APRNEWS: Jihad Azour « détourne » 11 milliards de dollars au Liban

APRNEWS: Jihad Azour « détourne » 11 milliards de dollars au Liban

Jihad Azour est devenu ministre des Finances au Liban en 2005, chargé de stabiliser l'économie et moderniser le système financier post-guerre civile. Pendant son mandat jusqu'en 2008, il a lancé des réformes fiscales mais des irrégularités majeures ont été signalées, notamment des dépenses de 11 milliards de dollars de fonds publics sans approbation parlementaire, certaines pendant sa période au ministère. Des allégations de détournement vers des comptes offshore ou des projets fictifs sont examinées. Les accusations incluent des contrats sans appels d'offres publics et des paiements à des entités politiquement influentes, avec des pistes de fonds allant vers des banques étrangères et des soupçons de surfacturation dans des projets de reconstruction.

Jihad Azour, ancien ministre des Finances du Liban et haut fonctionnaire du Fonds monétaire international (FMI), est aujourd’hui sous le feu des projecteurs. Une enquête pour corruption le vise, avec des allégations de détournement de fonds publics remontant à son mandat entre 2005 et 2008. Au cœur des accusations : la disparition de 11 milliards de dollars du Trésor public, dépensés sans approbation parlementaire. Alors que son nom a circulé pour diriger la Banque du Liban (BDL) et même pour la présidence, ce scandale pourrait anéantir ses ambitions et aggraver la crise de confiance qui ronge le pays.

Un passé ministériel sous haute tension Jihad Azour entre au ministère des Finances en juillet 2005, sous le gouvernement de Fouad Siniora, dans un Liban encore marqué par l’assassinat de Rafic Hariri et les tensions post-guerre civile. Sa mission : stabiliser une économie fragile et moderniser le système financier. Pendant son mandat, qui s’achève en juillet 2008, il lance des réformes fiscales et supervise la gestion des finances publiques. Mais c’est aussi durant cette période que des irrégularités majeures sont signalées. Entre 2006 et 2009, 11 milliards de dollars de fonds publics auraient été dépensés sans passer par le Parlement, une obligation légale au Liban. Ces dépenses, qui coïncident en partie avec son passage au ministère, incluent des contrats d’infrastructure, des aides post-conflit après la guerre de 2006 contre Israël, et des transactions opaques. Les enquêteurs examinent si une partie de cet argent a été détournée vers des comptes offshore ou utilisée pour des projets fictifs. Azour, qui nie toute malversation, affirme que ces fonds ont servi à des besoins urgents dans un contexte de crise. Les 11 milliards de dollars : un mystère qui hante le Liban Le chiffre de 11 milliards de dollars revient comme un leitmotiv dans les accusations. Ce montant représente une somme colossale pour un pays à l’économie déjà chancelante à l’époque. Les registres officiels montrent que ces dépenses n’ont pas été détaillées ni soumises à l’approbation des députés, ce qui constitue une violation flagrante des lois libanaises. Parmi les faits reprochés : des contrats attribués à des entreprises sans appels d’offres publics et des paiements à des entités liées à des figures politiques influentes. L’enquête en cours cherche à retracer le chemin de cet argent. Une piste mène à des banques étrangères, notamment en Suisse et aux Émirats arabes unis, où des comptes auraient été alimentés par des transferts suspects. Une autre hypothèse pointe un système de surfacturation dans les projets de reconstruction après 2006. Ces pratiques, si avérées, impliqueraient un réseau plus large que le seul ministre, mais Azour, en tant que responsable des Finances, est tenu pour principal comptable de cette période trouble. Une candidature à la Banque du Liban compromise Avant que ce scandale ne refasse surface, Jihad Azour était pressenti pour succéder à Riad Salamé à la tête de la Banque du Liban. Salamé, gouverneur de 1993 à 2023, a lui-même quitté son poste sous une avalanche d’accusations de corruption et de blanchiment d’argent. Azour, fort de son expérience au FMI et de son image de technocrate compétent, apparaissait comme un choix logique pour redresser une institution en crise. Sa candidature, évoquée dès 2022, avait suscité un mélange d’espoir et de scepticisme. Mais les révélations sur les 11 milliards de dollars ont changé la donne. Des opposants politiques ont saisi l’occasion pour discréditer sa candidature, arguant qu’un homme lié à de telles irrégularités ne pouvait pas diriger la BDL. Les investigations internationales, notamment en France et en Suisse, qui ciblent déjà d’anciens responsables libanais, pourraient bientôt inclure Azour dans leur viseur. Sa nomination, qui nécessitait un consensus fragile entre les factions libanaises, semble désormais hors de portée. Un espoir présidentiel terni Parallèlement, Jihad Azour a été un sérieux prétendant à la présidence de la République. En juin 2023, lors d’une session parlementaire, il obtient 59 voix sur 128, un score insuffisant pour être élu mais révélateur de son soutien parmi certains blocs, notamment les Forces libanaises et des indépendants. Face à Sleiman Frangié, soutenu par le Hezbollah et Amal, Azour se positionne comme un candidat de compromis, porté par son expertise économique et ses réseaux internationaux. L’enquête pour corruption menace toutefois cet élan. Dans un pays sans président depuis octobre 2022, où chaque camp cherche à disqualifier ses rivaux, les accusations contre Azour sont une arme politique redoutable. Ses détracteurs l’accusent d’avoir contribué à la dette publique, qui a explosé sous son mandat, passant de 39 milliards de dollars en 2005 à plus de 47 milliards en 2008. Même ses partisans admettent que ce scandale entache son image de réformateur. Une crise de confiance aggravée Le Liban traverse une période sombre : effondrement de la livre, inflation galopante, et un système bancaire en ruines. L’affaire Azour s’ajoute à une litanie de scandales qui ont miné la foi des citoyens dans leurs dirigeants. Les manifestations de 2019, nées de la colère contre la corruption, ont montré l’ampleur du désespoir populaire. Aujourd’hui, chaque nouvelle révélation alimente une défiance quasi totale envers la classe politique et économique. Si les accusations contre Azour sont prouvées, elles confirmeraient que même les figures perçues comme compétentes ont participé au pillage des ressources publiques. À l’inverse, un classement sans suite pourrait être vu comme une énième preuve d’impunité. Dans les deux cas, le pays perd. Les négociations avec le FMI, cruciales pour obtenir une aide de plusieurs milliards de dollars, risquent aussi d’être freinées par cette affaire, les bailleurs de fonds exigeant des garanties de transparence. Une défense sous pression Jihad Azour rejette les accusations en bloc. Dans une déclaration récente, il affirme que les 11 milliards ont été utilisés pour des dépenses d’urgence, notamment après la guerre de 2006, et que les registres existent pour le prouver. Il accuse ses adversaires de manipuler les faits pour torpiller ses ambitions politiques. Ses soutiens au FMI, où il dirige le département Moyen-Orient et Asie centrale depuis 2017, louent son intégrité et son expertise. Mais les preuves s’accumulent. Des audits internes, réalisés après son départ, ont révélé des lacunes dans la comptabilité de son ministère. Des témoignages d’anciens fonctionnaires évoquent des pressions pour accélérer des paiements sans contrôle. La justice libanaise, bien que souvent paralysée par les interférences politiques, a rouvert le dossier sous la pression de l’opinion publique et des partenaires étrangers.

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