APRNEWS: Vers une Liste Électorale Fiable pour des Élections Transparentes en 2025- Par Delafosse François- Dominique
À l'approche des élections en Côte d'Ivoire, la question de la liste électorale devient cruciale. Malgré plusieurs révisions entre 2010 et 2024, la crédibilité de la Commission Électorale Indépendante (CEI) est mise à mal par des préoccupations persistantes concernant l'exactitude des données. Explorons ensemble les enjeux, les problématiques rencontrées, y compris les fraudes signalées par les partis d'opposition et les sociétés civiles, et proposons des solutions pour renforcer la confiance du public dans le processus électoral.
I. Évolution de la Liste Électorale (2000-2024)
L’évolution de la liste électorale ivoirienne montre une tendance à la hausse :
– 2000 : 5.475.143 inscrits
– 2010 : 5.784.490 inscrits (+ 309.347)
– 2015 : 6.301.189 inscrits (+ 516.699)
– 2020 : 7.495.082 inscrits (+ 1.193.893)
– 2023 : 715.526 nouveaux inscrits
– 2024 : 943.157 nouveaux inscrits
Ces chiffres mettent en lumière un intérêt croissant pour l’inscription sur les listes, mais soulignent également le besoin d’une gestion rigoureuse.
II. Enjeux Clés
1. Crédibilité de la CEI
La Commission Électorale Indépendante (CEI) joue un rôle fondamental dans le processus démocratique en Côte d’Ivoire. Sa mission principale est d’organiser des élections transparentes et équitables, garantissant ainsi la confiance du public dans les institutions politiques du pays. Cependant, la crédibilité de la CEI a été mise à l’épreuve ces dernières années, soulevant des interrogations sur son impartialité et son efficacité.
Tout d’abord, il convient de rappeler que la CEI a été créée pour assurer une gestion indépendante des élections. Toutefois, des critiques persistent concernant sa composition et ses décisions. En effet, plusieurs partis politiques ont exprimé des préoccupations quant à la représentation au sein de cette institution. La perception d’un manque d’équilibre entre les différentes parties prenantes peut nuire à sa légitimité aux yeux de l’opinion publique.
De plus, les précédentes élections ont révélé des lacunes dans l’organisation et la transparence des processus électoraux. Des allégations de fraudes et d’irrégularités ont entaché le climat électoral, alimentant un sentiment de méfiance envers la CEI. Pour regagner cette confiance perdue, il est crucial que l’institution mette en œuvre des réformes significatives visant à renforcer sa transparence et son indépendance.
En 2010, la CEI faisait déjà face à des accusations de partialité et d’inefficacité, exacerbées par des anomalies signalées dans les listes électorales, notamment des erreurs d’inscription et des cas de mineurs figurant sur ces listes. Par exemple, lors des élections présidentielles de 2010, plusieurs rapports ont révélé que près de 200 000 personnes étaient enregistrées avec des documents falsifiés, ce qui a soulevé un tollé général parmi les partis d’opposition.
Aujourd’hui certaines préoccupations sont toujours d’actualité, notamment :
2. Participation Électorale
La confiance envers la liste électorale influence directement le taux de participation aux élections, où une perception de fraude peut dissuader les citoyens. Lors des élections législatives de 2016, le taux de participation n’a été que de 49%, une baisse significative par rapport aux précédentes élections.
3. Transparence et Acceptation des Résultats
Les expériences passées montrent que le manque de transparence peut entraîner des violences post-électorales. Après les élections contestées en 2010, plus de 3 000 personnes ont perdu la vie dans les violences qui ont suivi, illustrant l’importance d’un processus électoral transparent. De plus, lors des présidentielles d’octobre 2020, environ 87 personnes ont été tuées dans des affrontements liés aux résultats contestés, soulignant encore davantage le besoin urgent d’une meilleure transparence.
III. Problématiques Liées aux Fraudes
1. Fraudes Signalées par l’Opposition
Des partis politiques tels que le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Front Populaire Ivoirien (FPI) ont dénoncé diverses fraudes liées à l’inscription sur les listes électorales :
– Inscriptions multiples sous différents noms.
– Utilisation frauduleuse d’identités fictives ou décédées.
– Influence exercée sur certains agents locaux chargés du recensement pour faciliter ces fraudes.
2. Rapports d’Organisations Civiles
Des organisations telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch ont également exprimé leurs préoccupations concernant l’intégrité du processus électoral :
– Selon un rapport publié en janvier 2023 par Amnesty International, environ 30% des inscriptions vérifiées étaient suspectes en raison d’anomalies dans les documents fournis.
– Certaines régions comme le Cavally affichent un taux élevé d’inscriptions douteuses qui pourraient fausser les résultats futurs.
3. Anomalies dans les Données
Des partis d’opposition (PPA-CI, PDCI, FPI….) ont relevé un nombre élevé d’irrégularités dans les listes provisoires, remettant en question l’intégrité du processus. Par exemple, en janvier 2023, un rapport du PDCI a dénoncé près de 50% d’irrégularités sur certaines listes locales.
4. Délais Insuffisants pour Contestations
Les délais accordés pour contester les inscriptions sont jugés trop courts; certains partis politiques demandent une prolongation pour permettre une vérification approfondie.
Pour citer Jean-Yves ESSO ESSIS du PDCI
« Lors de la dernière Révision de la Liste Électorale (RLE), établie dans la période allant du 19 octobre au 17 novembre 2024, les sites d’enrôlement disposaient d’un jour de repos par semaine, soit 26 jours de fonctionnement réels au total, et étaient ouverts de 8h à 18h, soit 10 heures par jour. De plus, nous avons eu le regret de constater par nous-mêmes, que les machines n’excédaient pas 60 enregistrements par jour.
Ainsi donc, précisément, seulement 260 heures (soit 10 jours et 20h) ont été en réalité accordées aux ivoiriens en âge de voter pour faire leurs demandes d’enrôlement. »
Le mode opératoire de la révision de la liste électorale a besoin de changer selon Gerard N’cho
1. Les horaires uniformes, de 8h à 10h sont en concurrence avec les occupations professionnelles urbaines et rurales. Il faut envisager une flexibilité des équipes, de façon à ce que l’opération soit possible jusqu’à 20-21h: une équipe monte le matin, un autre l’après-midi pour permettre un temps d’enrôlement plus long.
2. Dans les zones rurales, les paysans vont tôt au champ certains jours, pour ne rentrer que tard le soir. Il y a des jours de marché, des jours d’interdits de travaux champêtres, des jours de cultes. Quel est l’intérêt d’y avoir des équipes d’enrôlements les autres jours, de 8-18h? La CEI doit connaître la vie rurale locale, afin d’aménager son calendrier de l’enrôlement afin qu’il soit spécifique à chaque localité pendant les périodes de révisions de la liste électorale, cela en collaboration avec les partis politiques.
3. Des équipes mobiles peuvent sillonner les sous-préfectures, plutôt que d’avoir des centres fixes qui ne reçoivent la visite que d’une poignée d’électeurs. Ne sous estimons pas le coût du transport pour les populations qui sont confrontées à des problèmes financiers. Il y a 111 (?) sous-préfectures, cela peut se faire grâce à une collaboration entre la CEI, les sous-préfets, les partis politiques et les chefs de villages, en cas d’hébergements à prévoir pour les équipes mobiles. En milieux urbains, il faut disposer de centres d’enrôlements dans les marchés, à proximités des gares routières… avec des équipes mobiles qui vont à la rencontre des électeurs… Les tablettes peuvent être programmées pour enrôler un électeur en visite à Abidjan ou ailleurs, si tant est qu’il dispose de tous ses documents. Une fois informés, les dispositions peuvent être prises.
La CEI n’a pas besoin de 12.000 centres d’enrôlements. Elle doit tirer les leçons des centres faiblement fréquentés et constituer des équipes mobiles qui sillonneront les campagnes à des dates connues d’avance ainsi que les marchés, gares routières, lieux de fortes concentrations humaines en milieux urbains. Kuibiert, il faut faire « une utilisation intelligente des ressources ».
IV. Solutions Proposées
Pour que la CEI puisse remplir efficacement son rôle en tant qu’arbitre impartial du processus électoral en Côte d’Ivoire, elle doit s’engager dans une démarche proactive visant à restaurer sa crédibilité. Cela passe par une reconfiguration de ses structures internes, une amélioration de ses pratiques organisationnelles et un dialogue ouvert avec toutes les parties prenantes. Seule une CEI perçue comme véritablement indépendante pourra instaurer un climat de confiance propice à une démocratie saine et durable en Côte d’Ivoire.
Pour renforcer la crédibilité de la Commission Électorale Indépendante (CEI) et améliorer la fiabilité de la liste électorale en Côte d’Ivoire, plusieurs solutions peuvent être envisagées :
1. Renforcement de l’Indépendance de la CEI
Assurer que les membres de la CEI ne soient pas influencés par le pouvoir politique est crucial pour renforcer sa crédibilité. Cela pourrait inclure des nominations transparentes et basées sur le mérite, ainsi qu’une représentation équilibrée des différents partis politiques au sein de l’institution. La mise en place d’un mécanisme d’évaluation indépendant, impliquant des experts internationaux, pourrait également contribuer à garantir l’intégrité du processus.
2. Adoption de Technologies Modernes
L’intégration d’outils technologiques tels que les systèmes biométriques peut aider à réduire les fraudes électorales en vérifiant efficacement l’identité des électeurs. Des pays comme le Ghana ont déjà mis en œuvre avec succès ce type de système lors de leurs dernières élections générales, ce qui a contribué à améliorer la confiance du public dans le processus électoral.
3. Éducation Civique Renforcée
Intensifier les efforts d’éducation civique pour informer le public sur leurs droits et sur le processus électoral est essentiel. Cela pourrait inclure des campagnes d’information sur comment vérifier leur inscription sur la liste électorale, ainsi que sur l’importance de leur participation au processus démocratique. Bien que cette démarche ait été entamée, en collaborant avec des ONG et des organisations communautaires, la CEI peut atteindre un plus large éventail de citoyens.
4. Dialogue Inclusif avec Toutes les Parties Prenantes
Engager un dialogue constructif avec tous les acteurs politiques et sociaux permettrait d’identifier et résoudre pro-activement les problèmes liés aux listes électorales avant qu’ils ne deviennent critiques. Des forums réguliers réunissant représentants gouvernementaux, partis politiques, société civile et organisations internationales pourraient favoriser une meilleure collaboration et transparence.
5. Amélioration des Délais pour Contestations
Allonger les délais accordés pour contester les inscriptions sur la liste électorale serait bénéfique afin de permettre une vérification approfondie par tous les partis concernés. Cela contribuerait à apaiser les tensions autour du processus électoral et à renforcer la confiance dans son intégrité.
6. Allocation Efficace des Ressources
Bien que le budget alloué à la révision de la liste électorale soit conséquent (environ 10 millions USD par cycle), il est essentiel d’assurer une utilisation efficace de ces ressources pour éviter toute erreur persistante dans les listes électorales. Une évaluation régulière des dépenses et un audit externe pourraient garantir que chaque dollar dépensé contribue réellement à améliorer le système.
7. Mise en Place d’un Observatoire Indépendant
Créer un observatoire indépendant chargé du suivi du processus électoral pourrait également jouer un rôle clé dans l’amélioration de la transparence. Cet organisme pourrait être composé d’experts nationaux et internationaux qui surveilleraient toutes les étapes du processus électoral, y compris l’inscription sur les listes, afin d’assurer une supervision impartiale.
En définitive, la crédibilité de la liste électorale en Côte d’Ivoire est essentielle pour garantir un processus démocratique transparent et inclusif lors des prochaines élections. En abordant ces enjeux avec sérieux et en mettant en œuvre ces solutions adaptées, il est possible non seulement d’améliorer la confiance envers la CEI mais aussi d’assurer une participation citoyenne accrue au sein du paysage politique ivoirien.
En outre, l’implication active de la société civile et des organisations internationales dans le suivi des élections pourrait également contribuer à améliorer la crédibilité de la CEI. Ces acteurs peuvent jouer un rôle essentiel en apportant une surveillance extérieure qui garantirait une meilleure acceptation des résultats par tous les acteurs politiques.
Selon le Président de la Société Civile – Scoop International, Delafosse François-Dominique :
« Ces propositions de solutions visent non seulement à remédier aux problèmes actuels mais également à établir un cadre solide pour un avenir démocratique plus stable en Côte d’Ivoire qui a besoin de paix . »