APRNEWS: Évasion fiscale dans le secteur extractif – Le Sénégal perd des milliards
Un rapport d’août 2024 révèle que l’évasion fiscale dans le secteur extractif du Sénégal prive l’État de milliards de CFA chaque année. La fausse facturation et les transferts vers des paradis fiscaux menacent des projets stratégiques comme GTA et Sangomar.
Fausse facturation et paradis fiscaux : Des pratiques bien rodées
L’évasion fiscale dans le secteur minier repose largement sur des techniques sophistiquées de manipulation financière. Parmi celles-ci, la fausse facturation commerciale est particulièrement préoccupante. Par exemple, les exportations d’or sénégalais vers les Émirats arabes unis affichent une sous-évaluation allant jusqu’à 60 % par rapport aux prix du marché international (Davis, 2024). Cette sous-déclaration permet aux entreprises de transférer des bénéfices vers des paradis fiscaux, privant ainsi l’État sénégalais de recettes cruciales.
Le rapport révèle également que jusqu’à 35 % des bénéfices des multinationales opérant dans les industries extractives au Sénégal sont transférés hors du pays. Cela aggrave non seulement les pertes fiscales mais compromet également les investissements nécessaires au développement national.
Des projets stratégiques menacés
L’évasion fiscale n’est pas qu’une question de chiffres ; elle compromet directement l’avenir économique du Sénégal. Les projets pétroliers et gaziers tels que GTA et Sangomar représentent une opportunité unique pour le pays d’accroître ses recettes fiscales et d’améliorer les conditions de vie de ses citoyens. Cependant, si ces pratiques frauduleuses persistent, les gains escomptés risquent de ne jamais se concrétiser.
Selon les prévisions, le secteur extractif pourrait contribuer jusqu’à 9 % des recettes fiscales nationales d’ici 2030. Toutefois, avec des pertes estimées à 153 millions de dollars par an, cette contribution risque d’être fortement diminuée (Banque Mondiale, 2023).
Des solutions sur la table
Face à ce défi majeur, le rapport propose plusieurs mesures pour limiter ces pertes :
– Renforcement des Capacités : Améliorer la formation et augmenter le nombre d’agents au sein des autorités fiscales et douanières afin d’inspecter efficacement les transactions suspectes.
– Amélioration du Partage d’Informations Internationales : Comparer les déclarations d’exportation et d’importation entre pays pour détecter plus facilement les fausses facturations.
-Introduction de Redevances Variables : Adapter les mécanismes fiscaux pour qu’ils soient moins sensibles aux stratégies d’évasion mises en place par les multinationales.
William Davis insiste sur l’importance cruciale de ces mesures : « C’est là où il existe des solutions assez claires », souligne-t-il dans son rapport.
Une prise de conscience nécessaire
Du côté des autorités sénégalaises, ce rapport vient confirmer une problématique déjà identifiée. Aminata Seck Ndao, directrice de la réglementation au ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, a déclaré que le gouvernement est conscient des risques associés à l’évasion fiscale et engagé à y remédier : « Nous sommes déjà dans une dynamique visant à maîtriser ces pratiques pour maximiser les bénéfices liés à l’exploitation minière et pétrolière ».
Le Sénégal a récemment commencé à produire ses premiers barils d’hydrocarbures, marquant un tournant décisif pour son économie. Cependant, pour que ces ressources deviennent un véritable levier de développement économique durable, il est impératif que le pays assure que toutes les multinationales respectent leurs obligations fiscales.
Sources :
– Davis W., Impact of Tax Evasion in Senegal’s Extractive Sector, August 2024.
– Banque Mondiale (2023), Economic Outlook for West Africa.
Cet article vise à sensibiliser sur l’importance cruciale du respect fiscal dans un secteur clé pour l’avenir économique du Sénégal tout en s’appuyant sur des données probantes pour soutenir ses affirmations.