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Côte d'Ivoire: Quand le capitalisme philanthropique ignore les priorités sanitaires

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Lundi, 19 mars 2018

Côte d'Ivoire: Quand le capitalisme philanthropique ignore les priorités sanitaires

APRNEWS - Il ne faut pas bouder son plaisir. L'hôpital mère-enfant de Bingerville, sans doute le premier en Afrique de l'Ouest, doit être la fierté de tout Ivoirien. Merci madame la première dame Dominique Ouattara. Dès lors que cela a été dit sous l'émotion de l'inauguration, il faut raisonner.

Dans la pyramide sanitaire de l'offre de soins en Côte d'Ivoire, l'hôpital mère-enfant se situe au 3ème niveau. Il faut rappeler que le 1er niveau de la pyramide sanitaire représente les centres de santé et autres cabinets de santé de premier contact qui prennent en charge les soins primaires.

Le second niveau composé d'hôpitaux généraux et autres cabinets de santé de spécialité se charge des soins secondaires, quand le 3ème, composé de Chu et grands hôpitaux de spécialité prend en charge les soins tertiaires. Il n'est pas besoin de le démontrer: en Côte d'Ivoire, l'accessibilité géographique en termes d'offres de soins primaires reste problématique.

En clair, la Côte d'Ivoire manque cruellement de centres de santé de premier contact, notamment à l'intérieur du pays et surtout en zones rurales. La bonne volonté qui veut véritablement aider les ivoiriens devra doter le pays de ces centres de santé de proximité car, en Côte d'Ivoire, le paludisme, maladie relevant des soins primaires, reste encore la première cause de consultation, de mortalité et de morbidité dans l'ensemble de la population et aussi chez les enfants.

Il est malheureusement évident que ce ne sera pas le paludisme qui sera traité à l'hôpital mère-enfant de Bingerville pour la seule raison que le respect de la pyramide sanitaire dans le parcours de soins exige que cette maladie se soigne au premier niveau.

Tout au moins, si on voulait bien faire avec ces 25 milliards, il aurait fallu construire 4 hôpitaux mère-enfant de taille moyenne: 1 au nord, 1 au sud, 1 à l'ouest et 1 à l'est. Car, un couple mère-enfant très pauvre au nord, à l'ouest ou à l'est de la Côte d'Ivoire ne viendra pas jusqu'à Bingerville pour se faire soigner.

Par ailleurs, j'ai lu aussi que cet hôpital est une entreprise à but non lucratif. Il relève donc de l'économie sociale et solidaire, ma spécialité de base. Je ne peux qu'être heureux. Il faut juste indiquer que "children of Africa" est certes une association caritative, mais vient tout droit du capitalisme philanthropique, tout comme la fondation Bill Gates, la fondation Areva ou même la fondation Sanofi.

Autant des multinationales ont investi le secteur de l'économie solidaire, notamment dans le commerce équitable, autant des multinationales ont désormais investi le secteur de l'économie sociale. Leurs fondateurs s'étant bien enrichis ont décidé de faire du caritatif dans les pays pauvres.

Mais puisqu'ils restent capitalistes jusqu'au bout, ces riches propriétaires de ces fondations imposent dans la majorité des cas, une gestion sur le modèle capitaliste sans oublier qu'ils se servent de ces fondations caritatives pour payer moins d'impôts en occident. Il faut aussi préciser que le but non lucratif n'exclut pas le bénéfice.

À la différence d'une entreprise lucrative dont le bénéfice enrichit les propriétaires, le bénéfice d'une entreprise à but non lucratif n'a pas vocation à enrichir un individu. Il est réinvesti dans l'entreprise ou contribue à baisser les coûts des services pour les usagers. Tout le défi de l'hôpital mère-enfant de Bingerville semble être là.

Le "non-lucratif" ne se muera-t-il pas en "lucratif", transformant l'hôpital pour tous en un hôpital de luxe? Pour le savoir, le contrôle de gestion ne sera pas aisé. Contentons-nous donc du simple plaisir qu'il nous procure en tant qu'Ivoirien. Ne cherchons pas à fouiner.

Donatien Robé
Président de "la côte d'Ivoire sociale"
Mouvement citoyen