
APRNEWS: La présidentielle ivoirienne de 2020 a-t-elle instauré une jurisprudence tacite pour l’élection de 2025 ?
Cette question revient avec insistance dans le débat politique ivoirien, au cœur d’un narratif largement décomplexé autour d’un quatrième mandat, désormais évoqué ouvertement par des communicants de tous bords.
La présidentielle ivoirienne de 2020, marquée par une forte polémique, continue d’alimenter le débat à l’approche du scrutin de 2025. Si certains évoquent une “jurisprudence tacite” installée par l’élection passée pour justifier un éventuel quatrième mandat, cette idée reste pour l’heure prématurée et sujette à de nombreuses incertitudes.
Vers une « jurisprudence » ou un débat ouvert ?
L’idée que la présidentielle de 2020 aurait établi une “jurisprudence” implicite pour la candidature à un quatrième mandat en 2025 est largement débattue. Cependant, le contexte politique évolue sans cesse et il serait hâtif d’affirmer que cette jurisprudence soit déjà gravée dans le marbre.
Plusieurs facteurs influenceront le déroulement et la légitimité du scrutin à venir : le cadre juridique qui prévaudra en 2025, les postures adoptées par les principaux acteurs politiques, l’état du dialogue entre majorité et opposition, ainsi que le contexte social et économique du pays.
L’élection présidentielle de 2020, marquée par la réélection controversée du président Alassane Ouattara pour un troisième mandat, a profondément changé les règles du jeu politique en Côte d’Ivoire. En effet, l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2016, qui selon ses défenseurs “remettait les compteurs à zéro”, a permis à Ouattara de se représenter malgré la limite traditionnelle de mandat. Cette lecture constitutionnelle, bien que contestée par une partie de l’opposition, a fixé un précédent désormais difficile à ignorer.
Ce précédent de 2020 semble aujourd’hui s’imposer comme une vérité de fait : le discours autour d’un quatrième mandat, longtemps tabou, est désormais assumé sans complexe par nombre de communicants politiques. Cette acceptation subliminale témoigne d’un basculement où le cadre juridique formel cède le pas à une logique de pouvoir faisant jurisprudence par la pratique.

Une élection de 2020 sous haute tension
L’élection présidentielle de 2020 a été profondément marquée par des controverses qui continuent de peser sur le climat politique ivoirien. La liste des candidats avait suscité un vif émoi, avec un boycott massif de l’opposition et des tensions sociales montantes. Ce contexte tendu a affecté la légitimité perçue du scrutin et a renforcé la polarisation politique nationale.
Le cadre juridique reste la référence
La Constitution ivoirienne et le Code électoral demeurent les fondements juridiques essentiels pour encadrer la présidentielle. Leur interprétation, ainsi que la conduite des institutions telles que le Conseil constitutionnel, seront déterminantes pour trancher toute contestation.
Un enjeu politique et social majeur
À quelques semaines du scrutin, la question reste ouverte, soulignant l’importance d’un dialogue politique apaisé qui pourrait contribuer à instaurer une stabilité démocratique. La Côte d’Ivoire est à un moment clé où l’avenir des règles du jeu démocratique et le respect des principes électoraux doivent être garantis pour éviter de nouvelles fractures politiques et sociales.
La présidentielle de 2025 sera donc bien plus qu’un simple renouvellement de mandat ; elle cristallise les aspirations à la démocratie, à la paix et à la cohésion nationale dans un contexte toujours très fragile.
Le cas de Charles Blé Goudé, une voix discordante
Parmi les premières voix à alerté publiquement sur les risques ouverts par la nouvelle Constitution, Charles Blé Goudé occupait une position à part. Ancien chef des Jeunes Patriotes, il a dénoncé en temps utile les potentialités de la réécriture constitutionnelle à servir des ambitions présidentielles prolongées. Pourtant, sa prise de position ferme l’a conduit par la suite à se rétracter, adoptant un positionnement plus modéré, voire opposé à la rhétorique du “quatrième mandat”.
Cette évolution illustre la complexité du débat, où les acteurs politiques oscillent entre stratégies de pression, compromis et réalignements face à une réalité institutionnelle contestée, mais désormais établie.
Un narratif qui interroge la démocratie ivoirienne
Ce décalage entre loi formelle et discours de campagne questionne plus largement la qualité du débat démocratique en Côte d’Ivoire. La légalisation implicite d’une candidature pour un quatrième mandat sans réforme explicite alimente un climat de méfiance et de polarisation politique, creusant le fossé entre majorité et opposition.
Alors que la campagne électorale de 2025 se déroule sous cette ombre portée, l’enjeu est désormais de savoir si cette jurisprudence informelle sera définitivement consacrée ou si elle suscitera une contestation juridique, politique et populaire capable de redéfinir les règles du jeu démocratique ivoirien.
La Constitution et le Code électoral restent les références fondamentales, et toute interprétation dépendra des acteurs politiques et des institutions en place à l’approche de l’élection.
