APRNEWS: Le Décret de radiation de la Nationalité Française de Thiam Tidjane – Une nouvelle ère pour l’Ivoirien Exclusif

Ce 14 juillet 1983, on ne voit que lui. Tidjane Thiam fait 1,93 m. C’est lui qu’on choisit pour défiler en tête de sa promotion de Polytechnique, sur les Champs-Elysées. Le jeune homme marche sous le soleil, et le regard de sa mère, profondément émue. Trois ans plus tard, il sort major de l’Ecole des Mines. Le jeune Tidjane est promis à un avenir brillant. Mais voilà, Tidjane Thiam est noir. Et malgré ses diplômes, aucune entreprise française ne le rappelle. Ses amis chasseurs de tête le rayent de leur liste.

Épuisé par les obstacles professionnels qu’il a rencontrés, comme il l’a exprimé en 2009 dans un article pour l’Institut Montaigne, Tidjane Thiam a décidé de partir à l’étranger. L’Angleterre l’accueille à bras ouverts et le propulse au sommet. À l’âge de 52 ans, Tidjane Thiam occupe désormais le poste de directeur général de Crédit Suisse, selon l’annonce faite par la banque suisse le mardi 10 mars.

Avant de s’installer à Londres, le jeune Tidjane a exploré les possibilités d’un avenir en Afrique. En Côte d’Ivoire, il avait un parcours tout tracé. Sa mère, Marietou, est la nièce de Houphouët-Boigny, le premier président du pays, tandis que son père, d’origine sénégalaise, était ministre de l’information. En 1994, Tidjane Thiam a été nommé à la tête du Bureau national d’études techniques et de développement, le BNEDT, où il supervisait les infrastructures. Quatre ans plus tard, il a été nommé ministre du plan et a mené avec détermination la libéralisation du pays.

En décembre 1999, un coup d’État renverse le président Henri Konan Bédié en Côte d’Ivoire, entraînant Tidjane Thiam à quitter son pays natal. Selon Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Iris, Thiam était mécontent de la situation politique ivoirienne et cherchait probablement de meilleures opportunités. De retour en Europe, à son arrivée à la City, on lui fait remarquer que son principal obstacle n’est pas sa couleur de peau mais sa nationalité française.

En 2009, il devient le PDG de Prudential, devenant ainsi le premier dirigeant noir d’une entreprise du Footsie 100, l’indice principal de la bourse londonienne. Il s’intègre rapidement, conseillant à la fois Barack Obama et Kofi Annan. Une récente photo le montre, souriant, en train de serrer la main du Prince Charles, qu’il surpasse d’au moins deux têtes.

La France, après avoir souvent détourné le regard, essaie désormais de se rattraper en adoptant une attitude plus humble. Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, lui confient des missions sur l’Afrique. En 2012, c’est Jean Claude Trichet qui, comme un geste de réconciliation, remet la légion d’honneur à Tidjane Thiam. Il le décrit comme celui que la France pourrait regretter d’avoir laissé partir.

Le 19 mars 2025, un décret annonçant la radiation de la nationalité française de Thiam Tidjane sera publié dans le Journal Officiel de la République Française. Cette décision marquera une étape cruciale dans le parcours politique et identitaire de cet homme d’affaires ivoirien, qui devient ainsi un citoyen ivoirien exclusif. Ce changement survient à un moment où les tensions politiques en Côte d’Ivoire sont déjà palpables, notamment avec les élections présidentielles prévues pour octobre 2025.

Thiam Tidjane, connu pour son rôle influent dans le secteur bancaire et sa présence sur la scène internationale, avait jusqu’à présent maintenu des liens étroits avec la France, ce qui lui conférait une double nationalité. Cependant, cette nouvelle réalité pourrait modifier son positionnement politique et économique au sein du pays.

Exclusion des Candidats Notables

Ce développement coïncide avec des événements significatifs sur le plan électoral en Côte d’Ivoire. En effet, depuis le 17 mars 2025, Thiam figure sur la liste provisoire établie par la Commission Électorale Indépendante (CEI). Cependant, cette même liste a suscité une vive controverse après que plusieurs figures politiques emblématiques telles que Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Soro Guillaume Kigbafori n’y apparaissent pas.

Lors d’une conférence de presse tenue le 18 mars 2025, le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) a exprimé ses préoccupations quant à ce qu’il considère comme un processus électoral biaisé. Selon eux, environ 3,5 millions d’électeurs sont exclus de cette liste qui ne recense que 8 761 348 électeurs. Le PPA-CI dénonce également l’absence du nom de Gbagbo sur cette liste comme étant une manœuvre politique visant à affaiblir son camp.

Réactions et Mobilisation Politique

Face à ces développements inquiétants, le PPA-CI appelle ses militants à se mobiliser pour contester cette situation qu’ils qualifient de « confiscation du pouvoir ». Ils prévoient des actions de contestation et un dépôt massif de réclamations afin d’interpeller l’opinion nationale et internationale sur les risques potentiels liés aux tensions électorales en cours.

De leur côté, Soro Guillaume Kigbafori a affirmé sa détermination à participer aux élections présidentielles en déclarant : « Il n’y a pas de raison que je ne sois pas candidat aux présidentielles de 2025. Je suis prêt à diriger et à gouverner la Côte d’Ivoire ». Son programme gouvernemental est présenté comme une vision claire répondant aux aspirations fondamentales des Ivoiriens : justice, unité, prospérité et souveraineté.

La publication imminente du décret concernant Thiam Tidjane pourrait avoir des implications notables tant sur sa carrière personnelle que sur le paysage politique ivoirien. Alors que les élections approchent rapidement et que les tensions montent autour des listes électorales controversées, il est crucial pour tous les acteurs politiques impliqués d’adopter une approche constructive afin d’assurer un scrutin transparent et inclusif. Les jours qui viennent seront déterminants pour l’avenir politique non seulement de Thiam mais aussi pour celui de nombreux Ivoiriens aspirant à un changement significatif dans leur pays.