APRNEWS: Comment gérer le rejet de l’autre dans son couple ?

APRNEWS: Comment gérer le rejet de l’autre dans son couple ?

NTERVIEW. La dépression peut mettre à mal la vie de couple. La psychologue Aline Nativel Id Hammou livre ses conseils pour essayer de soutenir au mieux son ou sa partenaire de vie.

La dépression, loin d’être un simple saut d’humeur mais bien une véritable maladie, se traduisant notamment par une tristesse pathologique, une perte de désir et des idées noires, pouvant mener au suicide. Cette maladie peut aussi avoir de lourdes conséquences sur la vie de couple, laissant parfois les partenaires de vie démunis face à la souffrance de leur moitié. Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne et psychothérapeute, explique au Point les bons réflexes à avoir dans ces situations-là.

 Quel est le premier réflexe à avoir pour soutenir son ou sa partenaire de vie dans la dépression ?

Aline Nativel Id Hammou : Mon premier conseil aux personnes confrontées au trouble dépressif diagnostiqué de leur conjoint ou de leur conjointe est de se mettre en contact avec l’équipe soignante de leur partenaire. En psychologie, on dit souvent que le partenaire devient un aidant naturel de son proche.

La dépression étant une pathologie chronique, un accompagnement d’aidant peut être mis en place, à condition d’être soutenu. Il faut une éducation thérapeutique qui permet de comprendre les symptômes de la dépression et de recevoir un ensemble de préconisations sur la bonne posture à avoir auprès de son proche, pour éviter d’avoir des comportements néfastes.

Quelle est la bonne posture à adopter en tant qu’aidant ?

Avant de vouloir aider son partenaire, il faut connaître ses propres limites. Vous ne serez jamais le psychiatre, le médecin, le psychologue de votre moitié. Vous pouvez essayer de le ou la rassurer, de lui dire que vous êtes disponible, présent, et que vous pouvez répondre à ses demandes ou ses besoins. Sauf qu’à un moment donné, il faut garder la bonne posture et être capable d’appeler à l’aide. Le partenaire doit à un moment donné être capable de dire : « Là, je n’ai pas de pouvoir d’action, je n’y arrive pas, j’ai besoin de ressources externes. » Ces ressources extérieures peuvent être une équipe médicale, mais aussi d’autres proches. Il faut pouvoir parler de son mal-être en tant qu’aidant sur la gestion des symptômes de son partenaire.

Autre point important, quand son partenaire traverse une crise dépressive en lien avec la question suicidaire, il faut mettre en place un accompagnement à l’hôpital et ne pas s’octroyer des responsabilités. J’ai déjà accompagné des aidants qui se sentaient coupables de ne pas avoir réussi à arrêter à temps un geste suicidaire. Si vous sentez que les symptômes sont trop forts pour votre partenaire, tout de suite, il faut contacter de l’aide. Il ne faut pas entrer dans le « syndrome du sauveur », parce que vous n’y arriverez pas, vous allez ressentir un sentiment d’échec et de dévalorisation importante. Et si votre partenaire a besoin de se faire hospitaliser, ne culpabilisez pas. Il ou elle comprendra votre démarche.

Que faire si l’on voit son partenaire aller mal, avant qu’un diagnostic soit posé ?

La première posture à adopter est une position de confident. Arrivez-vous à discuter de ses ressentis émotionnels, que ce soit de la sphère familiale ou professionnelle ? Il faut déjà essayer de lui faire comprendre que vous êtes une oreille attentive et bienveillante. Ensuite, il faut essayer de créer des moments à deux. Quand vous sentez que votre partenaire se replie sur lui, qu’il perd du plaisir dans les activités qu’il aimait faire auparavant, qu’il y a un changement dans la fréquence et la durée de votre vie sexuelle, toutes ces informations peuvent être des indices d’un mal-être. Après, on peut tous, à un moment donné, ressentir une humeur dépressive, sans pour autant entrer dans un trouble dépressif. Il faut bien faire la différence.

Souvent, les maladresses des aidants ou des proches proviennent d’une posture trop motivationnelle. Dire « mais non, tout va bien, tu exagères, tu abuses, lève-toi, tu es paresseux », c’est nier les problématiques de son partenaire et cela provoque un effet inverse. Il faut déjà savoir si vous êtes capable d’être à l’écoute, même de propos qui semblent irraisonnés ou irrationnels. Autre point important, quand vous vous sentez dépassé, il faut dire de la manière la plus douce possible que, peut-être, il est temps de rencontrer un expert en santé mentale, de parler à un proche ou de proposer des changements au travail par exemple.

Mais il ne faut surtout pas forcer…

Non. Il ne faut pas se transformer en coach de vie, mais plutôt proposer. Et il ne faut pas surréagir au « non » . Il faut aussi faire le point sur les propositions. Le point d’inquiétude est atteint quand son partenaire refuse des activités auxquelles il prenait un grand plaisir avant. Il faut toujours être dans une forme d’écoute et d’empathie, sans dévaloriser l’autre en lui disant dans une forme de passif-agressif : « Écoute, ça fait trois fois que je te demande de venir, mais qu’est-ce que tu as ? » Ou : « Tu m’avais promis que tu viendrais voir ma famille. Pourquoi refuses-tu ? » Un tel discours, parfois culpabilisant, pourrait provoquer chez la personne dépressive encore plus de dévalorisation, et ainsi, une nouvelle souffrance. Tenter de secouer son partenaire peut compliquer la communication. Mais ce n’est pas qu’il ne veut pas, il ne peut pas.

Comment éviter que son couple sombre dans une spirale infernale ?

L’aidant doit lui-même accepter de l’aide, être entouré et ne pas rester replié sur sa posture d’aidant. L’entourage social est très important. Il existe des groupes d’aidants pour en parler. Individuellement, beaucoup d’aidants vont consulter des psychologues. Cet espace de discussion et ce soutien psychologique leur permettent de mieux accompagner leurs proches.

Comment réussir à faire comprendre à son partenaire qu’il a besoin d’aide ?

C’est très difficile. Ce discours renvoie forcément à la vulnérabilité. Tout dépend de votre partenaire et des arguments invoqués. Mais il faut accepter que la réflexion prenne du temps. Un dépressif ne consulte pas directement. Il a besoin de faire lui-même son cheminement pour pouvoir prendre cette décision. On peut essayer de l’aider. Mais, in fine, il faut quand même lui laisser décider. Le forcer pourrait le brusquer. À noter qu’il existe de plus en plus de structures de soins psychiques qui proposent des rendez-vous à domicile pour certaines pathologies psychiques. C’est parfois plus simple. Mais il reste difficile d’enclencher la volonté de se faire aider.

Et que faire si notre conjoint ou conjointe, en souffrance, refuse toute aide ?

En parlant à l’entourage de son partenaire, à ses amis, à ses collègues, à sa famille, à un tiers de confiance, on peut mobiliser des leviers différents pour pouvoir l’accompagner. Le partenaire dépressif pourra un peu plus prendre conscience de son trouble et adhérer à une thérapie. Quelquefois, c’est mieux parce que trop insister et trop rester replié dans une dynamique conjugale peut mettre à mal le couple.

Comment aborder la vie sexuelle dans son couple dans ces cas-là ?

l faut d’abord accepter que, effectivement, les troubles dépressifs engendrent une perte de libido. Même si son partenaire est suivi médicalement et psychologiquement, il va falloir accepter une perte de sexualité normalisée et plutôt aller vers des gestes de tendresse et de rapprochement physique.

C’est quelque chose qui peut prendre du temps, mais qui peut être aussi très frustrant pour le partenaire de vie. C’est important d’en parler. Si la frustration dans le couple est trop importante, le partenaire peut culpabiliser et se dévaloriser. Mais on peut y travailler avec un accompagnement. Certains optent pour une thérapie de couple. Maintenant, il faut quand même accepter que, pendant un certain temps, la sexualité du couple soit différente.
Le Point
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