APRNEWS: L’UK et les USA cédent la souveraineté des îles Chagos à l’île Maurice en conservant la base aérienne de Diego Garcia
Les États-Unis et la Grande-Bretagne conservent une base aérienne précieuse dans l’océan Indien, tandis que des populations expropriées envisagent leur retour dans leurs îles.
« Trois octobre 2024. Un jour inoubliable. Un jour pour commémorer la pleine souveraineté de la République de Maurice sur l’intégralité de son territoire », s’est réjoui le ministre des affaires étrangères mauricien, Maneesh Gobin.
En effet, le Royaume-Uni a décidé de céder la souveraineté des îles Chagos à l’île Maurice. En contrepartie, les Britanniques conservent la base aérienne de Diego Garcia ; cet accord, juge-t-on à Londres, garantit l’avenir de la base militaire américano-britannique et ouvre la voie au retour des personnes déplacées voici plusieurs dizaines d’années. L’accord a été trouvé après deux ans de négociations et les vives pressions des Nations unies.
Cet accord représente une victoire pour Maurice mais certains redoutent qu’il ne favorise essentiellement son partenaire principal, la Chine.
Le président américain Joe Biden s’est félicité de cet accord, affirmant qu’il garantirait le bon fonctionnement de Diego Garcia, une base aérienne d’importance stratégique dans l’océan Indien, au cours du siècle prochain.
Le ministre britannique des affaires étrangères, David Lammy, a déclaré que l’accord réglait la question de la souveraineté contestée des îles, le dernier territoire britannique d’outre-mer en Afrique, alors que les poursuites judiciaires en cours mettaient jusque-là en péril l’avenir à long terme de la base de Diego Garcia.
Selon le ministre, cette base, dont l’importance stratégique a été démontrée lors des conflits en Irak et en Afghanistan, où elle a servi de rampe de lancement pour les bombardiers à longue portée, était désormais garantie pour au moins 99 ans. L’« accord conclu aujourd’hui renforcera notre rôle dans la sauvegarde de la sécurité mondiale », écrit David Lammy dans un communiqué.
Sentiment donc partagé par la Maison-Blanche qui considère que Diego Garcia « joue un rôle vital dans la sécurité nationale, régionale et mondiale ». Cette base « permet aux États-Unis de soutenir des opérations qui démontrent notre engagement commun en faveur de la stabilité régionale, d’apporter une réponse rapide aux crises et de contrer certaines des menaces les plus difficiles auxquelles nous sommes confrontés en matière de sécurité », a justifié Joe Biden.
Un conflit de soixante ans
Un peu d’histoire : la Grande-Bretagne, qui contrôlait la région depuis 1814, avait détaché les îles Chagos en 1965 de l’île Maurice – une ancienne colonie devenue indépendante en 1968 – pour créer le Territoire britannique de l’océan Indien.
Au début des années 1970, la Grande-Bretagne a expulsé près de 2 000 habitants de l’île Maurice et des Seychelles pour faire place à une base aérienne sur Diego Garcia, la plus grande île, qu’elle avait louée aux États-Unis en 1966.
Une résolution non contraignante adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 2019 déclarait que la Grande-Bretagne devait renoncer au contrôle de l’archipel après avoir injustement forcé la population à partir. En 2016, les Britanniques ont prolongé le bail de Diego Garcia jusqu’en 2036, déclarant que les insulaires expulsés ne seraient pas autorisés à revenir.
L’accord dévoilé ce 3 octobre stipule que Maurice sera libre de mettre en œuvre un programme de réinstallation sur les îles autres que Diego Garcia, les conditions étant laissées à l’appréciation de Port-Louis.
« Nous avons été guidés par notre conviction d’achever la décolonisation de notre république », s’est réjoui le Premier ministre mauricien Pravind Jugnauth, dans un discours télévisé.
Olivier Bancoult, qui dirige un groupe de réfugiés des Chagos basé à Maurice, juge que cette décision marquait un tournant décisif et une reconnaissance officielle des injustices subies par les populations. En revanche, un groupe de la diaspora Chagossian Voices, basé en Grande-Bretagne, a déploré auprès de Reuters « l’exclusion de la communauté chagossienne des négociations ». L’archipel des Chagos est composé d’une cinquantaine d’îles paradisiaques isolées au milieu de l’océan Indien.
Si le Premier ministre britannique Keir Starmer avait fait du règlement de cette question une priorité, des voix discordantes se font entendre du côté du Parti conservateur. Tom Tugendhat, porte-parole du parti conservateur juge ainsi que l’accord « sapait » les alliés du Royaume-Uni et ouvrait la possibilité à la Chine de s’implanter militairement dans l’océan Indien.
« Il s’agit d’une capitulation dangereuse qui donnera notre territoire à un allié de Pékin », écrit Robert Jenrick, le favori pour devenir le prochain leader conservateur, sur le réseau social X.
De son côté, David Blagden, professeur associé de sécurité internationale et de stratégie à l’université britannique d’Exeter, a déclaré que l’accord était une « grande victoire » pour l’île Maurice.
« Non seulement le Royaume-Uni paiera Port-Louis pour avoir « récupéré » un archipel dont il n’a jamais eu la souveraineté, mais il sera désormais en mesure d’obtenir de nombreuses aides chinoises juteuses en échange d’une utilisation compliquée de Diego Garcia par les États-Unis et le Royaume-Uni », écrit-il également sur X.
L’accord est soumis à la ratification du Parlement britannique, comme tout traité international.