APRNEWS : Aviation Édith Mala Diop, Une Pionnière Ivoirienne Aux Commandes Du « Triple 7 »

APRNEWS : Aviation Édith Mala Diop, Une Pionnière Ivoirienne Aux Commandes Du « Triple 7 »

Le 27 juillet 2024, Édith Mala Diop a été officiellement consacrée au poste prestigieux de commandante de bord, à l’issue d’un aller-retour Doha-Riyad sur Boeing 777 de la compagnie Qatar Airways. Depuis deux ans et demi, la jeune femme était copilote (First Officer) sur « Triple 7 », gros-porteur le plus populaire au monde, avec lequel elle a effectué près de 2 000 heures de vol. « Cet avion est très utilisé pour le transport des passagers et celui des marchandises », indique la nouvelle commandante de bord, dont la passion pour l’aviation remonte à l’enfance.

C’est son père qui en est à l’origine. Lorsqu’il était pilote de ligne chez Air Afrique, ce Franco-Sénégalais l’emmenait souvent avec lui durant ses vols sur la côte ouest-africaine. « Je pouvais rester toute la journée dans le cockpit et l’équipage s’occupait très bien de moi », explique Édith Mala Diop, qui a grandi en Côte d’Ivoire, où se trouvent la plupart des membres de sa famille. « Je suis née à Paris, mais mes parents sont revenus à Abidjan quelques jours après ma naissance », précise l’élégante pilote, aînée d’une fratrie de trois enfants, et dont la sœur est devenue pharmacienne, comme sa mère (germano-ivoirienne), tandis que son frère évolue dans la finance.

Diriger Les Opérations Générales 

Pour sa part, l’ambitieuse Édith Mala Diop a suivi les traces de son père dans l’univers fascinant de l’aviation. Avant de devenir commandante de bord, elle a évolué pendant 15 ans comme copilote (First Officer) sur divers avions (Boeing 777, Airbus A340, A330 et A320), comptabilisant plus de 10 000 heures de vol. Au cours de cette période, elle a également obtenu plusieurs certificats délivrés par l’Association du transport aérien international (IATA). Avec ce nouveau statut de commandant de bord sur « Triple 7 », l’Ivoirienne fait partie de la centaine de femmes pilotes de ligne sur les plus de 4 000 que compte la compagnie qatarienne, élue meilleure compagnie aérienne au monde lors des World Airline Awards 2024.

En tant que commandante de bord, Édith Mala Diop est désormais la principale responsable des opérations générales et de la sécurité du Boeing 777 pendant les vols. Ce qui implique d’assurer la sécurité des passagers, de l’équipage et de l’avion, de diriger et de coordonner l’équipage, en examinant les conditions météorologiques et les plans de vol, mais aussi en maintenant la communication avec le contrôle du trafic aérien et les opérations au sol. « Un minimum de cinq ans d’ancienneté et un certain nombre d’heures de vol sont requis pour occuper cette fonction. Toutefois, dans les compagnies aériennes historiques, il est généralement nécessaire de justifier de plus de dix ans d’expérience pour accéder à cette fonction sur les vols long-courriers », explique la pilote de ligne.

Outre cette immense responsabilité, Édith Mala Diop est également coordinatrice du programme de soutien par les pairs que Qatar Airways a récemment introduit au sein de ses équipages. Assuré par des collègues formés, ce programme offre un soutien psychologique et émotionnel aux pilotes de ligne, de façon confidentielle. Elle est la première femme africaine à en faire partie. « Il permet aux pilotes de discuter librement de leurs problèmes de santé mentale, de bien-être ou de stress. Nous leur fournissons des ressources professionnelles tout en intervenant en cas de crise. En sensibilisant aux signes de détresse psychologique et en promouvant une culture de bien-être, il favorise un suivi à long terme, assurant ainsi la santé mentale des pilotes, améliorant leurs performances et garantissant la sécurité des vols », indique la pilote, qui pratique les arts martiaux mixtes (MMA) et le yoga pour « évacuer le stress » et se forger un moral d’acier.

Piloter Un Avion Avant De Conduire Une Voiture 

On pourrait presque dire qu’Édith Mala Diop est née pilote. C’est en effet depuis l’âge de 13 ans qu’elle pilote des avions. Le décès prématuré de son père, alors qu’elle n’avait que 10 ans, a été le déclic. « Il a toujours été un modèle pour moi. Quand il est décédé, j’ai décidé de devenir pilote de ligne », confie-t-elle. Ainsi, quand elle partait en vacances en France chez son parrain Marcel Ottavi, ancien commandant de bord chez Air France, celui-ci l’emmenait à l’aéroclub Air France de Toulouse, où l’adolescente suivait des cours de pilotage avec un instructeur. « J’ai appris à piloter un avion avant de conduire une voiture », raconte-t-elle avec humour, précisant que « c’était juste pour voir si cela me plairait ». Et cela lui a plu. Son talent a fait le reste.

En 2004, après l’obtention de son bac au lycée français Blaise Pascal d’Abidjan, elle intègre donc tout naturellement l’Institut aéronautique Amaury de La Grange (IAAG), en France, que son père a également fréquenté. À l’époque, cet institut formait les équipages de plusieurs compagnies comme Air Mauritius, Air Gabon et principalement les cadets d’Air France.

Au terme de trois ans d’étude, Édith Mala Diop réussit avec brio toutes les épreuves de cette formation exigeante. La jeune pilote – unique femme diplômée en pilotage dans une promotion d’une vingtaine d’étudiants – décide alors de retourner travailler en Côte d’Ivoire. « C’est le pays où j’ai grandi et qui a forgé mon identité première », glisse celle qui a été élevée au rang de Chevalier de l’Ordre national par l’État ivoirien en 2022. « C’est une énorme fierté, car mon pays reconnaît ma participation dans l’aviation ivoirienne », se réjouit-elle.

« En 2022, elle a été élevée au rang de Chevalier de l’Ordre national par l’État ivoirien »

 

Formation Chez Air Ivoire  

À l’époque, le management d’Air Ivoire était composé de plusieurs anciens pilotes d’Air Afrique, autrement dit des collègues et amis de son père. Parmi eux, le commandant Claude Obré, futur directeur général adjoint d’Air Ivoire, devient son mentor. Il l’intègre au bureau d’études de la compagnie, afin de la familiariser avec les opérations d’aviation, en attendant de l’envoyer en formation pour une « qualification machine ». « Quand on finit l’école d’aviation, on devient pilote. Cependant, on n’est pas encore pilote de ligne. Il faut une qualification de type d’avion pour piloter au sein d’une compagnie aérienne », explique Édith Mala Diop.

Après avoir évolué pendant un an et demi au bureau d’études, elle se familiarise avec les différentes opérations aériennes, intervenant notamment sur l’ouverture des routes, les plans de vol, les manuels. Elle travaille également comme assistante du responsable des cours sur les facteurs humains. « Cela m’a permis de m’ouvrir à d’autres sujets dont je n’étais pas vraiment familière dans le domaine de l’aviation commerciale. »

Première et Plus Jeune Pilote de Ligne de Côte d’Ivoire 

Lorsqu’un poste de pilote se libère, la jeune femme est envoyée en formation à Paris, au centre d’instruction de Vilgénis (CIV) d’Air France, pour effectuer une qualification sur Airbus A320. Sa formation terminée, elle retourne en Côte d’Ivoire et devient, à 23 ans la première et plus jeune pilote d’Air Ivoire. Sur le premier Airbus A320 de la compagnie, elle occupe la fonction d’Officier Pilote de Ligne (OPL, aussi appelé copilote), ce qui constitue une chance unique. « En tant que pilote, commencer sur Airbus A320 est une incroyable opportunité, dit-elle. En général, les pilotes commencent avec des Fokker, comme à l’époque à Air Ivoire, ou sur des avions beaucoup plus petits ».

L’Expérience Sénégalaise 

Après la faillite d’Air Ivoire, elle est engagée par Sénégal Airlines (« La plupart des pilotes qualifiés Airbus sont allés au Sénégal quand Air Ivoire a fermé », explique-t-elle), où elle assure également des vols comme copilote sur Airbus A320. Même si son cœur appartient à la Côte d’Ivoire, l’expérience sénégalaise lui permet de redécouvrir le pays d’origine de son père, qu’elle connaît pour y avoir visité sa famille, mais où elle n’a encore jamais vécu.

Cependant, chez Sénégal Airlines, l’atmosphère est bien différente d’Air Ivoire. Édith Mala Diop y est considérée comme « l’Ivoirienne un peu sénégalaise », tandis que chez Air Ivoire, l’ambiance était beaucoup plus familiale. « Chez Sénégal Airlines, je volais avec des pilotes expérimentés, mais plus jeunes que ceux d’Air Ivoire, où j’étais beaucoup plus à l’aise et où les pilotes me prenaient sous leur aile, m’orientaient, me guidaient et m’apprenaient énormément de choses. »

L’appel De l’Orient 

Après un an et demi dans la compagnie sénégalaise, Édith Mala Diop ressent un besoin d’ailleurs. Désireuse de travailler désormais pour une compagnie aérienne plus stable et de continuer à gagner en expérience, elle porte son regard vers le Moyen-Orient, où Emirates Airlines a le vent en poupe. « Mais je n’avais pas le minimum requis pour rejoindre cette compagnie », dit-elle.

C’est alors que sur un de ses vols avec Sénégal Airlines, elle rencontre le commandant Marcel Okambawa, ancien collègue de son père chez Air Afrique, devenu commandant de bord sur Boeing 777 à Qatar Airways. Au vu de son expérience acquise chez Air Ivoire et Sénégal Airlines, celui-ci lui suggère de rejoindre cette compagnie. Fraîchement mariée (avec un pilote), Édith Mala Diop y postule donc, en même temps que son époux. Résultat : elle est sélectionnée, mais pas lui. « J’ai donc décidé de ne pas y aller », raconte la commandante de bord.

Les mois passent, Sénégal Airlines commence à connaître des difficultés, et le couple postule de nouveau chez Qatar Airways. Mais le scénario se répète. Cette fois cependant, Édith Mala Diop ne laisse pas passer l’opportunité : elle se rend à Doha, début 2012, pour passer les entretiens, les tests psychotechniques et les examens techniques. Deux semaines plus tard, elle est sélectionnée pour intégrer Qatar Airways, où elle débute fin 2012.

Qatar Airways 

En 2014, Édith Mala Diop a l’opportunité de changer de machine : elle opte pour l’Airbus A340, dont le planning de vol offre un meilleur équilibre familial et professionnel. « J’ai préféré saisir l’occasion de piloter l’A 340-600, un quadrimoteur qui était, à l’époque, l’avion le plus long au monde. Cela m’a donné le temps de construire ma famille ». 

Elle pilotera pendant plus de quatre ans cet appareil qui ne compte alors que quatre destinations. « Je suis reconnaissante à Qatar Airways de m’avoir permis de devenir un pilote de ligne accompli, me faisant découvrir les cinq principaux continents sous diverses conditions métrologiques et saisonnières », souligne-t-elle.

Vols Cargo 

Lorsque la compagnie aérienne décide de déclasser tous les A340 devenus vieux, Édith Mala Diop est transférée sur l’A330, qui dispose d’un secteur cargo comme le « Triple 7 ». Elle y effectue ainsi plusieurs vols, ce jusqu’à la crise du Covid-19, qui marque un coup d’arrêt aux activités aériennes. De fait, en janvier 2021, la société licencie tous les pilotes opérant sur A330, dont Édith Mala Diop. Néanmoins, la page ne restera pas tournée très longtemps. Après quelques mois d’attente, elle est rappelée pour être qualifiée sur Boeing « Triple 7 » au centre de formation Boeing à Gatwick (Royaume-Uni). Une qualification qui la mènera trois ans plus tard au titre de commandante de bord. « C’était un honneur de pouvoir à nouveau voler pour une compagnie qui se distingue par son excellence et son engagement envers la sécurité et le confort des passagers », dit-elle au sujet de Quatar Airways*.

Une chose de sûre : la jeune commandante elle aussi a fait de l’excellence son credo, elle qui prépare un master en management de l’aviation, tout en assumant son rôle de maman entre deux escales. Dans un univers où les femmes sont encore rares, son parcours sans faute constitue un bel espoir pour les jeunes filles.

Aprnews avec Forbesafrique.com

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