APRNEWS: La pratique du bricolage comme solution à la crise du logement en Côte d’ivoire.

APRNEWS: La pratique du bricolage comme solution à la crise du logement en Côte d’ivoire.

Alassane Ouattara devait construire 60.000 logements sociaux pour son premier mandat dont l’unité serait vendue 25.000 F cfa mensuels aux populations cibles pendant 20 ou 25 mois. Puis, est arrivé le temps du pouvoir et la réalité. Et voilà qu’après presque quinze années, le gouvernement a lancé, en juillet dernier, un nouveau programme immobilier visant à livrer 25.000 logements dont 3000 dans les trois prochaines années. Telle est par ailleurs sa réponse au déficit abyssal de 836.000 logements auquel est confrontée la Côte d’Ivoire, le district d’Abidjan totalisant à lui seul 80% de cette demande.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

Le Premier Ministre Robert Beugré Mambé procédant, le 4 juillet 2024, au lancement du programme pour la construction de 25.000 à Abidjan-Yopougon,

Même pour « Jeune Afrique », un journal pourtant complaisant avec le régime du président Alassane Ouattara, l’urbanisme des grandes villes ivoiriennes est le revers d’une attractivité réelle sur le plan économique. Car bien que les promoteurs privés, le district et l’État multiplient les chantiers résidentiels, il y aurait une énorme pénurie de logements parce que la population augmente plus vite que le nombre de maisons et d’appartements livrés.

Alors pour lui, le nouveau programme présidentiel de logements associé à de nouveaux mécanismes de financements pourraient bientôt changer la donne. Mais ce scénario est bien trop optimiste. Comme il y a presque quinze années, lorsque l’opposant Alassane Ouattara promettait dans son programme de campagne, un projet de logements sociaux novateur qui ne coûterait que 25000 fcfa mensuels aux populations économiquement faibles.

Le candidat Ouattara expliquait : « c’est un projet réel ; quand je serai président, je vais aller inaugurer certaines de ces maisons. Ce sont des maisons qui doivent être faites sur une superficie de 150 m2 avec 50 m2 habitables. Le coût de la maison sera peut-être supérieur à 5 millions, mais l’Etat va subventionner une partie. C’est ce qui se fait en Afrique du Sud dans les townships et autres. L’Etat subventionne une partie du taux d’intérêt pour que le remboursement ne soit par exemple que de 25.000 fcfa sur 20 ou 25 mois selon les modalités et la personne sort de la pauvreté », avait dit Ouattara, sûr de lui.

Un déficit de 836.000 logements

Alors, dès les premières années de son arrivée au pouvoir, des Ivoiriens ont fait des rangs pour s’inscrire aux guichets ouverts par la Sicogi, la société publique qui construisait encore aux périodes fastes des logements à bon prix. Mais à l’arrivée, que de problèmes. La première déconvenue est venue du fait que le gouvernement a vite fourgué l’affaire à des promoteurs privés sans le moindre accompagnement. Ceux-ci ont dû préparer eux-mêmes le terrain, faire les terrassements pour le viabiliser. Alors, conséquemment, ils ont répercuté les coûts sur le prix de revient des logements qui ont alors coûté cinq ou six fois ce qu’avait promis le gouvernement.

Nul ne sait d’ailleurs si les 60.000 logements ont été construits. En revanche, le déficit de logements qui était déjà préoccupant dans le pays avant l’annonce du président Ouattara est devenu totalement abyssal. Selon la Chambre nationale des promoteurs et constructeurs agréés de Côte d’Ivoire (CNPC-CI), le besoin au plan national est en effet de 836.000 logements dont 669 000 pour la seule ville d’Abidjan, soit 80% des besoins. Pis, chaque année, ce besoin augmente de 50 000 logements par an.

La première explication évidente est liée à « la croissance démographique rapide du Grand Abidjan, qui compte entre 6 et 7 millions d’habitants dont plus de 6,32 millions pour le seul district autonome d’Abidjan, selon le recensement de 2021. En termes de densité, Abidjan abrite donc 21,5 % de la population du pays, ce qui entraîne une forte demande de logements.

 

Les banques ne s’y risquent pas

D’autant qu’il y a peu d’offres et que les capacités de construction des différents promoteurs immobiliers, Kaydan, PFO, Addoha… ne parviennent pas à combler les attentes qui représentent 80 % de la population urbaine. L’autre pan du problème est que la population active qui travaille principalement dans l’informel, a du mal à accéder à un prêt pour l’acquisition d’un logement. C’est ce qu’explique le président de la CNPC-CI, Siriki Sangaré.

Fondateur de la société Opes Holding, Siriki Sangaré compte dans son portefeuille de projets la construction de 7 000 logements à Songon, une ville nouvelle du district d’Abidjan, à l’ouest de Yopougon. Le patron de Opes Holding connaît bien le sujet puisqu’il préside la Fédération des promoteurs immobiliers de l’Afrique de l’Ouest (FPIAO). Il sait surtout que l’accès au financement pour l’acquisition d’un logement est l’un des principaux obstacles, vu que ce secteur ne capte que seulement 3 % des financements bancaires en Côte d’Ivoire.

Mais Olivier Dadjeu Kengne, le patron de la banque d’affaires Smart-Link Capital, spécialisée dans l’accompagnement des investisseurs immobiliers a diagnostiqué un autre problème. Son constat est que « les promoteurs privés ne sont pas suffisamment structurés et manquent de capacité financière pour produire massivement les logements ».

Pour ce faire, Smart Link Capital prévoit de faire la liaison entre les acteurs, banquiers, investisseurs et promoteurs, pour parvenir à des prêts immobiliers structurés. A défaut, mettre en place un crowdfunding avec une levée de fonds ; ce qui permettrait à l’investisseur privé de prendre des tickets et d’aiguiser l’appétit des financeurs afin de résorber, à terme, le déficit structurel en logements tel qu’il apparaît aujourd’hui.

 

3000 logements pour les trois prochaines années

En attendant, le gouvernement a lancé un programme présidentiel d’urgence au début du mois de juillet pour la construction de 25 000 logements sociaux et économiques en location-vente et en location simple. Personne n’a oublié qu’en 2012, il avait vanté son projet de 60 000 logements qui a connu toutes sortes de difficultés, en grande partie en raison des faibles capacités techniques et financières des opérateurs privés.

La première tranche de ce programme présidentiel prévoit la construction de 3 000 logements de type Rez+9, sur un site de 10 hectares. Ces appartements dont personne ne connaît le prix seront livrés d’ici deux à trois ans pour être commercialisés sous forme de location-vente ou en location simple. Mais pour les professionnels, la vraie solution viendra de la mise en place d’un fonds de garantie qui permettrait à la population active dans l’informel d’accéder à ce nouveau programme. Ce fonds pourrait être financé à travers divers prélèvements et une parafiscalité sur la tonne de ciment vendu par exemple. Mais à dix-sept mois l’élection présidentielle au moment du lancement de ce programme, le gouvernement avait d’autres soucis que de trouver des réelles solutions à ce vrai problème.

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