APRNEWS : Musique – Yemi Alade, Reine de l’afropop

APRNEWS : Musique – Yemi Alade, Reine de l’afropop

Star sur son continent, pour sa musique mais aussi pour la représentation de la femme puissante qu’elle incarne, la chanteuse nigériane Yemi Alade assoie un peu plus son autorité sur la scène afropop avec son nouvel album Rebel Queen.

Il y a dans l’approche musicale de Yemi Alade une forme d’intelligence artistique qui relève d’une réflexion autre que la seule volonté de définir et suivre une stratégie à but commercial.

Depuis 2014 et son album King of Queens qui l’a installée d’emblée sur le trône de l’afropop avec un répertoire encore très imprégné du r’n’b américain, la chanteuse nigériane, fan de Beyonce, s’est renouvelée en s’adaptant, tout en affirmant en parallèle sa propre identité. Soit une équation complexe à résoudre, qui plus est à une période où l’industrie musicale a connu de profonds bouleversements à l’échelle de la planète.

Avec Rebel Queen, son dixième projet discographique si l’on intègre les EPs, elle continue d’insister sur les symboles autour d’un triptyque (femme/pouvoir/Afrique) décliné à l’envi et qui a habilement contribué à façonner son image.

À en croire les titres de ses précédents albums, n’était-elle pas tour à tour une femme d’acier (Woman Of Steel), une impératrice (Empress) ou Mama Africa ? Pour l’un d’entre eux, n’a-t-elle pas détourné l’expression « Kingdom Come » (« Que ton règne vienne », paroles de la prière chrétienne Notre Père) pour la féminiser en Queendom Come ?

Énergie dancehall et couleurs amapiano

Cette fois, la trentenaire veut aussi mettre en avant un autre trait de caractère, une propension à contester l’ordre établi et ne pas s’en laisser conter dont on la croit volontiers doté au regard de sa personnalité. Idéal pour embrasser une musique réputée contestataire et préparer les esprits à un duo (Peace & Love) avec Ziggy Marley.

Loin d’être un simple renvoi d’ascenseur au fils aîné de la star du reggae, qui l’avait invitée en 2021 sur une reprise de son tube Look Who’s Dancing, cette collaboration rappelle que les rythmes originaires de Kingston font partie du décor dans lequel Yemi a grandi de l’autre côté de l’Atlantique. Elle s’approprie même le patois jamaïcain, déformation créole de l’anglais, différente du pidgin nigérian, comme elle en fait la démonstration sur Bop, un des deux titres très orientés dancehall avec le remix de Baddie sur lequel elle partage le micro avec Konshens, un autre compatriote de Marley très actif sur le continent africain.

Attentive à l’évolution des sonorités en vogue, la chanteuse convertit certains essais effectués sur le EP Mamapiano (allusion à l’amapiano sud-africain) paru fin 2023, en particulier ces basses électroniques percussives reconnaissables appelées log drum qui font vibrer Ki Lo Wawa. Le hit viral Jerusalema de Master KG et Nomcebo Zikode a également laissé des traces qui peuvent s’entendre sur Tomorrow. Elle y glisse quelques paroles en swahili, une langue surtout parlée en Afrique de l’Est, qu’elle utilise en outre dans le morceau d’introduction pour souhaiter la bienvenue (Karibu) dans « [son] Afrique, [sa] maison ».

L’influenceuse influencée

Sa vision clairement panafricaine (pas si éloignée de Black is King de Beyonce auquel elle avait participé) se traduit par une proposition artistique de la même envergure, à l’image de Chairman qui sonne à la fois congolais par sa guitare et ivoirien par ses consonances – la Nigériane avait été invitée par Magic System sur l’hymne de la Coupe d’Afrique des nations, compétition de football qui s’est déroulée en Côte d’Ivoire début 2024.

Et si l’influence de la Béninoise Angélique Kidjo, modèle revendiqué et assumé, se diffuse bien au-delà d’African Woman qui marque leur troisième association sur une chanson, il ne faut pas oublier de rappeler qu’en sens inverse Yemi Alade est une référence qui inspire depuis une décennie de nombreuses jeunes artistes du continent !

Quant à considérer que ce catalogue d’emprunts plus ou moins prononcés ait été vu comme un moyen potentiel d’accéder au succès, l’argument s’avère factuellement irrecevable : bien qu’elle ait un statut de star que personne ne remettrait en cause, seul un des nombreux titres de la chanteuse parus au cours des dernières années a franchi le cap des 20 millions de vues sur Youtube, loin des 165 millions de Johnny (2014) et alors même que le streaming s’est entretemps développé.

Production majestueuse

Pour celle qui fut la marraine de l’édition 2024 du MIDƐM+ (Marché international du disque et de l’édition musicale) à Cannes, l’objectif initial est ailleurs : s’adresser au plus grand nombre, fédérer derrière une musique dans laquelle chacun trouverait des éléments auxquels se connecter en magnifiant son Afrique.

Remarquable sur le plan de la production, ce qui caractérise les œuvres de la Nigériane de manière générale, Rebel Queen laisse apparaitre dans ce domaine des choix récurrents : du chant en chorale, puissant, dégageant une impression majestueuse, quelque part entre Le Roi Lion et Black Panther ; ou encore ses sons d’instruments live dans un environnement programmé, reflétant ce mélange d’ancien et de nouveau que l’artiste a à cœur de réaliser, et qu’elle défend sur scène avec les membres de sa formation African Train.

En studio, sur l’essentiel des 16 nouveaux titres, elle s’est adjoint les services de son compatriote Vtek (Victor Kpoudosu), déjà à ses côtés dans le passé. Le musicien et producteur, récompensé par un Grammy Award pour sa prestation sur Mother Nature d’Angélique Kidjo, s’est mis au diapason de ses intentions. Partie avec humilité à la conquête du marché occidental, Yemi Alade dispose dans son jeu avec cet album, d’un nouvel atout de taille.

Aprnews avec Rfi.fr

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