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Côte d’Ivoire : Le Sénat, une institution budgétivore ?

© Sercom APRnews Photo / Le Sénat, une institution budgétivore ?
Lundi, 25 décembre 2017

Côte d’Ivoire : Le Sénat, une institution budgétivore ?

APRNEWS- En 2018, l’une des innovations majeures sur le plan institutionnel sera la mise en place du Senat, la deuxième chambre du parlement ivoirien ; une institution dont le siège sera installé à Yamoussoukro, la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire.

Prévue par la constitution du 12 octobre 2016 en son article 85, le déploiement du Sénat avait été gelé. L’annonce des élections sénatoriales pour 2018 a ravivé les débats sur l’opportunité d’une telle institution dans un pays où l’appel au sacrifice est lancé à l’endroit des ivoiriens. 

Du point de vue de la fonction de représentation, une comparaison avec celle des Députés permet de nous situer. Le Sénateur assure la représentation des collectivités territoriales  et des ivoiriens de l’étranger. Quant au Député, il est le représentant de la nation toute entière. Le terme « Nation » s’étend de la volonté de vivre ensemble, de bâtir un avenir commun. Cela revient à dire que les ivoiriens de l’étrangers font bien partie de la nation ivoirienne, d’autant que le lien affectif entre eux et la Côte d’Ivoire ne souffre aucune contestation.
 
De façon simple, on dira que les pouvoirs du Député englobent ceux d’un Sénateur. 

Sur le mode électoral, le Député à plus de légitimité en cela qu’il est issu du suffrage universel direct. Le Sénateur, élu au suffrage universel indirect, bénéficie d’une légitimité doublement amoindrie, car le tiers des Sénateurs est nommé par le chef de l’exécutif et les 2/3 élus par les conseillers régionaux et municipaux. Certains ont pu dire que parce qu’issu d’un organe élu par le peuple, il épouserait la légitimité de ce dernier. En suivant cet argumentaire, on parlerait plutôt d’une « légitimité dérivée ». 

On conclura sur ces deux plans, que le Député a un pouvoir supérieur à celui du Sénateur quoique les deux soient appelés à participer à l’œuvre législative.

Pour ce qui concerne le fonctionnement de l’institution, faisons remarquer que la Côte d’Ivoire compte 255 députés. Chacun de ces députés à un budget d’installation dès son élection, des primes de session ainsi que des émoluments mensuels qui varient selon que le Député occupe une fonction organique prévue par le règlement de l’Assemblée ou est un simple Député.

La prochaine élection sénatoriale installera 120 Sénateurs. Comme les Députés, ils auront un traitement assez honorable et des privilèges liés à leur fonction. Avec un total de 375 membres du Congrès, le budget de l’Assemblée nationale va nécessairement flamber. Ce nombre va-t-il améliorer le travail des Députés et Sénateurs ? Le bicaméralisme ne peut pas à lui seul être regardé comme permettant de doter le pays de lois efficaces. Encore faut-il qu’elles soient effectivement appliquées. 

L’amélioration du travail de l’Assemblée nationale passe par l’affectation d’assistants parlementaires à chaque Député, et le renforcement des capacités de la représentation nationale. En utilisant ces deux voies, l’Etat se prémuni contre l’adoption de lois fantaisistes et garantit un meilleur contrôle de l’action gouvernementale. Notons au passage que le parlement ivoirien ne dispose que de six assistants parlementaires, à raison d’un assistant par groupe parlementaire.

La question du caractère « budgétivore » du Sénat, mérite qu’on y accorde une attention particulière. Récemment, le Sénégal a supprimé le Sénat. Les économies liées à la suppression de cette institution sont évaluées à près de 12 millions d’euros. Une telle manne pourrait être aussi gagnée par la Côte d’Ivoire en faisant l’économie du Sénat. Cela pourrait servir à améliorer les services de santé, réhabiliter les routes. Bref, investir dans certains services prioritaires. 

Le vote de la loi de finances au titre de l’année 2018, avait été bloqué par un préalable de Députés exigeant que le budget de leur institution soit connu avant de voter celui de l’Etat. Si une seule chambre réclame une revalorisation de son traitement, qu’en sera-t-il lorsque que l’on passera à deux chambres ? 

Serges Kamagaté