APRNEWS: La souveraineté juridique – Le prochain levier de croissance durable pour l’Afrique

APRNEWS: La souveraineté juridique – Le prochain levier de croissance durable pour l’Afrique

L’Afrique se trouve aujourd’hui à un tournant décisif, face à des bouleversements majeurs : transition démographique, avancées numériques, impératifs climatiques toujours plus pressants, et réalignements géopolitiques inédits. Plus que jamais, le continent est appelé à redéfinir ses priorités et à inscrire une nouvelle feuille de route pour ce que beaucoup appellent déjà le « siècle africain ».

Réussir cette transition nécessitera une volonté politique forte. Mais cela exigera aussi un renforcement substantiel du pouvoir juridique de l’Afrique.

Depuis plus d’une décennie, la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF), organisation internationale créée en 2008 et hébergée par la Banque africaine de développement (BAD), œuvre en ce sens, dans une transformation discrète mais profonde. Plus tard ce mois-ci, alors que les gouverneurs de la BAD se réuniront à Abidjan pour élire le prochain président de l’institution, le tout premier Forum des Membres de l’ALSF offrira aux ministres africains des Finances une opportunité stratégique pour faire avancer cette vision d’un continent juridiquement autonome.

Pourquoi la capacité juridique est cruciale

Dans des secteurs clés – infrastructures, énergie, ressources naturelles – et sur des enjeux majeurs – dette, fiscalité –, les gouvernements africains négocient quotidiennement avec des acteurs privés. Pourtant, bien trop souvent, ces échanges s’opèrent dans un déséquilibre de pouvoir, notamment en raison d’une maîtrise inégale des concepts juridiques et commerciaux complexes. Il ne s’agit pas d’un problème de compétence, mais de ressources disponibles pour bâtir des capacités juridiques solides.

Ce déséquilibre structurel a des conséquences profondes : contrats défavorables, contentieux longs et coûteux, exposition financière prolongée. Résultat : des finances publiques fragilisées et un usage stratégique des ressources nationales compromis, transaction après transaction.

Ce déséquilibre structurel a des conséquences profondes : contrats défavorables, contentieux longs et coûteux, exposition financière prolongée. Résultat : des finances publiques fragilisées et un usage stratégique des ressources nationales compromis, transaction après transaction.

Il existe pourtant une alternative. En renforçant leurs capacités juridiques, les États africains peuvent négocier des accords plus justes, gérer les litiges de manière proactive, et faire respecter leurs droits en toute transparence. Les impacts sont mesurables et concrets : davantage d’hôpitaux construits, d’écoles financées, et de projets structurants – routes, aéroports, réseaux énergétiques – menés à terme.

Aujourd’hui, la capacité juridique n’est plus un luxe, mais une nécessité. Sans empowerment juridique, il ne peut y avoir de développement durable pour l’Afrique.

Un modèle qui a fait ses preuves

Heureusement, l’ALSF et d’autres acteurs sont à l’œuvre. À travers le continent, les gouvernements investissent dans la formation juridique, renforcent leurs cadres réglementaires et améliorent leurs pratiques de négociation. Rien qu’en 2024, plus de 2000 agents publics africains ont été formés sur des thématiques juridiques clés : partenariats public-privé, règlement des différends, gestion de la dette.

Souvent en coulisses, l’ALSF a soutenu plus de 50 pays dans la négociation de contrats plus équilibrés, le règlement de litiges majeurs, et la consolidation de leurs institutions juridiques. Le modèle fonctionne.

Un moment décisif

Mais l’ampleur et la gravité des défis actuels imposent d’aller plus loin. Prenons la question de la dette souveraine : de nombreux pays, fragilisés par des crises sanitaires, des conflits ou des chocs économiques, font face à des niveaux d’endettement insoutenables. Un accompagnement juridique solide est essentiel pour renégocier ces dettes de manière soutenable, sans hypothéquer leur avenir. Il en va de même dans la lutte contre les flux financiers illicites, qui coûtent au continent plus de 89 milliards de dollars par an selon la CNUCED : ici encore, le droit est un levier de récupération et de justice économique.

C’est dans ce contexte que le Forum des Membres de l’ALSF, prévu le 26 mai 2025 à Abidjan, prend toute son importance. Il s’agira d’un moment clé pour ancrer durablement l’expertise juridique au cœur des stratégies de développement africaines.

C’est dans ce contexte que le Forum des Membres de l’ALSF, prévu le 26 mai 2025 à Abidjan, prend toute son importance. Il s’agira d’un moment clé pour ancrer durablement l’expertise juridique au cœur des stratégies de développement africaines. Les ministres des Finances – fondateurs de l’ALSF – devront s’unir pour dresser un bilan, mais surtout pour sécuriser l’avenir de l’institution : renforcer l’engagement des membres, asseoir un financement pérenne et consolider l’appropriation de ses actions.

L’ALSF a démontré qu’un accompagnement juridique stratégique peut faire toute la différence. Le Forum offre désormais l’occasion de replacer la souveraineté juridique au cœur du modèle de développement africain. Le siècle africain ne se construira pas seulement à travers des déclarations ambitieuses. Il s’écrira – discrètement mais fermement – à travers des accords équitables, exécutoires et durables. Et cela commence par le droit.

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