
APRNEWS: Concevoir un état civil fiable en Côte d’Ivoire en un an (partant de zéro) )- Analyse
Pour mettre en place un état civil fiable en un an en Côte d'Ivoire, il est nécessaire d'adopter une approche structurée et inclusive, combinant réformes légales, innovation numérique et mobilisation de masse. Le plan d'action en 4 phases clés commence par établir les bases légales et institutionnelles, suivi par le déploiement de technologies telles qu'une base de données biométrique et l'utilisation de la blockchain pour assurer l'intégrité des données. Une campagne d'enregistrement massive est ensuite prévue, avec des incitations et des sanctions pour encourager la participation de la population. Enfin, la pérennisation du système est assurée par l'interconnexion des bases de données, la formation du personnel et des mesures de contrôle anti-fraude. Ce projet ambitieux, estimé à environ 150 milliards de FCFA et soutenu par des partenariats avec la Banque Mondiale, l'UE et des entreprises privées, vise à augmenter la couverture de l'état civil de 35% à 95% en un an, soulignant l'importance d'une volonté politique forte, de technologies avancées et de l'engagement des citoyens.
Causes profondes du dysfonctionnement
Héritage colonial et inadaptation :
Le système hérité de la France coloniale était conçu pour une population minoritaire et urbaine. Après 1960, il n’a pas été réformé pour couvrir les zones rurales (70% de la population à l’époque).
Instabilité politique :
Les coups d’État (1999, 2002), crises post-électorales (2010-2011) et conflits armés ont détruit des registres et perturbé les administrations locales.
Corruption et bureaucratie :
Les passe-droits, la vente illégale de documents et la fraude aux actes de naissance sont systémiques. Exemple : 30% des Ivoiriens n’ont pas d’acte de naissance (UNICEF, 2023).
Décentralisation inefficace :
Les mairies, responsables de l’état civil, manquent de moyens et de formation. Seulement 40% des communes ont des registres informatisés.
Facteurs socioculturels :
Dans certaines régions, l’enregistrement des naissances n’est pas perçu comme une priorité, surtout pour les filles ou les enfants nés hors mariage.
Pourquoi le gouvernement échoue depuis 60 ans ?
Manque de volonté politique :
Les élites profitent d’un système opaque (fraude électorale, détournements) et n’ont pas intérêt à le réformer.
Budget insuffisant :
Seulement 0,5% du budget national est alloué à l’état civil, contre 2% au Rwanda (modèle réussi).
Centralisation excessive :
Le système dépend d’Abidjan, alors que les mairies rurales n’ont ni internet ni électricité.
Conflits identitaires :
La question de « l’ivoirité » a politisé l’état civil, surtout après la crise de 2002. Des milliers de citoyens (notamment du Nord) ont été exclus des registres.
Solutions urgentes à mettre en œuvre
Mesures d’urgence (0-6 mois)
Opération « Zéro non-enregistré » :
Campagnes mobiles avec des unités volantes équipées de tablettes biométriques pour enregistrer les naissances, mariages et décès dans les villages reculés.
Blocage des fraudes :
Remplacer les registres papier par une base de données blockchain (inviolable) couplée au numéro d’identification unique (NINA).
Sanctions immédiates :
Licenciement des officiers d’état civil corrompus et amendes pour les parents ne déclarant pas une naissance sous 30 jours.
Réformes structurelles (6-12 mois)
Loi-cadre sur l’état civil :
Simplifier les procédures, rendre l’enregistrement gratuit et obligatoire, avec un délai légal strict.
Décentralisation renforcée :
Former et équiper 500 jeunes volontaires (via le service civique) pour moderniser les mairies.
Interconnexion nationale :
Relier l’état civil aux systèmes de santé, éducation et sécurité sociale pour des mises à jour automatiques.
3. Innovations technologiques
Appli mobile « Mon Acte » :
Permettre aux citoyens de déclarer une naissance ou demander un extrait d’acte en ligne (comme au Kenya avec eCitizen).
IA anti-fraude :
Algorithmes pour détecter les doublons ou actes falsifiés (comme en Inde avec Aadhaar).
Exemple réussi : Le Rwanda
Le Rwanda a réformé son état civil en 5 ans (2012-2017) en combinant :
Biométrie obligatoire.
Registres centralisés en temps réel.
Sanctions sévères contre les fraudeurs.
Résultat : 98% de la population est enregistrée (Banque mondiale, 2023).
La Côte d’Ivoire peut résoudre cette crise en 24 mois avec une volonté politique ferme, des outils technologiques et un budget priorisé. Sans cela, les conséquences seront lourdes : exclusion sociale, fraudes électorales, et incapacité à planifier le développement.