APRNEWS : Fatoumata Kébé, l’étoile montante de l’astrophysique

APRNEWS : Fatoumata Kébé, l’étoile montante de l’astrophysique

Née le 26 juin 1985 à Montreuil, Fatoumata Kébé, fille d’immigrés maliens – d’une mère femme de ménage et d’un père cariste –, a grandi en Seine-Saint-Denis, où « personne n’entendait parler d’astronomie ».

Elle est devenue, à force de travail et de persévérance une astrophysicienne mondialement reconnue et engagée.

Son envie d’étoiles remonte à loin

Dans l’appartement de Noisy-le-Sec, où elle vit avec sa famille, alors qu’elle n’a que 8 ans, Fatoumata Kébé découvre des photos du ciel, dans une encyclopédie de son père : « Ce qui m’a tout de suite plu, ce sont les images. Je me suis dit : je veux travailler avec ce que je vois sur l’image », raconte Fatoumata Kébé qui avoue être « une contemplative » de nature.

Sa vocation se nourrit de documentaires qu’elle dévore quotidiennement sur France 5 . « Les images de l’espace me font voyager. Jeune, j’avais l’intime conviction que c’était très proche, juste après les nuages…»

Elle est l’astrophysicienne «  préférée » des médias

Révélée par les médias depuis 2014, Fatoumata Kébé est jusqu’aujourd’hui régulièrement invitée sur les plateaux télé, où on peut la voir, en toute simplicité, les cheveux soigneusement nouée dans un foulard avec ses lunettes rondes plaquées sur son visage juvénile, parler des objets célestes – étoiles, nébuleuses, planètes…  ou encore faire la promotion de ses livres.

« On me pose des questions, je réponds, mais il y a tellement plus urgent sur Terre, l’urgence climatique, la baisse de niveau des jeunes… »

Son troisième ouvrage : Au-delà du ciel, présente des images de l’espace, prises par les télescopes, que notre œil seul « ne pourrait pas voir », explique-t-elle.

« Ce sont des images retravaillées, reconstituées à partir de plusieurs », précise l’astrophysicienne dont l’objet céleste préféré est la planète Saturne.

« Beaucoup de gens trouvent les images du télescope James-Webb super belles mais ne savent pas ce qu’on y voit ni comment elles ont été prises, explique-t-elle. J’essaie de les rendre compréhensibles, même si derrière chaque image, il y a des notions très complexes. »

Dans ses premières interviews, Fatoumata kébé, encore étudiante, décrivait ses débuts semés d’embûches : ses parents qui l’auraient bien vue caissière, le racisme, la discrimination dans la recherche scientifique…

« Moi, je suis partie dans l’astronomie parce que c’est ce que je voulais faire. Je ne pensais pas me retrouver dans la catégorie outsider de par mon profil, mon genre ou mes origines… »

Dans son lycée de banlieue difficile, elle passe pour un ovni. « Personne ne me conseillait, je devais rechercher toute seule les informations sur les métiers qui existent. »

Autre obstacle. L’année de son bac, son prof de maths refuse de remplir son dossier de classe préparatoire. « Il m’a dit que le bac, c’était déjà un cadeau et qu’il était hors de question que je fasse des études. Je l’ai vécu comme une profonde injustice. Je n’ai compris qu’après que c’était raciste. »

Pourtant, ce violent épisode avec son prof, ne fait pas céder cette persévérante. « Tant que rien ne montre que c’est impossible, je pense toujours que je vais y arriver ».

« Je me suis donc débrouillée toute seule »

Comme il n’existait pas de préparation aux concours d’entrée aux grandes écoles à Noisy comme dans les autres lycées parisiens, Fatoumata se met à courir les salons de l’étudiant : « J’ai compris qu’il fallait que je fasse ingénieur pour commencer. »

Sur un tuyau de sa prof de SVT (sciences de la vie et de la Terre), elle entre à l’université Pierre-et-Marie-Curie, « la meilleure fac scientifique ». En 2007, elle passe donc une Licence en ingénierie mécanique puis part étudier l’ingénierie spatiale à Tokyo (Japon).

En master, elle découvre les débris spatiaux, « des satellites qui ont fini leur mission, des morceaux de fusée, des écailles de peinture… Ils peuvent entrer en collision avec des satellites fonctionnels et les endommager, mais aussi rentrer sur Terre et percuter des habitations. »

En 2016,  elle y consacrera sa Thèse, une brillante thèse d’astronomie intitulée : « Étude de l’influence des incréments de vitesse impulsionnels sur les trajectoires de débris spatiaux ».

« C’était vraiment innovant », se souvient Christophe Bonnal, l’un des examinateurs.

Très fiers, ses parents ont assisté à sa thèse, « ils étaient en boubou traditionnel au milieu de Jussieu », se souvient l’ingénieur spatial Christophe Bonnal, membre du jury.

Fatoumata Kébé fera par la suite partie des femmes de l’espace mises à l’honneur dans l’exposition Space Girls, Space Women, de l’Agence spatiale européenne.

En 2017, elle fonde l’association « Éphémérides », pour rendre l’astronomie accessible à tous. Quand les jeunes voient mon parcours, ils se disent : c’est faisable. »

Engagée contre la pollution spatiale ou la sécheresse en Afrique, Fatoumata Kébé crée la même année, une entreprise sociale « Connected Eco » une fabrique de systèmes d’irrigation connectés au Mali.

En 2018, elle est désignée par le magazine « Vanity Fair » parmi les 50 personnalités françaises les plus influentes.

Depuis, elle est régulièrement décrite comme « l’étoile montante de l’astrophysique »

En 2021, elle est faîte Chevalier de l’Ordre national du mérite, distinction remise par l’astronaute Claudie Haigneré. Elle fera également partie de la sélection de français qui ont accompagné le Président Emmanuel Macron lors de sa visite diplomatique aux États-Unis en 2022.

En 2023, à la suite d’aînés prestigieux : Hubert Reeves, André Brahic, Thomas Pesquet… Fatoumata Kébé, se lance dans la médiation scientifique et crée  « Kebela Sanée », une société de conseil dédiée aux jeunes entreprises spatiales, dans le domaine du « trafic des engins artificiels autour de la Terre ». « Je suis une passeuse de science, explique-t-elle simplement.

« Fatoumata possède un fort talent de communicante vers le grand public. Calme, très intelligente, elle explique bien. Elle fait beaucoup de bien à la jeunesse », applaudit Christophe Bonnal.

Objectif Lune

L’astrophysicienne n’en fait pas mystère : elle rêve d’aller sur la Lune. « Je me prépare. Je connais les qualifications demandées par les grandes agences spatiales. Je suis un programme sportif et je révise mes langues : le français, l’anglais, l’espagnol, le japonais et le soninké, une langue d’Afrique de l’Ouest.

Aujourd’hui, il est possible de partir dans l’espace en n’étant pas un astronaute d’État, avec une entreprise privée. La Lune, c’est trois jours de voyage : ça va. »

Fierté française d’origine africaine, à 38 ans, Fatoumata Kébé incarne une science à visage humain.

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