APRNEWS : Comment l’IA va maximiser le secteur minier africain
Selon le cabinet McKinsey, l’exploitation minière intelligente associant des technologies numériques comme l’intelligence artificielle permettra aux compagnies minières d’économiser entre 290 et 390 milliards de dollars par an.
Pionnière en matière d’automatisation des mines, l’Afrique découvre à peine le potentiel de l’intelligence artificielle dans l’optimisation de l’activité minière.
Fin août 2024 en Zambie, la Chambre des Mines a exhorté le gouvernement à inclure l’intelligence artificielle (IA) dans les programmes d’enseignement technique de formation professionnelle et d’entrepreneuriat du pays.
Pour cette association représentant l’industrie minière locale, il s’agit de doter les professionnels et futurs professionnels miniers de Zambie des compétences qui seront de plus en plus demandées dans le secteur minier à l’avenir.
« Les artisans doivent acquérir les compétences les plus récentes pour rester pertinents dans un domaine qui utilise désormais l’intelligence artificielle pour l’exploration et la cartographie aérienne ciblée des minéraux », a expliqué Charles Sakanya, Vice-président de la Chambre.
Il faut souligner que cette requête n’a rien d’anodin. Selon un rapport de GlobalData publié l’année dernière, les compagnies minières dans le monde devraient consacrer 218 millions de dollars aux plateformes d’IA en 2024, contre 76 millions de dollars en 2023. Cela représente un taux de croissance annuel composé de 23,4%.
La Zambie s’illustre même comme un pionnier en matière d’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur minier africain.
Pionniers africains
Fin 2022, la société américaine KoBold Metals a annoncé un investissement de 150 millions de dollars pour rechercher du cuivre en Zambie. La particularité de cette startup californienne, soutenue notamment par les milliardaires Bill Gates et Jeff Bezos, réside dans la manière dont elle mène ses activités d’exploration.
Concrètement, KoBold utilise l’IA pour analyser de vastes ensembles de données géologiques et générer des cartes qui indiquent les emplacements probables des dépôts de minerais. Une fois qu’une zone prometteuse est identifiée, la société collecte des données supplémentaires sur le site pour affiner ses modèles et identifier des cibles de forage. Avec cette méthodologie, KoBold estime que la méthodologie utilisée réduit significativement les incertitudes, transformant « l’activité inefficace de l’exploration en une science reproductible, efficace et adaptable ».
Ce sont des méthodes plus ou moins similaires qu’une autre compagnie minière britannique utilise au Botswana voisin. Dans le pays, premier producteur africain de diamants, Botswana Diamonds a décidé d’appliquer des techniques d’intelligence artificielle pour identifier de nouveaux gisements de diamants.
Il s’agit de soumettre à un système d’IA une base de 380 giga-octets comprenant 260 000 fichiers de données géophysiques aéroportées et des résultats d’échantillons de sol. Fonctionnant comme un géologue et sans les limites humaines d’un véritable géologue, ce système dénommé Xplore pourra absorber une grande quantité de données.
L’analyse de ces données par Xplore devrait fournir à la compagnie des zones potentielles riches en diamants pour des travaux de forage ultérieurs.
« Les bases de données massives se prêtent à l’analyse par de grands modèles de données informatisées et des techniques d’intelligence artificielle qui peuvent analyser des quantités considérables de données en peu de temps.
Notre travail et l’utilisation de la technique dans l’exploration minière n’en sont qu’à leurs débuts, mais le potentiel futur est énorme », estime John Teeling, président de Botswana Diamonds.
Les atouts de l’IA dans l’industrie minière
Contrairement à Botswana Diamonds qui en est encore à ses débuts, KoBold Metals peut déjà se targuer d’avoir des résultats grâce à sa méthodologie. En février dernier, la startup a annoncé la découverte de ce qui pourrait être le gisement de cuivre le plus riche identifié en Zambie depuis un siècle. La société indique avoir trouvé du minerai avec des teneurs en cuivre d’environ 5% et prévoit un investissement pouvant atteindre 2 milliards de dollars pour développer une mine de cuivre.
À l’heure où la demande de cuivre, ainsi que d’autres ressources critiques comme le cobalt, le graphite et les terres rares, est en hausse, l’IA peut accélérer le processus de découvertes de nouveaux gisements. C’est ce que le géologue d’exploration Victor Cha, responsable au sein de la société Micromine, qui fournit des technologies pour l’exploitation minière, explique dans un article de blog.
« Les outils alimentés par l’IA rationalisent les flux de travail, accélèrent le processus d’analyse des données géologiques et réduisent le temps nécessaire à l’exploration. Cette efficacité permet de réduire les coûts et de prendre des décisions plus rapides pour identifier les sites miniers viables », a-t-il déclaré.
De telles méthodes utilisées dans l’exploration des minéraux critiques pourraient donc contribuer à réduire la pénurie attendue dans quelques années pour plusieurs de ces minéraux. Dans une perspective plus lointaine, l’IA peut aussi faciliter la tâche aux juniors minières africaines qui peinent à développer leurs activités d’exploration, faute de moyens financiers. Cette analyse est partagée par Shabir Ahmed, consultant Energie et Ressources naturelles pour SAP, une société de logiciels spécialisée notamment sur l’IA.
Pour ce spécialiste de la question, les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent analyser de vastes ensembles de données géologiques, d’images satellites et de données géophysiques pour identifier les gisements minéraux prometteurs avec une plus grande précision. Cela aiderait les juniors à concentrer leurs ressources limitées sur les zones les plus prometteuses.
« Les outils alimentés par l’IA peuvent optimiser les activités d’exploration, en réduisant les coûts et en améliorant l’efficacité des programmes de forage, de l’analyse des échantillons et de l’interprétation des données », a ajouté M. Ahmed, dans un entretien accordé à l’Agence Ecofin.
En plus de la réduction des coûts d’exploration, le cabinet GlobalData estime de son côté que l’IA peut être utilisée pour faire de la maintenance prédictive. Les compagnies pourront résoudre les pannes mineures de leurs équipements miniers, avant de faire face à des interruptions liées à des pannes plus importantes. Cela augmente non seulement la productivité des mines, mais réduit aussi les coûts de maintenance des équipements.
« L’IA a atteint un point où elle peut avoir un impact efficace sur chaque section de la chaîne de valeur minière, de la prospection à l’extraction, au traitement et même au marketing », résume le rapport de GlobalData mentionné plus haut.
Le rôle des pays miniers africains
Pour le moment, l’utilisation de l’IA dans l’industrie minière africaine reste marginale. Sa démocratisation pourrait néanmoins s’accompagner d’importants défis pour les compagnies minières. Ces dernières auront notamment besoin de nouvelles compétences sur le marché du travail. Pour M. Ahmed, les Etats africains peuvent accompagner les compagnies minières dans cette transition, en introduisant des programmes de formation spécialisés en IA et en science des données axés sur les applications minières.
Les gouvernants peuvent aussi soutenir des projets pilotes qui démontrent les applications de l’IA dans divers aspects de l’exploitation minière, de l’exploration à la remise en état. Le soutien peut aussi impliquer l’octroi des bourses ou subventions pour les étudiants qui choisissent ces formations.
Au-delà du développement du capital humain, il faudra également mettre en place les infrastructures qui permettent l’utilisation réussie de l’IA dans les Mines. Cela passe notamment par l’amélioration de la connectivité numérique et un approvisionnement électrique fiable, garantissant un accès internet fiable pour les opérations à distance par exemple.
« En se concentrant sur ces domaines, les gouvernements africains peuvent créer un environnement dans lequel l’IA devient plus accessible et bénéfique pour tous les acteurs du secteur minier, en particulier les petites entreprises minières », résume Shabir Ahmed.
La question des emplois menacés
Grâce à l’intelligence artificielle, certaines tâches actuellement réalisées par des humains peuvent être automatisées, rendant cette main-d’œuvre superflue dans l’organigramme des mines. Les pertes d’emplois qui pourraient en résulter renforceraient le chômage dans plusieurs pays africains. Le problème des pertes d’emplois lié à la technologie n’est néanmoins pas nouveau dans l’industrie minière africaine.
Avant l’introduction de l’intelligence artificielle, le continent est en effet déjà reconnu comme une pionnier en matière d’utilisation des technologies de pointe.
La plus grande mine africaine d’or, Kibali, est ainsi reconnue mondialement comme un exemple en matière d’automatisation. Pour Jeff Geipel, DG d’Engineers Without Borders, interrogé en 2021 par notre rédaction, l’automatisation entrainera la perte de la moitié des emplois miniers actuels. Parmi les pistes d’atténuation, il invite donc les sociétés minières à investir davantage dans les initiatives sociales auprès des communautés locales, pour rester indispensables auprès d’elles.
Les compagnies minières peuvent aussi surmonter l’impact de l’IA sur les pertes d’emplois, en orientant leurs travailleurs vers les nouvelles tâches induites par l’introduction de l’intelligence artificielle.
« Il ne s’agit pas seulement de changer la nature du travail dans les mines, mais aussi d’élever le niveau de compétences de l’ensemble de la main-d’œuvre minière. En automatisant les tâches dangereuses et répétitives, l’IA permet aux travailleurs humains de se concentrer sur les domaines dans lesquels ils excellent, tels que la résolution de problèmes et la planification stratégique », analyse M. Ahmed.
Aprnews avec Agenceecofin.com