bruit des kalachnikovs. Alassane Ouattara qui a failli être tué avec son épouse à leur domicile qu’ils ont vu partir en fumée est revenu vivre au pays, le sillonner. Mais lui que personne ne poursuivait, a mis 23 ans pour se remettre du bruit des kalachnikovs.
J’ai lu dans des journaux que des chefs Baoulé disent qu’ils ne peuvent pas accepter l’exclusion du premier de la classe de la liste électorale. Parce que « si Tidjane Thiam n’est pas Ivoirien, cela signifierait que son grand-oncle Félix Houphouët-Boigny ne fût pas Ivoirien, auquel cas le peuple de Yamoussoukro ne serait pas ivoirien, et par ricochet le peuple Baoulé non plus n’est pas Ivoirien. » Chefs, je crois qu’on ne vous a pas bien expliqué les choses. C’est Tidjane Thiam lui-même qui, en 1987, a pris la nationalité française. Demandez-lui si c’est faux. C’est donc lui-même qui a renoncé à la nationalité ivoirienne, parce que son grand-oncle Houphouët-Boigny avait fait voter une loi en 1961 pour dire que celui qui va prendre la nationalité d’un autre pays n’est plus Ivoirien. Renseignez-vous pour savoir si c’est vrai ou faux. Les habitants de Yamoussoukro ont-ils tous demandé la nationalité d’un autre pays ? Les Baoulé ont-ils tous demandé la nationalité d’un autre pays ? Pourquoi ne seraient-ils plus Ivoiriens ? En quoi les actes posés par Tidjane Thiam devraient -ils engager tous les habitants de Yamoussoukro ou tous les Baoulé ? Ce sont eux qui lui ont dit de changer de nationalité ? Que voulez-vous à la fin ? Que l’on piétine la loi d’Houphouët-Boigny ou qu’on la respecte ? Chefs, dites-nous ce qu’il faut faire.
Venance Konan

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