APRNEWS: Paul Biya entretient le suspense
Le président du Cameroun aura 92 ans lors de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025. Il n’a nulle raison pourtant de détromper le désir de ses partisans de l’y voir concourir.
S’agit-il d’un coup de communication, d’un galop d’essai pour tester l’opinion ? Toujours est-il que lors de son discours de fin d’année, au soir du 31 décembre 2024, le président Paul Biya, bientôt 92 ans, n’a pas écarté la possibilité de solliciter le suffrage universel cette année. L’homme occupe son fauteuil depuis 1982.
L’année qui débute, a-t-il déclaré à ses concitoyens, sera « pleine de défis ». Et dès lors, a-t-il assuré « ma détermination à vous servir demeure intacte et se renforce au quotidien, face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés ». S’agit-il d’un acte de candidature ou, comme le soupçonnent certains Camerounais, une tentative de verrouiller les velléités de candidatures avant de présenter son poulain ? Lequel pourrait être son propre fils, Franck Emmanuel.
La récente réforme de la Société nationale d’investissement constituera un « véritable levier stratégique de promotion des investissements productifs au Cameroun » et l’essor du secteur industriel « constitue la clé de voûte de l’émergence économique à laquelle notre pays aspire légitimement ».
En 2018, Paul Biya avait remporté les dernières élections avec 71,8 % des voix contre 14,2 % pour son principal opposant, Maurice Kamto – officiellement sur les rangs pour 2025 –, qui avait dénoncé des cas de fraude. Voilà qui l’autorise aujourd’hui à se déclarer attentif aux sollicitations de ses partisans, en dépit des appels de plus en plus nombreux à son départ. « Je suis particulièrement sensible au soutien massif que vous n’avez cessé de m’apporter toutes ces années », a soutenu Paul Biya ; une phrase interprétée comme un acte de candidature.
Du point de vue politique, Paul Biya reste le candidat naturel du parti au pouvoir, le RDPC, et rien ou presque ne semble entamer la détermination de ses partisans. Ni les accusations de corruptions et d’atteintes aux droits de l’homme qui émanent des ONG, ni le poids de l’âge et les rumeurs récurrentes de soucis de santé. Ces derniers mois, d’ailleurs, le Président aurait passé un temps très long en Suisse avant de regagner le Cameroun pour s’y présenter en public et faire taire les rumeurs.
Un Président fatigué ?
En novembre, les militants du RDPC ont voté en faveur d’une nouvelle candidature de Paul Biya lors de la présidentielle d’octobre 2025. En revanche, les voix de l’opposition commencent à se faire de plus en plus entendre, ainsi que celles de la société civile. Tel Mgr Samuel Kleda, archevêque de Douala, qui a jugé au micro de RFI que la candidature de Paul Biya en 2025 est « irréaliste », à la vue de la situation sociale et politique que traversent la majorité des Camerounais.
Selon l’opposant Jean Michel Nintcheu (Social Democratic Front) une candidature Biya « serait même une provocation, parce qu’on sait très bien que M. Biya ne dirige plus le Cameroun. Il est fatigué, il n’arrive même plus à se mettre debout. Et on sait très bien que cette situation a conduit à une multiplication de clans qui, en réalité, dirigent le Cameroun ».
Au cours de son allocution Paul Biya, après avoir défendu son bilan économique, a reconnu que le Cameroun avait besoin d’« améliorer sa gouvernance ».
Ce qui signifie « aussi amplifier la lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics. C’est garantir une sécurité juridique aux investissements privés. C’est assurer la protection de la propriété foncière, où certaines dérives ont été constatées », a justifié le Président. Qui a promis que « des sanctions appropriées seront infligées aux auteurs des infractions qui seront établies ».
D’autre part, Paul Biya a présenté quelques projets économiques et sociaux. En matière d’agriculture, par exemple, il juge que les décisions récentes visant à réduire le déficit de la balance commerciale commencent à porter leurs fruits. Il a annoncé le démarrage imminent du technopole agro-industriel de Ouassa-Babouté, près de Nkoteng, qui sera consacré à la production et à la transformation des céréales, des tubercules, du lait et de ses dérivés.
La « frustration » des usagers de la route
Il a qualifié de « porteuses d’espoir » les perspectives dans les mines, annonçant là aussi des démarrages d’exploitation dans le fer et la bauxite. « La maitrise des circuits de commercialisation de nos minerais va accroitre le volume des ressources financières nécessaires à la réalisation de nos projets de développement ».
Dans l’industrie, l’ouverture d’une cimenterie devrait entraîner la baisse des prix du ciment, juge le Président. De son côté, la récente réforme de la Société nationale d’investissement constituera un « véritable levier stratégique de promotion des investissements productifs au Cameroun » et l’essor du secteur industriel « constitue la clé de voûte de l’émergence économique à laquelle notre pays aspire légitimement », rapporte le site investiraucameroun.
Paul Biya annonce une hausse des investissements dans les énergies hydroélectriques et photovoltaïques, ainsi que de nouvelles infrastructures routières et des chantiers de réhabilitation. Sur ce point, le Président s’est dit « conscient du sentiment de frustration » des Camerounais face à la dégradation des voiries urbaines et interurbaines.
Bref, autant de « défis » qui ne nécessitent pas, à ses yeux, un changement de Président.