APRNEWS: L’Afrique doit-elle redouter le protectionnisme américain ?

APRNEWS: L’Afrique doit-elle redouter le protectionnisme américain ?

L’application de taxes nouvelles sur les importations aux États-Unis, généralisées ou ciblées, voire une guerre commerciale avec la Chine, aurait de lourdes conséquences pour les pays africains.  

Selon les analystes de Global Sovereign Research (GSA), une victoire de Kamala Harris à la Maison-Blanche ne devrait pas se traduire par des droits de douane supplémentaires, sauf pour certains produits liés à la transition énergétique. À l’inverse, le candidat Donald Trump a laissé entendre qu’il pourrait chercher à restreindre davantage le commerce avec la Chine ainsi qu’avec le reste du monde, en augmentant les droits de douane de 10 % sur toutes les importations.

Les États-Unis pourraient adopter des mesures tarifaires plus ciblées, se limitant à certains produits spécifiques déjà identifiés par l’administration démocrate actuelle, comme les semi-conducteurs et les véhicules électriques.

Évoquant les conséquences de son premier mandat (2017-2021), les analystes rappellent qu’en effet, le président Trump avait mis en œuvre plusieurs promesses de campagne et il aurait le pouvoir de décider de mesures protectionnistes par décret.

Lors du premier mandat, ces mesures protectionnistes américaines avaient eu peu d’effet sur les exportations africaines, hormis sur celles d’acier et d’aluminium en provenance d’Afrique du Sud et d’Égypte. Toutefois, d’après les calculs de GSA, « même si les États-Unis ne pèsent plus que 6% des exportations totales du continent, les effets directs d’une augmentation des droits de douane de 10% pourraient être cette fois plus importants ».

L’Afrique du Sud (0,3 point de pourcentage), la Libye (0,3 pt), le Ghana (0,4 pt), Madagascar (0,6 pt) et surtout le Lesotho (1,6 pt) pourraient voir leur PIB être réduit significativement en raison de ventes réduites vers les États-Unis. Outre ces effets négatifs directs, une hausse des droits de douane américains ciblant uniquement les importations chinoises de 60% pourrait avoir plusieurs effets indirects sur les économies africaines.

À l’inverse, quelques produits exportés par un nombre restreint de pays africains pourraient bénéficier d’effets de substitution. Sachant que beaucoup de pays exportant des matières premières vers la Chine seraient pénalisés si la croissance y était moins dynamique que prévu.

Enfin, si la Chine ne parvenait pas à écouler aux États-Unis certaines marchandises du fait du protectionnisme accru, elle pourrait être tentée d’exporter davantage de ces biens en Afrique et ainsi venir concurrencer les acteurs africains, qu’il s’agisse des voitures électriques en Égypte, ou des panneaux solaires en Afrique du Sud, au Nigeria et au Maroc.

 

Les atouts de Djibouti

En cas de taxes protectionnistes, les pays africains dont l’ouverture commerciale est élevée relativement à leur PIB et ceux exportant le plus vers les États-Unis seraient logiquement les plus pénalisés. Les principaux partenaires commerciaux des États-Unis, selon la valeur des exportations, sont l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Égypte et l’Algérie. Selon le pourcentage des exportations vers les États-Unis par rapport aux exportations totales de chaque pays, le tableau ci-dessous montre quels sont les pays les plus vulnérables.

 

Dans le cas d’un effet de substitution des ventes chinoises au profit de nouveaux pays fournisseurs, un niveau d’ouverture commerciale élevé est cette fois favorable. Il est donc probable que les pays plus ouverts au commerce bénéficient d’une hausse plus importante de leur PIB. En Afrique, Djibouti (148 %) affiche un indice nettement supérieur à la moyenne africaine (37 %). La Namibie (63 %), le Lesotho (63 %) et le Mozambique (59 %) figurent également parmi les pays les plus ouverts du continent. Pour ces trois pays, cette ouverture est probablement liée à leur forte exportation de matière première (or, pétrole, diamant, charbon et aluminium).

À l’opposé, le Malawi (10 %), la Somalie (10 %), et l’Éthiopie (11 %) affichent des indices d’ouverture très faibles et bien de dessous de la moyenne continentale. « Si les pays dont l’économie dépend le plus du commerce international sont ceux qui pourraient bénéficier d’un éventuel effet de substitution, ils sont également les plus exposés aux fluctuations du commerce mondial ou aux changements dans les politiques commerciales, telles que des hausses de droits de douane. »

Si l’on tient compte de ce poids des exportations dans le PIB des pays, le Lesotho, Madagascar, et le Ghana, la Libye et l’Afrique du Sud seraient les plus touchés par l’augmentation des droits de douane américains.

Revenant sur l’hypothèse d’une « guerre commerciale » entre les États-Unis et la Chine, les analystes distinguent plusieurs effets. Le premier serait un effet de substitution : les produits africains viendraient remplacer des produits chinois. Le deuxième serait un effet de concurrence : des marchandises chinoises qui ne seraient plus exportées vers les États-Unis seraient acheminées vers d’autres marchés – en partie en Afrique –, entrant ainsi en concurrence avec des biens produits localement.

 

Un préjudiciable ralentissement de l’économie chinoise

« Cet effet serait négatif pour les économies africaines, car ces surplus chinois déversés dans ces économies viendraient concurrencer des secteurs d’activité encore en développement et non préparés à faire face à la concurrence chinoise. »

Le troisième serait un effet de contournement : des produits initialement exportés directement de la Chine vers les États-Unis transiteraient désormais par l’Afrique pour éviter les effets de la hausse des droits de douane. Un tel effet n’avait pas été observé en 2018-2019. Quatrième effet, les économies africaines exportant vers la Chine pourraient être pénalisées par de moindres débouchés en raison d’une croissance chinoise moins porteuse. Cet effet pourrait concerner les véhicules, les pantalons, les filtres à gaz et, dans une moindre mesure, le pétrole raffiné ; si les tarifs américains réduisent la demande d’importations chinoises, il semble que les pays africains exportateurs pourraient bénéficier de cet effet de substitution.

 

Enfin, il est également possible que cette hausse envisagée des tarifs américains sur les importations chinoises accentue le ralentissement économique chinois et, ce faisant, affecte les économies africaines exportant beaucoup vers la Chine.

Enfin, les États-Unis pourraient adopter des mesures tarifaires plus ciblées, se limitant à certains produits spécifiques déjà identifiés par l’administration démocrate actuelle, comme les semi-conducteurs et les véhicules électriques. Dans ce scenario, seuls certains secteurs de l’économie chinoise seraient pénalisés. Et seuls les pays africains spécialisés dans l’exportation de matières premières nécessaires à ces secteurs clés de la transition énergétique en subiraient les conséquences. En Afrique, le nombre de pays exportant des minerais et métaux nécessaires à cette transition (cobalt, lithium, nickel et cuivre) est assez restreint. Voilà qui affecterait principalement le Nigeria pour le lithium, la RD Congo pour le cobalt et le cuivre, ainsi que Madagascar, l’Afrique du Sud, et dans une moindre mesure, le Zimbabwe et la Côte d’Ivoire pour le nickel.

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