APRNEWS: Les États-Unis en contact « direct » avec les rebelles islamistes
(Damas) Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a affirmé samedi que son pays avait établi un « contact direct » avec Hayat Tahrir al-Sham (HTS), groupe islamiste à la tête de la coalition qui a pris le pouvoir en Syrie, entraînant la chute de Bachar al-Assad.
La Turquie, acteur majeur dans le conflit en Syrie et soutien des nouvelles autorités, a par ailleurs rouvert son ambassade à Damas après plus de 12 ans de fermeture.
Des agents de la circulation relevant des nouvelles autorités ont été déployés samedi dans les rues de la capitale, où les employés municipaux nettoient les routes. La plupart des commerces ont rouvert, y compris le célèbre souk al-Hamidiyé dans le vieux Damas, selon des correspondants de l’AFP sur place.
« Il faut qu’on relance rapidement l’activité dans le souk », affirme Amjad Sandouq, un commerçant. « Le régime est tombé, mais l’État n’est pas tombé, grâce à Dieu ».
« Syriens eux-mêmes »
À l’issue d’une offensive de 11 jours, une coalition de factions rebelles emmenées par le groupe sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a pris aux forces gouvernementales la grande partie du pays le 8 décembre, mettant fin à un demi-siècle de pouvoir de la famille Assad.
HTS, dirigé par Abou Mohammad al-Jolani, affirme avoir rompu avec le djihadisme, mais reste classé « terroriste » par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.
« Nous avons été en contact avec le HTS et d’autres parties », a indiqué M. Blinken à des journalistes après des discussions sur la Syrie à Aqaba, en Jordanie.
Il n’a pas donné davantage de détails sur les circonstances de ces échanges, mais lorsqu’on lui a demandé si les États-Unis avaient eu un lien direct, il a répondu : « Contact direct, oui ».
M. Blinken a précisé que ce contact faisait notamment partie des efforts visant à localiser Austin Tice, un journaliste américain enlevé en 2012 au début de la guerre civile en Syrie.
M. Blinken clôturait une tournée régionale qui l’a conduit en Turquie, Irak et Jordanie, pays voisins de la Syrie.
À Aqaba, M. Blinken a participé à des discussions réunissant des diplomates arabes, européens et turcs qui vont selon lui déboucher sur une déclaration conjointe affirmant : « Nous sommes convenus que le processus de transition devait être dirigé et contrôlé par les Syriens eux-mêmes et aboutir à un gouvernement inclusif et représentatif. »
« Transition pacifique »
« Les droits de tous les Syriens, y compris ceux des minorités et des femmes, doivent être respectés. L’aide humanitaire doit parvenir aux personnes qui en ont besoin », a-t-il ajouté.
Présents aussi en Jordanie, Geir Pedersen, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a appelé à œuvrer pour éviter « l’effondrement des institutions syriennes », et les ministres des Affaires étrangères de huit pays arabes à mener une transition « pacifique ».
Face aux inquiétudes de la communauté internationale, le nouveau premier ministre chargé de la transition jusqu’au 1er mars, Mohammad al-Bachir, avait promis cette semaine un État de droit et de « garantir les droits de tous ».
À Damas, la Turquie a rouvert samedi son ambassade en présence du nouveau chef de mission Burhan Koroglu, selon un journaliste de l’AFP.
La chancellerie avait fermé en mars 2012, un an après le début de la guerre civile en Syrie, déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie, et après des appels du gouvernement turc à la démission de M. Assad.
Bombardements israéliens
Depuis 2016, la Turquie exerce une influence considérable sur le nord de la Syrie, entretenant des relations avec HTS qui a lancé son offensive contre le pouvoir à partir d’Idlib (nord-ouest), son fief.
« Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni », est devenu le leitmotiv des Syriens depuis la fuite de M. Assad avec sa famille en Russie.
Mais la liesse est accompagnée de la douloureuse quête de Syriens qui recherchent leurs proches disparus durant les décennies de répression du pouvoir Assad, accusé des pires exactions.
Plusieurs groupes armés et puissances internationales ont été impliqués dans la guerre en Syrie, qui a fait plus d’un demi-million de morts poussé à la fuite quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, et morcelé le pays.
Le chef de HTS, Ahmad al-Chareh, Jolani de son nom de guerre, a dénoncé samedi l’incursion des troupes israéliennes dans le sud du territoire après la chute d’Assad, mais affirmé que son pays était trop « épuisé » par la guerre pour s’engager dans un nouveau conflit.
Le Hezbollah libanais a lui dit espérer que les nouvelles autorités ne normaliseraient pas leurs relations avec Israël, ennemi juré du mouvement pro-iranien chiite. Il a en outre indiqué que son mouvement, qui faisait notamment entrer ses armes par la frontière syro-libanaise, ne pouvait plus être ravitaillé via la Syrie.
Israël, voisin sud de la Syrie, a mené de nouvelles frappes sur des « sites militaires de l’ancien régime » à Damas et sa banlieue, détruisant un institut scientifique et un « aéroport militaire », selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Les frappes ont également visé des « entrepôts de missiles balistiques » et des lance-roquettes à Qalamoun, à la périphérie de Damas, a ajouté l’OSDH.
Ces raids visent à « détruire ce qui reste des capacités militaires de la prochaine armée syrienne », d’après l’Observatoire.